Ouvrage : L’Europe économique et sociale : singularités doutes et perspectives

Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).

Gilbert Koenig, Université de Strasbourg (BETA)

L’Observatoire des politiques économiques en Europe a publié en novembre 2011 un ouvrage collectif intitulé « L’Europe économique et sociale : singularités doutes et perspectives » sous la direction de Michel Dévoluy et Gilbert Koenig. Ce travail de 320 pages est paru aux Presses universitaires de Strasbourg (PUS). Le texte ci-dessous reprend l’introduction générale du livre.

Citer cet article

Michel Dévoluy , Gilbert Koenig « Ouvrage : L’Europe économique et sociale : singularités doutes et perspectives », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 25, 32 - 34, Hiver 2011.

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La construction européenne a produit depuis plus d’un demi-siècle un système économique et social original et complexe. Ce système est difficile à identifier et à cerner car il résulte de la tension entre, d’un côté, une volonté communautaire qui évolue et, de l’autre, la variété des réalités nationales. Il est donc essentiel de tenter de le décrypter. Ce système provoque d’ailleurs des réactions contrastées qui illustrent cette complexité : elles vont de l’adhésion forte au rejet, en passant par l’indifférence. L’adhésion vient d‘une partie de la population souvent considérée comme une élite. Le rejet s’est exprimé dans certaines consultations référendaires en Europe. L’indifférence se révèle par les faibles taux de participation aux élections européennes.

Ces réactions tranchées face à l’Europe résultent largement des deux ambiguïtés constitutives de la construction européenne. La première équivoque provient du flou sur la nature exacte du système économique et social que l’on souhaite pour l’Europe. La preuve est apportée par les lectures divergentes du traité de Lisbonne. Pour certains, ce traité ancre l’Europe dans une forme résolue d’économie sociale de marché. Pour d’autres, ce même traité sédimente l’Europe sur une variante radicale de la doctrine libérale. La seconde équivoque se niche dans la finalité de la construction européenne. En effet, l’objectif ultime reste imprécis Cet ouvrage propose de mettre à plat les ambiguïtés de la construction européenne et de mieux comprendre les inquiétudes que suscite son fonctionnement. Il envisage également des perspectives pour l’Europe.

La démarche adoptée dans ce livre permet trois niveaux d’analyse du système économique et social européen : la spécification de ses singularités, l’évaluation de ses forces et de ses faiblesses et l’estimation de ses évolutions possibles. Dans cette optique, cet ouvrage présente, dans une première partie, les racines profondes et le développement progressif de la construction européenne depuis son lancement jusqu’à la réalisation de l’intégration monétaire. La seconde partie se concentre sur les caractéristiques, les ambiguïtés et les performances du système économique et social européen. La troisième partie envisage deux trajectoires possibles pour le futur : celle qui prend comme base les textes et les projets de réformes actuels et celle qui se réapproprie les perspectives du projet européen initial au regard des enjeux contemporains.

Le projet européen

La première partie débute par une présentation synthétique d’une Europe qui s’inscrit dans l’histoire longue et qui est traversée, depuis sa création, par trois ambivalences : la tension entre l’intergouvernemental et le fédéral, les rivalités entre les approches libérales et interventionnistes et l’opposition entre l’Europe des élites et l’Europe des peuples. La dynamique intrinsèque à la construction européenne est ensuite approfondie en privilégiant trois étapes. La première correspond aux efforts effectués par Jean Monnet pour faire passer dans les idées et les faits sa conception de l’intégration européenne par la voie économique. La seconde étape est marquée par l’acte unique dont les aspects libéraux sont atténués par les programmes d’action qui l’accompagnent. Ils permettent ainsi le maintien d’une cohérence entre la réalisation du Grand marché et les risques qu’il génère. La troisième étape, formée par l’instauration d’une union monétaire, est déterminante pour l’intégration européenne. En effet, la présence d’une monnaie unique accroît l’interdépendance internationale des marchés, ce qui favorise la diffusion des chocs et nécessite, par conséquent, des interventions publiques coordonnées au niveau européen. En outre, l’euro constitue un vecteur d’identité européenne : il conforte ainsi la logique de l’intégration politique.

Le système économique et social européen

La seconde partie se concentre sur l’orientation actuelle du système économique et social européen. Elle commence par préciser les fondements, les caractéristiques et les et controversé. Il semble naviguer entre l’accomplissement d’une union politique que préconisaient les pionniers de l’Europe et le choix du statut quo qui s’incarne dans la réalisation de l’union économique et monétaire d’aujourd’hui. Ajoutons que les interrogations sur la taille future de l’Union contribuent à brouiller les cartes.

Les nombreuses questions sur le système économique et social européen trouvent également leurs sources dans les insuffisances de l’Europe face au mouvement de mondialisation. L’Europe est de plus en plus interpelée sur sa capacité à soutenir son économie et à protéger ses citoyens. La gestion européenne de la crise économique majeure des années 2008-2011 n’a pas contribué à calmer les appréhensions.

Evolutions du système économique et social européen

La troisième partie envisage l’évolution future de la construction européenne. Le système européen paraîtra instable aussi longtemps qu’une relation claire entre l’économique et le social ne sera pas nettement spécifiée et admise par les citoyens. Deux problèmes sont d’abord approfondis. Le premier explore les conséquences logiques de l’orientation résolument concurrentielle du modèle économico-social européen. Le second fait le point sur la signification de la concurrence de plus en plus effective entre les territoires. En se projetant ensuite dans l’avenir, deux solutions semblent envisageables : soit continuer plus ou moins au fil de l’eau, soit se tourner vers de vrais changements. La poursuite de la direction prise est celle que l’Europe tente de sédimenter actuellement : réduire la protection sociale, en espérant que cela stimulera la croissance. Ceux qui préconisent cette solution se fondent sur les résultats obtenus par certains pays européens, avant 2008, comme l’Irlande et l’Angleterre. Ils soutiennent également que la mondialisation s’impose et sert à stimuler le dynamisme économique. Le choix pour le changement admet que le progrès social constitue un facteur de la croissance et non un frein. Il convient alors d’éviter, ou à tout le moins d’amortir, les chocs déstabilisateurs des déséquilibres économiques et sociaux. Selon cette approche, la mondialisation doit être régulée dans le cadre d’une concurrence qui ne doit pas être distordue par des situations très différentes entre les pays. La cohésion sociale devient alors un facteur de croissance équilibrée. Suivant l’option choisie, on pourra se contenter du cadre offert par les textes actuels, sous réserve de certains aménagements, ou il faudra, au contraire, envisager de nouveaux textes fondateurs. Naturellement, le choix du progrès social comme facteur de dynamisme économique implique le plus de changements. Cette option nécessite un nouvel agencement des politiques macroéconomiques et une activation des politiques structurelles. Elle appelle un système social qui minimise les excès de la mondialisation et promeut les avantages de la solidarité. Elle devrait donc envisager une forme de fédéralisme fiscal et social qui se place nécessairement en résonance avec la question d’une union politique pour l’Europe.

Cet ouvrage de l’OPEE a été rédigé par : Damien Broussolle, Michel Dévoluy, René Kahn, Francis Kern, Gilbert Koenig, Valérie Malnati, Eric Rugraff, Isabelle Terraz

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