Vers un changement de paradigme dans la conception par l’UE de ses relations économiques avec les pays tiers ?

Eric Rugraff, Université de Strasbourg (BETA)

Les institutions européennes, et notamment la Commission, ont été aveuglées pendant des décennies par les bienfaits de la mondialisation et les gains à attendre d’une division internationale poussée des processus de production. La pandémie et la guerre en Ukraine ont obligé l’UE à modifier son approche des relations économiques internationales et à adopter une nouvelle approche, celle de « l’autonomie stratégique ouverte ». L’ouverture internationale demeure la base de la politique économique extérieure de l’UE. Toutefois elle doit désormais être pensée et organisée stratégiquement pour limiter les risques de dépendance à l’égard de pays tiers et pour assurer la résilience des réseaux d’approvisionnement.


JEL : D22, F23, F51, F68, H77, L11, M21, O33, 052.

Mots clés : Commerce international, relations économiques internationales, réseau de valeur, autonomie stratégique, dépendance.

Mots-clefs : autonomie stratégique ouverte, commerce international, dépendance, relations économiques entre l’UE et le reste du monde, réseau de valeur, Ukraine.

Citer cet article

Eric Rugraff « Vers un changement de paradigme dans la conception par l’UE de ses relations économiques avec les pays tiers ?  », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 46, 89 - 98, Eté 2022 : Spécial « 50 ans du BETA ».

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Jusqu’au mitan des années 2010 les échanges internationaux avec les pays tiers ont été considérés par l’UE comme un « monde du contrat sans combat ». La thèse privilégiée était celle du « doux commerce » selon laquelle des échanges internationaux intenses entre pays augmentent leur intégration et réduisent les risques de conflits entre eux. Les deux chocs externes de la pandémie et de la guerre en Ukraine ont obligé l’UE à adopter une approche plus réaliste des relations économiques internationales et à adopter un nouveau paradigme, celui de « l’autonomie stratégique ouverte ». Cette nouvelle approche est aussi liée aux critiques faites à la politique de concurrence de l’UE à laquelle il est reproché d’empêcher la constitution de groupes européens de taille internationale capables de rivaliser avec les géants nord-américains ou asiatiques.

Cette nouvelle approche conduit à ne plus seulement regarder les investissements étrangers entrants et sortants ainsi que la décomposition des chaînes de valeur et d’approvisionnement sous l’angle de l’efficacité à court terme, mais à tenir également compte des risques pour l’UE de la perte de contrôle de segments stratégiques des chaînes de valeur. Il s’agit désormais de raisonner à plus longue durée en termes d’indépendance stratégique et de résilience. Cette nouvelle approche se traduit par le lancement de nombreux projets et programmes sans qu’il soit possible au stade actuel de déterminer la forme et la profondeur que prendra le virage européen.

1. Analyse de la situation historique

1.1 L’approche « traditionnelle » de l’UE en matière de relations économiques internationales

L’Union européenne (UE) s’est construite sur deux priorités économiques et politiques (Rugraff 2018) : au niveau intérieur, sur l’approfondissement de l’intégration entre pays, fondé sur une concurrence libre et non faussée ; et au niveau extérieur, sur une large ouverture aux flux de biens et services, ainsi qu’aux investissements étrangers, quels que soient leur nationalité. Ces priorités ont pour objectif de dynamiser la concurrence, d’éviter l’émergence de situations monopolistiques et d’assurer aux consommateurs des prix bas et l’accès à une large diversité de produits. La promotion du multilatéralisme et d’une politique industrielle passive sont les marqueurs de ce choix politique (Rugraff 2018). Le commerce international est considéré comme un « monde du contrat sans combat » (Perroux 1964, p.31). La nature des États participants aux échanges, qu’ils soient des États de droit, des autocraties, des régimes libéraux, etc. n’intervient pas dans l’organisation des échanges extérieurs. Les caractéristiques des entreprises étrangères, − qu’elles soient privées, publiques, soutenues par l’État, considérées comme stratégiques par l’État étranger, etc. −, n’interviennent pas davantage dans la gestion européenne des exportations, importations et investissements étrangers entrants.

L’approche européenne des relations internationales baigne dans la théorie du doux commerce, selon laquelle des échanges internationaux intenses entre pays augmentent leur degré d’intégration et réduisent les risques de conflits entre eux. L’approche européenne est une version optimiste (que d’aucuns jugent naïve) des relations économiques internationales : dans cette approche les règles prévalant dans l’UE, à savoir la concurrence libre et non faussée, le libre-échange et une politique industrielle et commerciale non interventionniste, sont également celles que devraient respecter les partenaires aux échanges. Et, si cela n’est pas encore le cas, elles le deviendront car les autres espaces mondiaux se rendront compte des bienfaits du libre-échange. C’est le pari du soft power européen, qui consiste à inciter le reste du monde à adopter le libre échange tel qu’il est appliqué au sein de l’UE.

Cette approche « traditionnelle » est en grande partie le fruit de l’approche allemande des relations économiques internationales, et de l’influence exercée par le modèle ordo-libéral sur la conception de la politique économique européenne (Commun 2003, Dévoluy 2015). L’Allemagne offre dès lors le meilleur exemple de la manière pour un pays européen de concevoir et conduire ses relations économiques internationales. Dans l’approche ordo-libérale les pouvoirs publics définissent les règles, à savoir la liberté des contrats (mais les acteurs assument leur responsabilité et les risques afférents), la libre concurrence et le libre accès au marché et veillent à ce que ces règles soient respectées. La liberté contractuelle signifie que les pouvoirs publics laissent les entreprises totalement libres de l’organisation de leurs opérations internationales. Les pouvoirs publics allemands ne se sont donc pas préoccupés de la nature des pays de destination de la production allemande et d’origine des importations. Le moteur de croissance allemand repose essentiellement sur les exportations, et notamment sur le développement des ventes vers les pays émergents, en particulier la Chine.

Or, échanger avec un pays qui n’est pas un État de droit fait courir des risques particuliers sur les exportations, car à tout moment l’État en question peut décider d’entraver les échanges. La même problématique existe sur les importations. La surexposition allemande à l’égard du gaz russe est particulièrement révélatrice de cette absence de prise en compte (ou pour le moins de son insuffisance) des caractéristiques de l’entreprise à laquelle on achète. En l’occurrence Gazprom a pour actionnaire principal l’État russe, un État qui n’est pas un État de droit. L’absence de questionnement sur le partenaire avec lequel on échange (et donc la liberté contractuelle) était également la règle dans l’UE pour les investissements directs étrangers entrants. Dans cette perspective, les règles d’acquisition, par exemple d’une entreprise en Allemagne par une entreprise française étaient les mêmes que pour une acquisition par une entreprise chinoise, qu’elle soit publique, aidée de multiples façons par l’Etat chinois ou encore faisant partie d’un programme visant à acquérir des compétences et technologies étrangères dans le but de renforcer la puissance économique, voire militaire, chinoise.

Les échanges commerciaux et les investissements directs internationaux ne sont pas toujours réalisés entre entreprises suivant les mêmes règles du jeu. Un échange entre pays de l’UE peut avoir des caractéristiques différentes d’un échange avec un pays tiers, notamment lorsque l’entreprise est originaire d’un pays qui n’est pas un État de droit. Dans ce cas, le fait que l’entreprise soit originaire d’un pays illibéral influence le pouvoir de négociation et le résultat de l’échange : au contrat s’ajoute le combat. Une entreprise soutenue par un « non-État de droit » aura un pouvoir de négociation accru car elle peut bénéficier de multiples avantages (financiers, fiscaux, en nature) dont ne bénéficie pas systématiquement l’entreprise européenne. Le résultat de l’échange pourra dès lors être biaisé et permettre à l’entreprise du pays tiers d’obtenir des avantages dans l’échange et des gains bien supérieurs à ceux qu’elle aurait obtenus dans une situation de concurrence libre et non faussée.

1.2 Les quatre chocs externes qui ont heurté la vision européenne des relations économiques avec les pays tiers

En l’espace d’une dizaine d’années, l’UE a été heurtée par quatre chocs externes, qui l’ont contrainte à modifier sa conception des relations économiques internationales. Ces quatre chocs qui se sont succédé sont :

  • l’élection en 2013 de Xi Jinping et l’engagement de la Chine dans une nouvelle politique de puissance ;
  • l’élection en 2016 de Donald Trump et la remise en question de la relation transatlanti- que et du multilatéralisme ;
  • la pandémie à partir de 2020 et la mise en lumière des fragilités liées à une décomposi- tion poussée à l’extrême de la production à l’échelle mondiale ;
  • la guerre en Ukraine en 2022 et la mise en lumière de la dépendance à des importations en provenance de pays pour qui l’agenda politique prime sur des considérations économiques. La dépendance de l’UE en termes de matières premières (et en particulier du gaz) à l’égard de la Russie est le symbole du risque qui s’est réalisé de ne pas avoir pris en considération le fait que la Russie n’est pas un État de droit. [1] L’annexion en 2014 de territoires ukrainiens n’avait pas modifié le « logiciel » européen.

L’élection de Xi Jinping s’est traduite par le lancement de grands projets, et notamment des nouvelles routes de la soie (Dai et al. 2018) et du « Made in China 2025 » (Wübekke et al., 2016), engageant la Chine dans une nouvelle politique internationale. Après une phase d’intégration « passive » à l’économie mondiale, marquée notamment par l’entrée en 2001 de la Chine dans l’Organisation Mondiale du Commerce, le pays adopte depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping une approche volontariste visant à faire de la Chine dans la décennie 2030, la première puissance mondiale. Au niveau économique, cela se traduit par une politique très active visant à faire émerger des firmes chinoises leaders dans un ensemble de secteurs jugés décisifs dans la course à la domination économique et politique de demain. [2]

Aux États-Unis le « Make America great again » de Donald Trump s’est accompagné d’une montée du protectionnisme, d’une remise en question du multilatéralisme et de la relation partenariale en termes économiques, mais également diplomatiques et militaires, reliant les États-Unis et l’Europe.

A la suite de ces changements en Chine et aux États-Unis, une nouvelle approche des relations extérieures a été timidement engagée par l’UE au milieu des années 2010 (Rugraff 2018). Ce changement peut être daté de 2016 avec une prise de conscience des acteurs publics et privés français et allemands d’une évolution des règles du jeu internationales. A la suite du rachat de l’entreprise allemande Kuka par une entreprise chinoise, et sous l’impulsion de l’Allemagne et de la France, l’UE a décidé, d’infléchir la politique d’« open door » à l’égard des investissements étrangers provenant de pays tiers. [3] L’UE prend conscience qu’ouvrir l’Europe à des firmes étrangères pour favoriser la concurrence n’est pas la solution optimale, face à des États, comme la Chine, qui aident leurs firmes dans le cadre d’un projet industriel et politique parfaitement structuré. L’enjeu pour l’Europe est double : d’une part, c’est un enjeu de compétitivité, de captation de valeur ajoutée et donc d’emplois. Dans un monde de concurrence libre et non faussée, les technologies rachetées dans un pays A (Europe) par des firmes d’un pays B (Chine) permettraient aux firmes du pays B d’être plus compétitives et la concurrence serait bénéfique (prix et qualité) à tous. Or, lorsque la concurrence est faussée par une intervention massive d’un État, la répartition des gains est déséquilibrée : les technologies captées par les firmes chinoises profitent prioritairement à la Chine et à des firmes qui ne sont pas libres de leur choix. Quant aux firmes européennes, elles ne peuvent pas acquérir de la même manière des firmes technologiques en Chine. D’autre part, c’est un enjeu de sécurité nationale/européenne. La puissance militaire ne passe plus exclusivement par la dotation en armes fabriquées par l’industrie d’armement. La cyber-guerre est devenue un ingrédient clé des conflits modernes. En d’autres termes, des technologies telles que l’intelligence artificielle, internet, internet des objets, la robotique, etc., qui sont développées par des entreprises civiles peuvent être utiles dans le domaine militaire. Au final, le rachat de la firme allemande Kuka par une firme chinoise, liée d’une manière ou d’une autre à l’État chinois, signifie que les connaissances allemandes les plus avancées en termes de robotique peuvent être récupérées par l’État chinois.

Le nouvel interventionnisme chinois et américain a poussé l’UE à s’adapter, à la marge, aux nouveaux enjeux économiques. Elle a notamment réagi au nouveau contexte en acceptant que les pays de l’UE puissent filtrer les investissements directs étrangers, notamment dans le cas d’investissements hostiles, et en lançant en 2017 un plan d’action stratégique pour les batteries visant à combler le retard pris vis-à-vis de la Chine et des États-Unis. L’Allemagne, la France et l’Italie sont essentiellement à l’initiative de ce premier sursaut européen au milieu des années 2010. C’est en effet dans le prolongement de l’affaire Kuka que les trois pays ont demandé à la Commission en février 2017 de mettre en place un régime de filtrage des investissements étrangers (Rugraff 2018, p.38). Ce mécanisme est actif aujourd’hui et est réellement utilisé par 16 pays comme le souligne le premier rapport de l’UE sur le filtrage publié en novembre 2021 (European Commission 2021, p.9). Toutefois, cela montre aussi que tous les États européens (11 dans le cas présent) n’ont pas les mêmes priorités et n’exercent pas la même influence sur le changement d’approche de l’UE. En la matière, ce sont les grands États et notamment l’Allemagne et la France qui ont joué et continuent de jouer un rôle moteur dans le changement d’orientation de la Commission européenne.

Ainsi dans son discours au Parlement européen au moment de la nomination fin 2019 de la nouvelle Commission européenne, Ursula von der Leyen a précisé qu’elle souhaitait constituer une « commission géopolitique » (Von der Leyen 2019, p.7) et que pour l’UE « maîtriser les technologies clés et en être propriétaire » (p.10) devenait un enjeu prioritaire.

Cependant c’est surtout la pandémie de coronavirus et la guerre en Ukraine qui ont obligé l’UE à redéfinir sa conception des relations économiques internationales.

1.3 La pandémie de coronavirus et l’émergence du concept de « résilience »

La pandémie de coronavirus a révélé combien les délocalisations européennes, en particulier en Chine, et une fragmentation extrême de la production sont dangereuses lorsque des chocs d’offre frappent l’économie. Les vagues pandémiques ont mis successivement à l’arrêt différentes usines dans le monde et donc rendu difficile la livraison de produits nécessitant l’intervention de différents acteurs. La pandémie a également paralysé les infrastructures (ports) et moyens de transport (navires et notamment porte-conteneurs) qui transportent les marchandises vers l’Europe. D’autre part, en situation d’incertitude sur l’intensité et la durée de la pandémie (on n’avait aucune certitude sur la capacité à produire un vaccin efficace) les producteurs et les transporteurs ont figé leurs projets d’investissements (construction de navires, extension des sites de production, etc.), de sorte que lorsque les confinements se sont terminés en Europe et que la consommation est repartie l’offre n’a pas réussi à suivre.

La pandémie a révélé les fragilités liées à une spécialisation organisée sur une décomposition verticale de la production. En effet, la spécialisation ne fonctionne qu’en l’absence de perturbations, tant au niveau des producteurs que des organisateurs de la chaîne d’approvisionnement. Cela est d’autant plus le cas, que le modèle de management qui est devenu dominant à l’échelle planétaire est le modèle des flux tendus et de l’absence de stock (modèle du zéro stock − zéro délai). En effet, l’augmentation du coût physique de stockage [4] ainsi que du coût commercial de stockage [5] ont poussé les différents acteurs des chaînes d’approvisionnement à ne plus stocker de biens intermédiaires et de biens finaux, et à s’organiser pour être approvisionné au moment où l’on aura besoin du bien intermédiaire pour produire ou au moment où le consommateur final viendra récupérer son produit. La pandémie a dès lors révélé aux pays européens et aux instances européennes, la dépendance internationale de l’Europe à des matières premières (ex. les terres rares), biens intermédiaires (ex. les microprocesseurs) et finaux (ex. médicaments) stratégiques. L’UE a réagi dans un premier temps (dans la seconde moitié des années 2010) en commandant différentes études visant à dresser un état des lieux de la dépendance européenne des biens jugés comme étant stratégiques (Cf. par exemple du rapport European Commission, 2020 : « Critical raw materials for strategic technologies and sectors in the EU – a foresight study  »).

L’absence d’autonomie technologique fragilise l’ensemble de l’économie européenne à chaque fois que la chaîne d’approvisionnement est perturbée. Un « nouveau » concept est dès lors apparu dans l’ensemble des publications de l’UE, celui de « résilience ». Si l’on raisonne en termes de résilience, et non plus exclusivement en termes d’efficacité productive de court terme, disposer de stocks, être indépendant pour la production d’intrants et produits stratégiques et maîtriser la chaîne d’approvisionnement de certains produits, devient économiquement efficace. Taleb (2007) avait parfaitement illustré l’avantage de la résilience sur la spécialisation : « Mère nature aime la redondance défensive de type « assurance » qui permet de survivre dans l’adversité parce qu’on dispose de pièces de rechange. Regardez le corps humain. Nous avons deux yeux, deux poumons, deux reins et même deux cerveaux […] et chacun de ces organes possède plus de capacités qu’il n’en faut dans des circonstances ordinaires » (Taleb 2007/Ed. 2020, 497−498).

La pandémie de coronavirus a conduit les institutions européennes, les organisations professionnelles et les entreprises à s’interroger à la fois sur la pertinence de la stratégie de délocalisation extra-communautaire massive menée aux cours des dernières décennies, ainsi que sur la stratégie de fragmentation poussée. La décomposition des processus de production fondée sur les avantages comparatifs des États est économiquement efficace dans un environnement prévisible. Lorsque l’imprévisibilité s’accroît, alors les coûts de la spécialisation peuvent dépasser ses bénéfices. La capacité à faire face à « l’inconnu connu » et à « l’inconnu inconnu » (les cygnes noirs de Taleb) devient alors facteur d’efficacité productive. Or, l’imprévisibilité a crû pour trois raisons principales. D’abord, pour des raisons épidémiologiques. Différentes études tendent à montrer que l’humanité sera frappée plus souvent et de manière plus récurrente par des épidémies pouvant se transformer en pandémie. Elles sont notamment favorisées par la destruction par les humains des écosystèmes (Aizen 2020). La deuxième raison est environnementale : le réchauffement climatique accroît les risques de phénomènes extrêmes et de facto les risques touchant l’organisation de la production et des échanges. La troisième raison est géopolitique et résulte de la guerre en Ukraine.

1.4 La guerre en Ukraine et l’émergence du concept de « dépendance »

La guerre en Ukraine est un choc externe majeur qui a frappé de plein fouet l’UE et l’oblige à redéfinir ses relations économiques internationales.

Les acteurs économiques, − entreprises, États, UE −, ne se sont que peu interrogés jusqu’au début des années 2020 (avec la pandémie et la guerre en Ukraine) sur la structuration des chaînes de valeur et des chaînes d’approvisionnement. Ainsi on ne s’intéressait pas à : 1. Qu’est ce qui caractérise les acteurs de la chaine ? 2. Dans quel(s) pays les différentes étapes de la production sont-elles réalisées ? 3. Comment est répartie la création de valeur entre les différents intervenants dans l’approvisionnement, la logistique et la production ?

Ce que la guerre d’Ukraine a révélé, c’est que la géographie ne correspond pas à « l’espace » de la théorie économique néo-classique, c’est-à-dire un espace neutre dans lequel seules les caractéristiques de proximité et caractéristiques économiques (coûts et taille du marché) doivent présider aux choix de localisation. Or, commercer avec ou investir dans un pays qui n’est pas un État de droit présente des risques spécifiques et plus importants que d’échanger avec une firme d’un État de droit. En dépendre en termes de production ou d’approvisionnement accroît également les risques. Au-delà des États, se pose la question du lien entretenu entre les firmes d’un État et l’État en question. Le risque de non-respect des clauses d’un contrat est plus important pour une entreprise européenne lorsqu’elle s’approvisionne/échange/produit avec une entreprise chinoise ou russe (qu’elle soit publique ou privée) que lorsqu’elle contracte avec une autre entreprise européenne. En d’autres termes, le degré de résilience de l’UE dépend de : (i) avec qui on échange ; (ii) de quelle famille de pays [6] l’entreprise est-elle originaire ; (iii) quelle part de la valeur de la production est confiée à l’entreprise ou le pays avec lequel on échange.

A l’arrivée la question d’un nouvel ordre mondial est posée. De plus en plus d’acteurs politiques et économiques envisagent un nouvel ordre dans lequel de nouveaux blocs économiques et commerciaux émergeraient, au moins partiellement, indépendant les uns des autres. Le projet eurasien de Vladimir Poutine, consistant à créer un espace économique et politique entre l’Europe et l’Asie, détaché de l’Union européenne et engagé dans un partenariat avec la Chine, s’inscrit dans cette nouvelle vision du monde. Ainsi Larry Fink, le dirigeant de Blackrock, le plus grand fonds de gestion d’actifs au monde, a écrit à ses actionnaires que « l’invasion de l’Ukraine a mis fin à la mondialisation telle que [nous] l’avons connue ces trente dernières années » (Les Echos, 4 avril 2022). A.S. Posen dans Foreign Affairs (17 mars 2022) pose la question de « la fin de la mondialisation ». Dans ce nouvel ordre mondial, un rideau de fer retomberait sur l’Europe avec un retour en arrière à la période précédant la chute du mur de Berlin. La pandémie et surtout la guerre russo-ukrainienne ont également conduit les cercles économiques et politiques occidentaux à réaliser combien la relation avec la Chine était fragile, et notamment le danger à dépendre massivement pour sa production et ses approvisionnements d’activités localisées en Chine ou dans des espaces sous domination chinoise. La guerre russo-ukrainienne et la « neutralité chinoise » remettent fondamentalement en question les rapports économiques sino-européens, et notamment la dépendance extérieure de l’UE en matières premières et envers la production et l’acheminement de biens intermédiaires et de produits finis avec des espaces non démocratiques.

La dépendance européenne au gaz russe, et en particulier de l’Allemagne qui en est le plus gros consommateur, est représentative de cette absence de vision stratégique de l’UE et des gouvernements nationaux (et notamment des gouvernements allemands successifs) et de la croyance dans les vertus bienfaitrices du commerce international. L’UE a pris désormais conscience de la dépendance européenne à l’égard de la Russie, mais également de la Chine. La Russie est le premier producteur mondial de gaz et en possède les premières réserves, mais est également dans les premières places pour le nickel, le platine, l’or, le minerai de fer et certains métaux rares comme le palladium. La Chine, quant à elle, est le premier producteur mondial de minerais rares (87 % pour l’antimoine et le magnésium, 84 % pour le tungstène, 82 % pour le Bismuth). La Chine est quasiment en situation de monopole sur la production de terres rares légères et de terres rares lourdes (Pitron 2019). Elle représente plus de la moitié de la production mondiale pour une douzaine de minerais rares qui sont des intrants indispensables et stratégiques dans la production de la majorité des produits du secteur électrique et électronique (smartphone, voitures électriques, réseaux de télécommunication, armement, satellites, médecine nucléaire, etc.).

2. Les nouvelles voies empruntées par l’UE

2.1 Comment l’UE réagit-elle à la pandémie et à la guerre en Ukraine ?

Dans un ensemble comme l’UE dont le fonctionnement repose sur la conciliation d’intérêts différents et parfois divergents, les changements de trajectoires sont rares. Ils surviennent en général à la suite de chocs externes majeurs qui modifient les règles du jeu pour l’ensemble des pays et qui peuvent même déboucher sur des enjeux existentiels pour l’UE dans son ensemble comme pour les pays pris individuellement.

Avant la pandémie les risques liés à la mondialisation de la production et des approvisionnements n’étaient pas interrogés, à la notable exception des matières premières stratégiques. La prise de conscience dans le domaine des matières premières a été plus précoce. Elle date du début des années 2010, marquées par des tensions sur les marchés dues à l’augmentation de la demande des pays émergents, aux premières auto-restrictions chinoises à l’exportation des terres rares et au dépôt d’une plainte de l’UE à l’Organe de Règlements des Différends de l’OMC. En réponse au nouveau contexte international, la France a créé en 2011 le comité pour les métaux stratégiques (COMES), et la même année, la Commission européenne a publié sa première liste de matières premières critiques. Toutefois, cela ne conduit pas à des actions fortes de l’UE dans la décennie 2010 (par exemple l’exploitation ou la ré-exploitation de minerais sur le sol européen).

Il a réellement fallu attendre 2021, et la pandémie, pour que l’UE se rende compte que le Quoi-Qui-Où dans le découpage d’une chaîne de valeur et d’une chaîne d’approvisionnement ne sont pas neutres :

Le Quoi : toutes les étapes de la chaîne de valeur n’ont pas la même importance dans la valeur finale d’un bien ou service. Certaines étapes sont stratégiques. A titre d’exemple, la batterie devient la partie clef dans la production d’une voiture électrique.

Le Qui : tous les acteurs n’ont pas le même poids dans une chaîne de valeur. Les acteurs les plus puissants peuvent paralyser une chaîne de valeur, augmenter les coûts, comprimer les marges des acheteurs et donc mettre en difficulté des acteurs de la chaîne de valeur. A titre d’exemple TSMC à Taiwan assure en 2022 plus de la moitié de la fonderie mondiale de microprocesseurs.

Le Où : la localisation spatiale d’une activité peut être plus ou moins risquée. Les événements en Russie (conséquence de la guerre en Ukraine) et en Chine (politique du zéro COVID) montrent que les risques sur la sécurité des opérations de production et de logistique sont plus élevés dans les États qui ne respectent pas les règles de droit.

2.2 Le nouveau credo européen : « l’autonomie stratégique ouverte »

En l’espace de deux ans, les changements en termes de politique extérieure européenne ont été plus importants qu’au cours des trois dernières décennies. Le nouvel objectif de l’UE est de privilégier une « autonomie stratégique ouverte » [7], qui peut se définir comme étant la volonté de l’UE de défendre ses intérêts vitaux tout en poursuivant les échanges et la coopération à l’international. Il en résulte une multiplication des initiatives à partir de 2020 dans l’objectif de renforcer l’indépendance de l’UE et d’avoir des chaines d’approvisionnement plus diversifiées et résilientes.

Cette recherche d’une « autonomie stratégique ouverte » prend la forme d’un ensemble d’initiatives, dont cinq principales sont les suivantes :

L’examen des dépendances et capacités stratégiques

En 2021 la Commission européenne a publié son premier examen des dépendances et capacités stratégiques (European Commission 2022). Le rapport examine notamment 37 produits appartenant à des « écosystèmes sensibles » dépendants très fortement de fournisseurs étrangers. Le rapport propose également un bilan approfondi de la dépendance de six domaines jugés très sensibles pour l’autonomie stratégique de l’UE, à savoir les matières premières, les batteries lithium-ion, les principes actifs de la pharmacie, l’hydrogène propre, les semi-conducteurs et l’informatique en nuage (cloud computing) et en périphérie (edge computing). Le renforcement de l’autonomie dans ces six domaines reposera sur le programme « Horizon Europe » qui est le programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation doté de 95,5 milliards d’euros sur la période 2021-2027. Dans ce programme environ un milliard d’euros devraient être dévolus aux batteries, un milliard aux matières premières critiques et un milliard à l’hydrogène.

Le programme Global Gateway

En décembre 2021, l’UE lance la stratégie « global gateway » visant à développer des « connexion durables et fiables » à l’échelle planétaire dans cinq domaines, à savoir le numérique, climat-énergie, transport, santé, éducation-recherche. L’objectif est de proposer des projets de connexion entre l’Europe et le reste du monde alternatifs aux nouvelles routes de la soie chinoises et au projet américain de « build back better world ». Outre l’objectif de bâtir des partenariats fondés sur la bonne gouvernance, la transparence, les valeurs démocratiques et l’égalité, ce programme a également clairement pour objectif de renforcer « la compétitivité et la sécurité des chaînes d’approvisionnement mondiales » (Global Gateway 2022). Le lancement de ce programme reflète la prise de conscience par les institutions européennes de l’importance de la maîtrise de la logistique dans la sécurité et la résilience des approvisionnements. Les vagues successives de COVID démontrent combien la perturbation des opérations de stockage et de transport, notamment en Chine, bloque l’activité économique mondiale et met en danger l’autonomie stratégique de l’Europe.

L’European chips act

L’European chips act a été adopté par la Commission européenne en février 2022. L’objectif du programme européen est « de renforcer la compétitivité et la résilience dans le domaine des applications et technologies des semi-conducteurs » (European Chips Act 2022). La situation actuelle de pénurie de puces électroniques, qui met notamment le secteur automobile à l’arrêt, a mis en lumière l’extrême dépendance de l’UE à un composant stratégique se retrouvant aujourd’hui dans tous les appareils électroniques civils et militaires. Cette dépendance est exacerbée par la domination du secteur par trois acteurs, le Taïwanais TSMC, le Coréen Samsung et l’Américain Intel. Nous avons déjà signalé que TSMC à lui seul représente plus de la moitié de la fonderie mondiale de microprocesseurs ; mais il possède aussi une avance technologique considérable sur les producteurs européens dans la miniaturisation, qui est l’élément clé dans la course technologique : l’entreprise taïwanaise est engagée dans la production de puces de 5 nanomètres (nm) et développe actuellement des puces de 2 nm alors que les firmes européennes sont essentiellement compétitives sur des puces de plus de 20 nm. De plus, l’Europe a perdu des parts de marché dans la production mondiale de puces électroniques : elle en détient aujourd’hui une part de 10 %, contre 20 % dans les années 1990. L’objectif de l’Europe est de doubler la production européenne d’ici 2030, pour atteindre 20 % en valeur de la production mondiale de semi-producteurs durables et de pointe, sur un marché évalué à 1000 milliards de USD en 2030. Pour cela, l’UE va mobiliser jusqu’à 43 milliards d’euros d’investissements publics et privés et se penchera sur les mesures à prendre pour renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement. [8]

L’extraction de terres rares

L’extrême dépendance extérieure de l’UE à l’égard d’un grand nombre de matières premières et notamment des métaux rares et terres rares (Pitron 2019), pousse l’UE à envisager de lancer ou relancer l’exploitation de gisements sur le sol européen. Dans une première étape engagée au milieu des années 2010, le projet EURARE a consisté à réaliser des études géologiques sur le terrain et en laboratoire pour identifier les gisements de terres rares dans l’espace européen (en Suède, au Groenland, en Grèce et en Norvège notamment). En 2020, a été publié sous l’égide de la Commission européenne le quatrième rapport sur les matières premières critiques mettant clairement l’accent sur le concept de résilience. En 2020 également, la Commission a participé à la création de l’European Raw Materials Alliance (ERMA) avec un quadruple objectif : développer des chaines de valeur résilientes pour les écosystèmes européens, réduire la dépendance aux matières premières critiques, développer l’approvisionnement européen en matières premières et diversifier les sources d’approvisionnement.

Le filtrage des investissements étrangers entrants

L’UE a également changé de perspective sur les investissements directs étrangers (IDE) entrants. Alors que jusqu’à la seconde moitié des années 2010 la priorité était à la réduction des obstacles aux IDE (Rugraff 2018), depuis la fin des années 2010, l’Europe s’est lancée dans une politique de filtrage de ces derniers. La priorité est désormais de continuer à les attirer tout en préservant les intérêts vitaux de l’UE. Ainsi, en octobre 2020 le mécanisme de filtrage des IDE dans l’UE est entré en vigueur et en novembre 2021, l’UE a publié le premier rapport de son histoire sur le filtrage des IDE. Le changement de perspective tant du Conseil, de la Commission que du Parlement, est clairement perceptible en se focalisant notamment sur la position de la Commission en termes de filtrage. Alors que jusqu’au milieu des années 2010 le credo de la Commission était l’« open door policy », la Commission incite en 2022 les neuf pays sur les 27 qui ne se sont pas encore dotés d’un mécanisme de filtrage à en mettre un en place. Désormais, l’UE pousse à regarder de près notamment les aides et supports apportés aux firmes extra-communautaires qui souhaitent racheter des firmes européennes ou se positionner sur des appels d’offre publics.

Conclusion

Jusque dans la seconde moitié des années 2010, les institutions européennes, et notamment la Commission, ne juraient que par la mondialisation et ses bienfaits liés à la division internationale du travail et la réduction des prix pour les consommateurs européens. Dans cette approche, il s’agissait de réduire les entraves à la libre circulation des biens, services et entreprises sans se préoccuper, ni des caractéristiques des biens délocalisés, ni des caractéristiques des acteurs organisant la production, ni des caractéristiques des acteurs organisant la circulation des flux. La pandémie et la guerre en Ukraine ont obligé l’UE à modifier son approche des relations économiques internationales et à adopter une nouvelle approche, celle de « l’autonomie stratégique ouverte ». L’ouverture internationale reste le fondement de la politique européenne, mais l’Europe a compris que les échanges internationaux et la fragmentation de la production ne sont pas systématiquement synonymes d’un monde « du contrat sans combat ». En d’autres termes, une organisation de la chaîne de valeur efficace n’est pas tout ; il faut également qu’elle soit résiliente. De même, la délocalisation hors de l’UE de la production de matières premières et de biens tenant une place centrale dans une chaîne de valeur, fragilise l’UE, notamment lorsque ces productions sont détenues par une poignée d’acteurs étrangers en situation dominante pouvant user de cette position avantageuse. En définitive, l’absence européenne de maîtrise de certaines chaînes d’approvisionnement peut être source de dépendance et la fragiliser.

La politique européenne organisant les échanges internationaux avec les pays tiers a incontestablement pris un virage. Reste maintenant à voir quelle sera l’importance et la forme que prendra ce virage. Deux questions majeures se posent notamment : la première est celle de la gouvernance de ce changement de direction. Pour l’heure, le changement prend surtout la forme d’une accumulation de décisions, projets et programmes sans qu’ils soient unifiés dans une grande orientation, qui s’appuierait sur une planification indicative à plus long terme. La deuxième, qui est en grande partie liée à la première, est celle de la capacité de l’Europe à faire converger les intérêts de ses 27 membres : définir un nouveau concept « d’autonomie stratégique ouverture » est une chose, le traduire dans les mesures concrètes en est une autre, notamment lorsqu’il s’agira d’engager l’extraction de terres rares en Europe ou encore de déterminer la nouvelle répartition entre pays européens des productions et compétences de composants stratégiques.

Eric Rugraff
Maître de conférences à l’Université de Strasbourg

Cet article a été préparé pour un numéro spécial du Bulletin de l’OPEE (Observatoire des Politiques Economiques en Europe), publié dans le cadre du 50ème anniversaire du BETA (Bureau d’Économie Théorique et Appliquée).

Références bibliographiques :

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Webographie

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[1La Russie est classée en 2021 dans le « rule of law index » du World Justice Project à la 101ème position sur 139 pays.

[2L’objectif est de faire émerger des champions nationaux dans dix secteurs de haute technologie jugés comme étant prioritaires pour asseoir la suprématie technologique de la Chine : technologies de l’information de nouvelle génération, machines à contrôle numériques et robotique, équipements dans l’aérospatial, génie maritime et navire de haute technologie, équipement ferroviaire de haute technologie, véhicules à faible consommation d’énergie, équipements électriques, équipements agricoles, nouveaux matériaux, appareils médicaux de haute technologie et biomédecine (Wübbeke et al. 2016).

[3En 2016, la firme chinoise Midea a racheté pour 4,6 milliards d’euros la plus grande firme allemande de robotique industrielle Kuka. Bien que Kuka soit un champion national dans un secteur stratégique, les autorités allemandes ont validé le rachat, en considérant que l’opération ne menaçait ni l’ordre public, ni la sécurité nationale. D’autres grands rachats ont suivi, avant que les autorités allemandes commencent à bloquer systématiquement le rachat de firmes de haute technologie. Les autorités allemandes et françaises, puis dans un second temps, européennes, ont décidé de réagir à cette stratégie chinoise de rachat de firmes de haute technologie qui présente des risques en termes de sécurité nationale et de perte d’avantage concurrentiel de l’Europe. A partir de cette période, les Européens commencent à s’interroger sur la pertinence du choix d’une « open door policy » à l’égard des investisseurs extra-UE.

[4Le coût physique de stockage correspond aux coûts des locaux, de la surveillance, de fonctionnement, etc. Ce coût a fortement augmenté avec la hausse du coût de l’immobilier et des terrains, notamment dans les grandes métropoles, où sont concentrés les acheteurs.

[5Le coût commercial de stockage correspond à la dépréciation de la valeur d’une marchandise lorsqu’elle sort du stock. Avec le raccourcissement du cycle de vie des produits, notamment pour les produits sensibles à la mode (ex. des vêtements) et les produits à contenu technologique (ex. des smartphones), plus un produit reste durablement en stock, plus il est probable que sa valeur aura baissé une fois mis sur le marché. Il aura en effet été remplacé par un nouveau produit « plus à la mode » ou technologiquement plus avancé.

[6Pays démocratique, autocratique, etc.

[7Le concept est apparu pour la première fois lors du Conseil européen en décembre 2013. Il était au départ relié au domaine militaire. Ce n’est que lors du Conseil européen d’octobre 2020 que le concept est étendu au marché unique, à l’industrie et au numérique.

[8A titre de comparaison, les Etats-Unis prévoient d’investir 52 milliards de USD dans le secteur et la Chine aura investi environ 150 milliards de USD entre 2015 et 2025.

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