Les évènements marquants (Avril à Septembre 2004)
Gérard Lang, Université de Strasbourg (BETA)
Cette période est marquée par des événements politiques exceptionnels – élargissement de l’Union Européenne, élection du nouveau Parlement Européen à 25, adoption du Traité constitutionnel, nomination de la Commission de l’Union élargie qui remplacera la Commission Prodi le 1er novembre – qui seront rappelés avant les événements économiques.
Citer cet article
Gérard Lang « Les évènements marquants (Avril à Septembre 2004) », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 11, 27 - 31, Hiver 2004.
1. Politique – Institutions
Elargissement (Voir n°10 du Bulletin de l’OPEE, été 2004)
- 1er mai : Entrée officielle de dix nouveaux Etats membres dans l’Union Européenne : Chypre (Kypros), Hongrie (Magyarorsza’g), Lettonie (Latvija), Lituanie (Lietuva), Malte (Malta), Pologne (Polska), République tchèque (Ceska Republika), Slovaquie (Slovenska Republika), Slovén Chaque pays avait approuvé par référendum l’adhésion à l’U.E. au cours des mois précédents. Le 24 avril, à cause du rejet par les Chypriotes grecs à 75% du plan de réunification de l’ile prévu par les Nations Unies, seule la partie grecque de l’ile de Chypre entre dans l’U.E. le 1" mai, l’application de l’acquis communautaire à la partie nord de l’ile, république turque seulement reconnue par la Turquie, sera suspendue à l’attente d’un règlement problématique de la question chypriote.
- 17 juin : Le Conseil des Chefs d’Etat et de gouvernement décide d’ouvrir dans six mois les négociations sur l’adhésion de la Croatie, qui fera ainsi partie du deuxième train » des pays de l’Est, avec la Bulgarie et la Roumanie, destiné à entrer dans l’U.E.
Élection au Parlement européen
- 13 juin : Elles sont marquées par une défaite des partis au pouvoir et un fort taux d’abstention : 52 % chez les Quinze et 74% chez les Dix nouveaux adhérents (57,46 % en France, les taux records étant de 76 % au Royaume-Uni, 79,2 % en Pologne et 84 % en Slovaquie).
Les partis représentés : PPE (Parti Populaire européen) 268 sièges ; ADE (Alliance des Démocrates et Libéraux) : 88 ; PSE (Parti socialiste européen) : 200 ; Verts : 42 ; GUE européenne) : 41 ; Divers : 93. Total : 732 sièges (Allemagne : 99 ; France, Grande-Bretagne et Italie : 78 chacune ; Espagne et Pologne : 54).
- 20-22 juillet : Première réunion du nouveau Parlement à Strasbourg. Le socialiste Josep Borell est élu président du Parlement.
Le Traité Constitutionnel
- 18 juin : Le Conseil des Chefs d’Etat et de gouvernement adopte le projet de Traité constitutionnel de l’Union européenne. Le Traité organise notamment le nouveau processus de décision dans l’Union élargie : élection à la majorité qualifiée pour deux ans et demi, renouvelable une fois, d’un Président du Conseil européen ; création d’un poste de ministre des affaires étrangères ; réduction à terme du nombre des commissaires ; extension et nouvelle définition du vote à la majorité qualifiée : 55 % des Etats représentant 65 % de la population. Mais dans les domaines budgétaires et de la fiscalité, de la politique sociale, de la coopération en matière pénale en particulier, la règle de l’unanimité est maintenue.
Le Traité apporte quelques avancées, notamment en ce qui concerne la Charte des Droits fondamentaux, les droits sociaux, les services publics, le gouvernement économique de la zone euro, les droits du Parlement européen, le rôle des partenaires sociaux.
Ce Traité n’entrera en vigueur qu’après avoir été ratifié dans les 25 Etats membres, soit par les Parlements nationaux, soit par référendum.
Dès le 20 avril, en Grande Bretagne, le Premier Ministre Tony Blair avait annoncé que le futur projet serait soumis à un référendum.
En France, le référendum, qui semble probable en 2005, divise la classe politique à partir de septembre, une minorité, au sein du parti socialiste notamment, craignant que ce Traité serait un « Carcan libéral » qui « constitutionnaliserait » les politiques économiques en Europe.
La nouvelle Commission
- 29 juin : Le Conseil européen désigne à l’unanimité le Premier Ministre portugais, José Manuel Durao Barroso, au poste de Président de la Commission européenne, pour succéder à Romano Prodi. Il sera confirmé le 22 juillet par le Parlement européen.
- 12 août : Le Président Barroso publie la liste des 24 membres de la nouvelle Commission, qui entrera en fonction au 1° novembre 2004. Leur audition par le Parlement de Strasbourg aura lieu du 27 septembre au 8 octobre.
Elle donne la prééminence aux libéraux, reflétant la composition du Parlement européen, et réduit le poids des grands États, en raison de la perte du deuxième commissaire qu’ils possédaient auparavant, au profit des « petits pays » (tels les Pays-Bas et l’Irlande).Composition de la Commission : Président : José Manuel Barroso (Portugal). Vice-présidents : Margot Wallström (Suède, relations institutionnelles, communication) ; Günter Verheugen (Allemagne, entreprise et industrie) ; Jacques Barrot (France, transports) ; Siim Kallas (Estonie, affaires administratives, audit et lutte contre la fraude) ; Rocco Buttiglione (Italie, justice, liberté et sécurité). Membres : Viviane Reding (Lux., société de l’information et médias) ; Stavros Dimas (Grèce, environnement) ; Joaquim Almunia (Espagne, affaires économiques et monétaires) ; Danuta Hübner (Pologne, politique régionale) ; Joe Borg (Malte, pêche ) ; Dalia Grybauskaite (Lituanie, programmation financière et budget) ; Janez Potocnik (Slovénie, science et recherche) ; Jan Figel ( Slovaquie, éducation, formation, culture, multilinguisme) ; Markos Kyprianou (Chypre, santé et protection des consommateurs) ; Olli Rehn (Finl. élargissement) ; Louis Michel (Belg., développement et aide humanitaire) ; Laszlo Kovacs (Hongrie, énergie) ; Neelie Kroes-Smit (PaysBas,concurrence) ; Mariann Fischer Boel ((Dan., agriculture et dével. rural) ; Benita FerreroWaldner (Autriche, rel.extérieures) ; Charlie McCreevy Irlande, marché intérieur et services) ; Vladimir Spidla (Rép. Tchèque, emploi, affaires sociales et égalités des chances) ; Peter Mandelson (Royaume-Uni, commerce) ; Ingrida Udre (Lettonie, fiscalité et union douanière). - *1 juillet : Début de la présidence néerlandaise.
2. Economie
- 26 avril : Marché unique (M.U.) : Autorisée par la Commission européenne, la fusion entre les sociétés Sanofi et Aventis donne naissance au numéro un de l’industrie pharmaceutique en Europe, le troisième au niveau mondial derrière Pfizer et GlaxoSmih Kline (25,8 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2004).
- 28 avril : Pacte de stabilité et de croissance (PSC) : la Commission lance la « procédure d’avertissement précoce » contre le gouvernement italien en exigeant des mesures pour réduire son déficit (3.2 % du PIB en 2004, prévu à 4% en 2005) de 0,5 % du PIB dès 2004. (Le ratio de la dette publique est de 106 %).
- 6 mai : La Banque d’Angleterre relève son taux directeur de 4% à 4,25%. Elle l’augmentera à 4,5 % le 10 juin. Le Conseil des Gouverneurs de la BCE décide de laisser inchangé le sien à 2% pour le 11° mois de suite.
- 11 mai : PSC : Le Conseil des Ministres suspend la procédure pour déficit excessif lancée le 28 avril par la Commission contre l’Italie et renvoie au mois de juillet l’examen de cette procédure. Il lève aussi la procédure pour déficit excessif lancée contre le Portugal deux ans auparavant.
Fiscalité : Les gouvernements allemand et français dénoncent le dumping fiscal pratiqué dans l’Europe des 25 et réclament l’introduction d’un taux d’impôt sur les sociétés (IS) minimal. Sont visées essentiellement l’Irlande (IS : 12,5 %), la Slovaquie et l’Estonie (IS : 0%), alors que l’ls en Allemagne est de 38,3 %. La Commission publiera en juillet deux documents, l’un sur les PME, l’autre sur l’harmonisation de l’assiette de I’IS dans l’UE. - 13 mai : Fiscalité. Accord entre la Suisse et l’UE sur la fiscalité de l’épargne. L’UE peut mettre en œuvre à partir du 19 janvier 2005 sa directive sur la fiscalité des intérêts de l’épargne, dont l’entrée en vigueur était conditionnée à l’accord de la Suisse et des paradis fiscaux. La Suisse garde le secret bancaire mais accepte de taxer à la source les intérêts de l’épargne entreposée dans ses banques par des résidents de l’UE et de reverser une partie de ses recettes aux 25 (cette retenue pouvant atteindre 35 %).
- 25 mai : M.U. : Accord de principe entre la Commission et le gouvernement français sur le plan de sauvetage du groupe Alstom pour éviter son démantèlement (perte nette de 1,8 milliards d’euros pour un C.A. de 16,9 milliards en 2004) : cession pour 1,5 milliards d’euros d’actifs « ciblés » (hors chantiers navals), recapitalisation du groupe demandée aux banques, entrée provisoire de l’Etat dans la limite de 31,5 % de son capital et délai de 4 ans pour nouer des « partenariats » sur des parties significatives de son activité. La Commission validera le plan français le 7 juillet.
- 1 juin : Energie – Croissance : Le baril de pétrole brut passe de 40 à 42 $, un record absolu .La Commission estime que la croissance serait réduite de 0,2 point par rapport à ses prévisions : la croissance économique devrait être d’environ 1,7 % en 2004 et 2,2 % en 2005 (contre respectivement 5 % et 4,5 % dans le monde « hors zone euro) ».
En revanche l’euro s’apprécie : il a atteint le 27 mai 1,226 $, son plus haut niveau depuis mars. - 24 juin : PSC. La Commission reconnaît la nécessité de réformer le Pacte de stabilité et de croissance : « Dans certain cas au moins, les règles ont peut-être été trop strictes et ont réduit notre marge de manœuvre ». Elle détaillera son projet de réforme le 3 septembre.
En même temps, elle propose au Conseil d’ouvrir des procédures pour déficits excessifs contre la Grèce (déficit de 3,2% du PIB en 2003, devant être ramené à 3% en 2005, et une dette de 103% du PIB et contre six des dix nouveaux adhérents, disposant par contre d’un délai plus long pour ramener leurs déficits sous le seuil de 3% : République tchèque et Hongrie (2008), Pologne et Slovaquie (2007), Malte (2006), Chypre (2005). - 30 juin : USA. La Réserve fédérale relève son principal taux directeur de 1 à 1,25 %. Un second relèvement, à 1,50 %, aura lieu le 10 août.
- 6 juillet : PSC. Le Conseil de la zone euro renonce à lancer à l’Italie un avertissement préventif : une nouvelle fois la Commission n’a pas été suivie.
- 8 juillet : M.U.. La Commission dénonce le caractère anticoncurrentiel des pratiques des neuf principales banques françaises en matière d’émission de cartes bancaires.
- 9 juillet : M.U.. La société américaine Philip Morris, moyennant le paiement de 1,25 milliards de $, signe avec la Commission et dix Etats membre de l’UE qui l’accusent d’alimenter les réseaux de contrebande, un accord sans précédent pour qu’ils abandonnent leurs poursuites engagées devant la justice américaine.
- 13 juillet : PSC. La Cour de Justice de l’UE donne raison à la Commission.
La Cour de Justice de l’UE, saisie le 27 janvier 2004 par la Commission, rend un arrêt suspendant le gel, décidé par le Conseil des Ministres le 25 novembre 2003, des procédures lancées contre la France et l’Allemagne pour déficits excessifs : « Le Conseil ne peut s’écarter des règles établies par le Traité ni de celles qu’il s’est lui-même imposées ». La Cour reconnaît le droit pour le Conseil de refuser les recommandations de la Commission, mais pas celui de les « modifier sans une nouvelle impulsion de la Commission, qui dispose d’un droit d’initiative dans le cadre de la procédure pour déficit excessif ».
L’arrêt signifie que le Pacte n’est pas un instrument politique, pouvant être modifié par les Ministres des finances à leur guise, mais un cadre juridique contraignant. Si ces règles ne les satisfont plus, les Ministres peuvent en changer, mais c’est à la Commission de proposer un projet de réforme du Pacte, et c’est sur ce projet que le Conseil devra délibérer pour fixer les nouvelles règles. La Commission présentera son projet le 3 septembre. - 14 juillet : Budget. La Commission propose de supprimer à partir de 2007 le rabais dont bénéficiait le Royaume-Uni depuis 1984 et de le remplacer par un mécanisme plus général, identique pour tous les pays riches de l’UE. En effet, s’il gardait ce rabais, le Royaume-Uni ne verserait, sur la période 2007-2013, que 0,25 % de son PIB à l’Union, moins que les Pays-Bas (0,56 %), l’Allemagne (0,54 %), l’Italie (0,41 %) ou la France (0,37 %). « Il serait le plus petit contributeur net au budget européen … La persistance d’une telle anomalie grandissante risque de miner la légitimité des politiques européennes, en particulier dans les nouveaux États membres. ».
- 20 juillet : M.U.. La Commission dénonce les aides d’Etat dont aurait bénéficié France Télécom entre 1994 et fin 2002 grâce au régime dérogatoire de taxe professionnelle et lui demande de rembourser de 1,2 à 1,7 milliards d’euros. L’entreprise dépose un recours en annulation devant le Tribunal de 1ère Instance de Luxembourg.
La Commission autorise la fusion dans le secteur du disque des groupes japonais et allemand Sony Music et BMG, filiale de Bertelsmann. - 1 août : Commerce. Les 147 pays membre de l’OMC signent à Genève un accord historique sur la libération des échanges internationaux. Le Commissaire européen à l’Agriculture considère que c’est un bon compromis pour les agriculteurs européens.
La réforme du Pacte de stabilité et de croissance
- 3 septembre : PSC. La Commission présente une nouvelle communication sur la gouvernance économique et le Pacte de stabilité et de croissance, en proposant une mise en œuvre « non pas plus flexible, mais plus économique des règles communes en matière budgétaire ».
L’architecture générale du Pacte et ses principaux objectifs sont préservés (déficits budgétaires inférieurs à 3% du PIB, dette publique inférieure à 60 % du PIB), mais certains aménagements devront être prévus :- les « circonstances exceptionnelles » pouvant être invoquées par un Etat pour éviter la situation de « déficit excessif » sont élargies au-delà du cas de la récession de -2 % du PIB par an, par exemple une faible croissance durant plusieurs années ( cas de l’Allemagne) ;
- il faudra prendre en compte les éléments spécifiques d’un pays dans la correction des déficits excessifs tant dans la définition des délais autorisés pour repasser sous les 3 % que dans la fixation des objectifs à moyen terme : « l’objectif à moyen terme pourrait être d’autant plus strict que le niveau d’endettement est plus élevé »
- il faudra profiter davantage des périodes de croissance élevée pour réduire les déficits ;
- la préparation et le respect des grandes orientations de politique économique devront enfin être renforcées.
- 10 septembre : Le Conseil des Ministres, réuni à La Haye, lance la réforme du PSC, jugeant unanimement que les propositions de la Commission faites le 3 septembre constituent une « bonne base de discussion ». Les procédures pour déficits excessifs lancées contre la France et l’Allemagne en 2003 seraient reprises – si nécessaires – en appliquant les nouvelles règles du Pacte, probablement pas avant mars 2005. Les ministres les plus orthodoxes et la BCE ont insisté pour que les modifications qui seront faites aux règlements d’application devront être « minimales et seulement si nécessaires ».
Zone Euro : Les Ministres des Finances réunis à La Haye nomment Jean-Claude Juncker, Premier Ministre et Ministre des Finances du Luxembourg, président de l’Eurogroupe, pour un mandat de deux ans renouvelable à partir du 1 janvier 2005.
La mise en place d’une présidence stable consolide l’instance informelle qui les réunit chaque mois. Le suppléant de M. Junckers sera le Ministre des Finances autrichien, Karl-Heinz Grasser. Mais dès le 11 septembre, le président de la Banque centrale des Pays-Bas, Nout Wellink, s’empresse d’affirmer que « le porte parole de l’euro reste le Président de la BCE » et il se dit confiant dans le fait que M. Junckers n’allait pas multiplier les déclarations sur le taux de change de l’euro. M. Junckers aura l’avantage de devenir un interlocuteur durable dans la réunion du G7,contrairement au président « tournant » de l’Eurogroupe. - 22 septembre : PSC/France. Le Ministre de l’Economie et des Finances, Nicolas Sarkozy, présente le projet de loi de finances pour 2005 : le déficit budgétaire passera à 2,9% du PIB.
En effet, sur les 17 milliards d’euros de plus-values de recettes fiscales nées de la croissance, 19 milliards iront à la baisse du déficit budgétaire, 5 à la hausse des dépenses publiques (soit une stagnation en volume) et 2 milliards aux baisses d’impôts ; enfin la baisse sous les 3 % sera assurée par une soulte » de 6,9 milliards d’euros que EDF-GDF devront verser sur plusieurs années – mais qui est comptabilisée en une seule fois en vertu de la règle comptable des droits constatés » (régle Eurostat) - a la Caisse Nationale d’Assurance-vieillesse (CNAV) afin d’affilier leurs salariés au régime général de retraite. Sans cette soulte, le déficit budgétaire serait de 3,3 % du PIB, au-dessus de la norme européenne.
N.B. Un précédent existe : quand France Télécom a changé de statut, la soulte qu’elle a dû verser à la CNAV (0,45 point de PIB) avait permis au gouvernement Juppé de présenter un déficit budgétaire inférieur à 3% en 1997 et de remplir les critères de convergence de Maastricht. - 22 septembre : PSC/Grèce. A la suite d’un audit lancé en collaboration avec Eurostat, le ministre de l’Economie grec Georges Alogoskoufis annonce que les déficits publics grecs ont systématiquement dépassé depuis 2000 le seuil de 3% du PIB : 4,1 % en 2000, 3,7 % en 2001 et 2002, alors que les chiffres officiels affichés par le précédent gouvernement socialiste étaient inférieurs ou égaux à 2%.
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