Vers de nouvelles procédures de coordination

Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).

Le Conseil européen a demandé à la Commission de rationaliser les cycles annuels de coordination de la politique économique et de l’emploi dans l’UE. Les propositions respectent le Traité UE à la lettre.

Mot-clef : Grandes orientations de la politique économique (GOPE).

Citer cet article

Michel Dévoluy « Vers de nouvelles procédures de coordination », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 7, 3 - 4, Hiver 2002.

Télécharger la citation

Ce Bulletin contient, depuis son lancement deux rubriques récurrentes. L’une traite des GOPE, les grandes orientations de politique économique, l’autre des LDE, les lignes directrices pour l’emploi. Les deux domaines étaient jusqu’à présent disjoints, et leurs procédures respectives n’étaient pas synchronisées. Dorénavant, notre présentation devra très probablement changer. En effet, la Commission a décidé, dans une Communication du 3 septembre 2002 (COM(2002) 487 final) de rationaliser la coordination de la politique économique et de l’emploi dans l’UE.

Nous avions déjà noté, dans le précédent numéro de ce Bulletin, que les GOPE s’inscrivaient de plus en plus dans une perspective de moyen terme alors que leur périodicité est annuelle. La même observation pouvait d’ailleurs s’appliquer pour les LDE. Désormais un pas supplémentaire est franchi. Il s’agit, dans un souci de cohérence et d’efficacité, de renforcer l’optique à moyen et long terme à travers la mise en place d’une nouvelle méthode de coordination.

Rappelons que L’UE s’est dotée d’un cadre général de coordination qui comprend outre les GOPE et les LDE, le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Il faut également y ajouter le Processus de Cardiff, axé sur les réformes structurelles (marchés des produits et des capitaux), et le Processus de Cologne qui instaure un dialogue macroéconomique informel. Tout ceci forme un ensemble peu lisible et lourd à gérer. Ces insuffisances ont conduit le Conseil européen de Barcelone de mars 2002 à demander à la Commission de présenter, avant le sommet de mars 2003, des propositions en vue d’une coordination plus étroite des politiques économiques et d’une synchronisation des calendriers des GOPE et des LDE.

La demande d’amélioration de la coordination ne résulte pas seulement de considérations institutionnelles ou techniques. Elle s’appuie également sur la nécessité de se doter d’une stratégie économique européenne, pour la décennie à venir, articulée autour de quatre objectifs prioritaires formulés dans les Conseils européens de Lisbonne (mars 2000) et de Göteborg (juin 2001) :

  • réaliser une croissance forte, notamment en améliorant le potentiel de croissance ;
  • tendre vers le plein emploi ;
  • faire progresser le modèle social afin de préserver la cohésion sociale ;
  • respecter les principes du développement durable.

Ces quatre objectifs sont cohérents entre eux, et ils s’inscrivent tous dans la longue durée. Nous retrouvons bien ici l’ambition proclamée depuis le sommet de Lisbonne, et complétée à Göteborg, de faire de l’UE « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. »

La Communication de la Commission du 3 septembre « Concernant la rationalisation des cycles annuels de coordination de la politique économique et de la politique de l’emploi » représente la réponse à la demande posée par le Conseil européen de Barcelone. Les suggestions de la Commission sont élaborées en suivant quatre principes :

  • renforcer l’efficacité de la coordination, notamment en assurant un meilleur suivi de la mise en œuvre ;
  • améliorer la cohérence et la complémentarité entre les différents processus et instruments ;
  • promouvoir une responsabilisation et une appropriation mieux partagées, notamment en associant davantage le PE et les parlements nationaux et en améliorant la consultation des partenaires sociaux et de la société civile ;
  • accroître la transparence et l’intelligibilité du cycle de coordination en en renforçant ainsi la visibilité et l’impact.

Le cycle de coordination plus structuré proposée par la Commission pour la politique de l’UE s’articule sur deux étapes principales : le « paquet mis en en œuvre » et le « paquet orientations ».

Le paquet mis en œuvre est un rapport qui examine, à la mi janvier, le suivi des GOPE et des LDE par les Etats membres ainsi que l’état d’avancement de la stratégie pour le marché intérieur. Ce paquet est complémentaire du rapport de printemps présenté chaque année par la Commission au Conseil européen du printemps consacrée aux affaires économiques et sociales.

Ce Conseil européen du printemps définit les grands axes politiques relatifs à la politique économique et à l’emploi. Sur cette base, la Commission présente ses propositions d’action dans le paquet orientations. Ce paquet concerne donc les GOPE, les LDE et les questions relatives au marché intérieur. Il est rendu public début avril. Le Parlement européen donne son avis sur le paquet orientations en mai. Début juin, le Conseil Ecofin pour les GOPE, et le Conseil EPSSC (Emploi, politique sociale, santé et consommateurs) pour les LDE, examinent le projet. Le Conseil européen de juin approuve les propositions. Finalement, les Conseils compétents adoptent les trois composantes du paquet orientations : Ecofin pour les GOPE, EPSSC pour les LDE et le Conseil de la Concurrence pour la stratégie pour le marché intérieur.

Le paquet orientations couvre une période de trois ans. On retrouve très concrètement l’importance accordée au moyen terme. Cela signifie qu’à l’intérieur de cette période les paquets annuels restent, en principe, sur la même stratégie et proposent simplement des aménagements mineurs. Il est néanmoins admis que des circonstances particulières peuvent conduire à des évolutions plus profondes au cours des trois années. La Commission prévoit que le premier paquet orientations sera expérimenté pour la période 2003-2006.

La période triannuelle prise comme référence s’harmonise avec les mécanismes du PSC. En effet, les programmes de stabilité et les programmes de convergence présentés chaque année par les Etats membres sont établis sur une perspective de trois ans.

Au total, la nouvelle coordination prévue par la Commission permet de respecter le traité UE puisque les GOPE et les LDE restent formellement dans un cadre annuel. La rationalisation des procédures de coordination devrait également faciliter l’élargissement.

Il appartient maintenant au Conseil européen de réagir à ces propositions. Au delà des améliorations techniques, nous pensons que la mise en place d’une temporalité plus longue (trois ans) propre au fonctionnement de l’UE est de nature à mener vers une plus grande autonomie de la politique économique européenne par rapport aux contingences des économies nationales. Il semble que l’on tende vers un rythme de gouvernance économique européenne calée sur trois ans.

Droits et Permissions

Accès libre (open access) : Cet article est distribué selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0.

Le financement du libre accès est assuré par le BETA – Bureau d’Économie Théorique et Appliquée.

Partager