A quoi sert le Parlement européen ?

Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).

Nous allons élire en mai 2014 nos députés européens. Cet article présente la place originale du Parlement européen dans l’espace politique. Il montre que son pouvoir est encore très limité par le poids de l’intergouvernemental. Mais c’est en votant pour lui que nous pourrons lui donner les moyens de peser sur l’évolution de l’Union européenne.

Mots-clefs : budget de l’Union européenne, institutions européennes, Parlement européen.

Citer cet article

Michel Dévoluy « A quoi sert le Parlement européen ? », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 29, 3 - 8, Hiver 2013.

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Le Parlement européen (PE) est souvent méconnu [1]. Sa mission est de représenter 500 millions d’Européens. En principe, il devrait être au cœur du fonctionnement de la démocratie européenne. Mais en réalité, l’Europe reste largement intergouvernementale avec le poids écrasant du Conseil européen (1). Le parlement européen est élu au suffrage universel depuis 1979. Depuis lors, son pouvoir s’est accru. Il est d’ailleurs devenu, avec le Conseil des ministres, le co-législateur de l’Union. Toutefois, ce pouvoir demeure encore assez formel (2). Pour autant, il ne faut pas en conclure que son rôle est sans importance. Voter massivement pour lui est un moyen de lui donner le poids nécessaire pour peser sur l’évolution de l’Europe (3).

1. Le PE et la démocratie européenne

Le fonctionnement de la démocratie européenne est le produit du rapport de force entre ses diverses institutions. Bien que le PE soit élu au suffrage universel pour nous représenter, son image reste floue.

Le PE dans l’architecture institutionnelle de l’UE

Au départ du processus d’intégration, dans les années 1950, deux institutions pilotaient l’Europe : Le Conseil des ministres, élément central puisqu’il votait la législation, la Commission, gardienne des traités, assurant la gestion de l’UE au quotidien et préparant les textes votés ensuite par le Conseil des ministres. Le Parlement européen était simplement informé.

Le premier grand changement survient avec la présence, à partir de 1974, du Conseil européen réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement. Le Conseil européen était absent des premiers traités. Il commença par se réunir de façon informelle. Puis il prit de plus en plus de place au fur et à mesure que le poids de l’Europe augmentait dans la vie économique, sociale et politique des Etats membres. Il est finalement devenu une institution de l’UE à part entière depuis le traité de Lisbonne. De fait, le Conseil européen est au centre de tout, mais il n’a pas le pouvoir législatif. Les Sommets européens, qui sont une autre manière de désigner les réunions du Conseil européen, rythment désormais la vie de l’Union. Ils sont d’ailleurs très médiatisés. Le Conseil européen se réunit au minimum deux fois par semestre. Il fixe les grandes lignes politiques pour l’UE et oriente les principes doctrinaux. L’Article 15 du TUE est à cet égard explicite : « Le Conseil européen donne à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités générales. Il n’exerce pas de fonction législative ».En résumé, et pour aller à l’essentiel, le Conseil européen initie tous les grands textes et les grandes options stratégiques de l’UE. Mais il ne légifère pas.

A l’origine, le Parlement européen (PE) avait un rôle mineur. Il restera marginal jusqu’à son élection au suffrage universel en 1979. Ce fut alors le second grand changement institutionnel de l’Union. A partir de ce moment-là, il devenait impossible d’exclure le PE du processus législatif de l’Union, sauf à faire une entorse majeure aux règles démocratiques. Le PE est ainsi entré de plein pied dans le jeu de la démocratie européenne.

Aujourd’hui, et conformément au traité, les textes sont toujours préparés par la Commission, mais ils sont ensuite votés par le Conseil des ministres et par le PE à travers la procédure de codécision.

Le PE est donc devenu le co-législateur de l’Union. En réalité, il faut le souligner, tous les textes importants sont dans les mains du Conseil européen pour une raison simple : le Conseil des ministres, l’autre co-législateur, se comporte dans ses votes en parfaite cohérence avec les choix initiés par le Conseil européen. Au final, les marges de manœuvre du PE se situent surtout sur des questions techniques qui découlent des traités et des grands choix stratégiques des chefs d’Etat et de gouvernement.

Le mécanisme d’élection du PE

Avant 1979, les députés des Etats membres choisissaient parmi eux les représentants qu’ils envoyaient au PE. Le rôle du PE était faible : il était informé, mais n’avait aucun véritable pouvoir législatif.

Grâce à l’élection du PE au suffrage universel, l’Europe paraissait se mettre en ordre de marche pour construire une architecture institutionnelle semblable à celle d’un Etat fédéral. On aurait alors, d’un côté, le PE exprimant la volonté de citoyens et, de l’autre, le Conseil des ministres représentant les gouvernements des Etats membres. C’était le début de ce que l’on désigne désormais comme le processus de codécision entre le PE et le Conseil des ministres. En regardant de plus près, et à la lumière de l’expérience, l’UE est restée, depuis 1979, assez fermement calée sur un système original présentant à la fois des aspects fédéraux et des aspects intergouvernementaux. L’Europe n’est pas encore fédérale.

La législature du PE est de cinq ans. Nous élirons 751 députés en mai 2014. Ils étaient 736 en juin 2009. Au PE, chaque député a une voix. Conformément au traité de Lisbonne, la représentation au PE est assurée de façon « dégressivement proportionnelle » avec un seuil minimum de six membres par Etat membre, le maximum admis étant de quatre-vingt-seize sièges.

La répartition des 751 sièges pour le PE (législature 2014-2019)
96 Allemagne
74 France
73 Italie, Royaume-Uni
54 Espagne
51 Pologne
32 Roumanie
26 Pays-Bas
21 Belgique, Grèce, Hongrie, Portugal, République tchèque
20 Suède
18 Autriche
17 Bulgarie
13 Danemark, Slovaquie, Finlande
8 Lettonie, Slovénie
6 Chypre, Estonie, Luxembourg, Malte

Le mode de scrutin pour les élections du PE est normalement proportionnel. Mais les procédures électorales demeurent variables selon les Etats membres. Dès lors que le principe de la proportionnalité est respecté, les circonscriptions peuvent être nationales ou régionales. A titre d’exemple, la France a choisi 8 circonscriptions électorales (le nombre des députés est entre parenthèses) : Ile-de-France (14), Sud-Est (14), Nord-Ouest (10), Sud-Ouest (10), Est (9), Ouest (9), Massif Central-Centre (5), Outre-Mer (3).Au PE, les députés se regroupent par affinité politique sans tenir compte des nationalités. Les 736 députés issus des élections de 2009 ont formé 8 groupes politiques très différents au regard du nombre des députés inscrits.

Répartition par groupe des 736 députés de la législature 2009-2014
265 Parti populaire européen (PPE)
184 Alliance progressiste de socialistes et démocrates (S&D)
84 Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE)
55 Verts/Alliance libre européenne (ALE)
54 Conservateurs et réformateurs européens (ECR)
35 Gauche unitaire européenne (GUE) et Gauche verte nordique (NGL)
32 Europe de la liberté et de la démocratie (EFD)
27 Le groupe des parlementaires non-inscrits

La Participation des citoyens aux élections européennes a jusqu’à présent toujours été en régression. Elle est passée de 63% la première fois, en 1979, à 42,9 % en 2009. La courbe de la désaffection est donc radicale. Par ailleurs, la participation est très variable selon les Etats. Ainsi, en 2009, elle était de 19,6% en Slovaquie contre 91% au Luxembourg. Ces chiffres nous interpellent. Ils s’expliquent largement par les difficultés de percevoir le pouvoir réel de cette institution, même s’il a augmenté au cours du temps. Mais ils résultent également de l’image brouillée du PE auprès des électeurs.

Une image encore floue

Les Européens choisiront leurs députés le 25 mai 2014. Pour le moment, cet acte démocratique majeur semble intéresser moyennement les électeurs. Aujourd’hui, l’Europe est certes incontournable, mais elle est peu mobilisatrice. Certains observateurs craignent que la participation aux élections de 2014 soit encore plus faible qu’en 2009. Il est vrai que les élections européennes passionnent moins que les élections des parlements nationaux, même s’il est de bon ton de le déplorer.

Les explications du désintérêt des citoyens pour le PE proviennent, pour partie, de l’image encore floue de cette institution dans le fonctionnement de la démocratie européenne. Comparé aux parlements nationaux, le PE semble un peu en retrait, pour ne pas dire déclassé, dans la hiérarchie des institutions politiques. Ce déclassement a plusieurs raisons. Nous mentionnons ici celles qui nous paraissent les plus visibles, sans prétendre être exhaustif et sans juger de leurs importances relatives.

Le PE apparaît souvent moins prestigieux que les parlements nationaux. Les candidats choisis par les partis politiques sont éloignés des lumières des arènes politiques nationales. Certains candidats sont imposés après des tractations qui ont peu à voir avec les grands enjeux européens. D’autres cherchent un point de chute après des échecs aux élections nationales. Ces situations, même si elles restent minoritaires, obscurcissent les véritables engagements du plus grand nombre des candidats.

Le flou face au rôle du PE est renforcé par l’existence de la rivalité entre ses deux sièges : un à Bruxelles (pour les séances de travail) et un à Strasbourg (pour les 12 sessions plénières). La présence du secrétariat du PE à Luxembourg vient encore compliquer l’image du PE. Autre argument qui participe à fragiliser l’image du PE : les coûts élevés en temps et en argent entraînés par la présence du PE sur deux villes.

Comparé aux vies parlementaires nationales, le PE provoque moins de rêves et de passions. Cela tient en partie à sa culture du compromis. En effet, on assiste rarement au PE à de grands affrontements médiatisés dont les citoyens sont friands. Cela s’explique largement par la nécessité de décider en composant avec une grande variété de cultures politiques. Pour fonctionner, le PE a tendance à éviter les grandes confrontations idéologiques grâce à la pratique du compromis. Du coup, sa vie démocratique peut sembler plus terne et moins dynamique que dans les parlements nationaux.

Cette culture du compromis s’incarne parfaitement dans le choix du président du PE [2]. Le PE désigne son président pour une durée de deux ans et demi, c’est à dire pour la moitié de la mandature. Cette procédure a pour objectif de permettre une alternance entre la droite et la gauche du PE. Jerzy Buzek (République tchèque), pour la droite, puis Martin Schultz (Allemagne), pour la gauche ont été les deux présidents successifs de la législature 2009-2014. L’alternance automatique est certes louable, mais elle n’est pas l’expression d’un changement de majorité politique issue des urnes. Le PE fait ici figure de bon élève consensuel.

Le PE souffre également de la mauvaise image de la démocratie européenne. La technocratie européenne pilote l’évolution de l’Europe. Le traitement des consultations par référendum est à cet égard exemplaire. La France a voté non au traité constitutionnel en 2005 ; l’Irlande a voté non au traité de Lisbonne. Mais pour « avancer », d’autres procédures furent choisies afin de finalement approuver les textes. Ce contournement des votes abîme l’image de l’Europe auprès des citoyens.

La faible place du PE dans l’espace politique peut être résumée par le comportement des politiques, comme des électeurs, au soir des élections européennes. Force est de constater que, tout au long de ces soirées-là, la tentation est grande d’apprécier la répartition des sièges dans chaque Etat membre comme si elle était le pur reflet des résultats nationaux. Ainsi, les élections européennes se trouvent largement perçues et analysées comme une mesure des rapports de force au sein de chacun des Etats membres. Et l’image d’une démocratie européenne vivante n’en sort pas grandie. Cette vision est renforcée par les difficultés qu’ont les citoyens de saisir les pouvoirs réels du PE, même si ceux-ci sont en extension.

2. Des pouvoirs en extension constante

Depuis l’élection du PE au suffrage universel en 1979, les cinq traités successifs ont systématiquement renforcé ses prérogatives : Acte unique (1986), traité de Maastricht (1992), traité d’Amsterdam (1997), traité de Nice (2001), traité de Lisbonne (2008) [3]. Le pouvoir du PE est résumé dans l’article 14 du TUE : « Le parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil, les fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de contrôle politique et consultatives conformément aux conditions prévues par les traités. »

La codécision ou la compétence législative ordinaire

Le principal pouvoir du PE est d’être le co-législateur de l’UE, à côté du Conseil des ministres, grâce à la méthode de codécision. La codécision s’est imposée à partir du traité de Maastricht. Avant, la procédure de coopération, instituée par l’Acte unique, conférait déjà une forme de pouvoir législatif au PE.

La codécision est devenue depuis le traité de Lisbonne la procédure législative dite ordinaire de l’UE. La Commission prépare les textes et les présente au PE et au Conseil. Pour que le texte soit adopté, il doit être approuvé par le PE et le Conseil. Il faut donc l’accord des deux institutions. Dans la mesure où le PE peut présenter des amendements, des navettes sont mises en place entre les trois institutions (Commission, Conseil, PE). Si cela est nécessaire, un comité de conciliation est actionné afin d’arriver à un compromis. Dans certains cas, l’entière procédure peut durer plus d’une année.

Les domaines de la codécision se sont élargis au cours du temps. Nous présentons ci-dessous les principaux nouveaux thèmes soumis à la codécision, de traités en traités.

  • Avec Maastricht : Le marché intérieur, l’éducation, la culture, la santé, la protection des consommateurs. Tous les grands programmes-cadres relatifs à l’environnement, la recherche ou les réseaux transeuropéens sont également adoptés par codécision.
  • Avec Amsterdam : Actions à l’encouragement pour l’emploi, coopération douanière, lutte contre la fraude, droit d’établissement, politique des transports, politique sociale, Fonds social européen.
  • Avec Nice : La politique industrielle et la coopération judiciaire.
  • Avec Lisbonne : De nouveaux domaines d’action comme les objectifs de la politique agricole commune et le cadre de la politique commerciale commune.

Il convient de souligner ici que toutes les dispositions fiscales et sociales impliquant des décisions financières restent totalement de la compétence des Etats. Seule l’unanimité des Etats membres pourraient changer cela.

Les autres compétences du PE

A côté de son rôle majeur dans la codécision, le PE est doté d’un ensemble de pouvoirs et de responsabilités. L’énoncé de ses diverses compétences démontre la place non négligeable du PE dans la vie de l’UE.

  • Le pouvoir d’avis conforme ne relève pas de la procédure législative mais confère au PE le pouvoir d’approuver, ou non, une décision arrêtée par le Conseil des ministres. Autrement dit, les décisions concernées ne peuvent entrer en application que si le PE est d’accord. En économie, cela concerne en particulier l’adoption du cadre financier pluriannuel des dépenses budgétaires de l’Union et la détermination des modalités des ressources propres du budget de l’Union. Nous reviendrons sur ces importantes questions plus loin.
  • Le PE a également à donner un avis consultatif obligatoire dans certains cas. Autrement dit, le PE donne son avis, mais le Conseil peut passer outre lorsque cet avis est défavorable. C’est le cas pour les accords internationaux autres que ceux soumis à l’avis conforme ou pour des aspects concernant la politique étrangère.
  • Le PE est informé des décisions du Conseil, comme dans le cas des grandes orientations de politique économique (GOPE). De même, le PE est simplement informé des décisions prises pour ce qui concerne le pacte de stabilité et de croissance (PSC).
  • Le PE est consulté comme d’ailleurs le Comité économique et social et le Comité des régions pour l’élaboration des lignes directrices pour l’emploi (LDE).
  • Le PE n’a pas de pouvoir d’initiative. Mais il peut demander à la Commission de « soumettre toute proposition appropriée » sur des questions en relation avec la mise en œuvre des traités.
  • Le PE peut, à la demande d’un quart de ses membres, constituer des commissions d’enquêtes concernant des allégations d’infraction ou de mauvaise administration dans l’application du droit de l’UE. Mais le PE n’agit que si les faits examinés ne sont pas déjà soumis aux juridictions compétentes de l’UE. Ces Commissions d’enquêtes sont toujours temporaires.
  • Tout citoyen de l’UE a le droit de présenter, à titre individuel ou en association avec d’autres citoyens, une pétition au PE relevant des domaines d’activité de l’Union. Ceci doit être nettement distingué du droit d’initiative citoyenne proposé à la Commission par au moins 1 million de citoyens.
  • Le PE nomme un Médiateur qui est habilité à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen en cas de mauvaise administration dans l’action des institutions de l’UE. Ce médiateur instruit les plaintes et fait rapport à leur sujet.
  • Le PE peut, s’il recueille les deux tiers des voix exprimées, et à la majorité de ses membres, établir une motion de censure de la Commission qui entraîne la démission de tous les commissaires. Cela n’a jamais été utilisé jusqu’à présent.
  • Le PE doit élire le président de la Commission qui a été désigné par le Conseil européen en tenant compte des résultats des élections au PE. Puis le PE approuve par un vote l’ensemble du collège des commissaires.
  • Evidemment, le PE n’a aucun pouvoir en matière monétaire puisque la BCE est indépendante. Cependant, la BCE adresse son rapport annuel au PE qui peut tenir un débat sur cette base, mais sans vote. Le PE peut également demander à entendre le président de la BCE devant les commissions compétentes du PE.

Le PE dans la procédure budgétaire

Au terme des traités, le budget annuel de l’UE est voté par le PE et le Conseil des ministres par une procédure qui s’apparente à la codécision. Mais, ici encore, le rôle du Conseil européen est considérable, même s’il est indirect. Il convient en effet de souligner que le budget annuel s’inscrit impérativement dans un cadre financier pluriannuel (CFP). L’article 312 du TFUE est à ce sujet très clair : « Le cadre financier pluriannuel vise à assurer l’évolution ordonnée des dépenses de l’Union dans la limite de ses ressources propres. …. Le budget annuel de l’Union respecte le cadre financier pluriannuel. » Réduire la procédure budgétaire à l’examen du budget annuel reviendrait par conséquent à passer à côté de l’essentiel : le choix du CFP. Or le CFP est, avant tout, soumis au pouvoir du Conseil européen. Une nouvelle fois, les chefs d’Etat et de gouvernement sont à la manœuvre et pilotent les finances de l’UE.

Chaque CFP s’étend sur 7 années. Ce mécanisme budgétaire est effectif depuis 1988 (il s’est d’abord appelé les « perspectives financières »). Le dernier CFP couvrait la période 2007-2013, le prochain concerne 2014-2020. L’objet principal du CFP est de fixer le montant des plafonds annuels des dépenses ainsi que les grands postes budgétaires. Mais il traite également des recettes.

Le CFP 2014-2020 prévoit une somme globale de 960 milliards d’euro. Les budgets annuels oscilleront entre 135 et 140 milliards et les cinq grands postes de dépenses sont (en précisant entre parenthèses leurs poids en pourcentage du budget total de la période) :

  • Croissance intelligente et inclusive (47%),
  • Croissance durable : ressources naturelles (39%),
  • Sécurité et citoyenneté (2%),
  • L’Europe dans le monde (6%),
  • Administration (6%).

Le Conseil européen décide du CFP par consensus, généralement après des discussions longues et ardues. Les Sommets européens dévolus à ce thème sont d’ailleurs largement médiatisés. Comme le Conseil européen n’a pas de pouvoir législatif, le CFP doit être juridiquement validé. Le TFUE stipule, toujours dans son article 312 : « Le Conseil (des ministres), statuant conformément à une procédure législative spéciale, adopte un règlement fixant le cadre financier pluriannuel ; Il statue à l’unanimité, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent. » Puisque le Conseil européen adopte le CFP, le Conseil des ministres suit automatiquement sa décision. Ici encore, le Conseil européen règne en maître, sans pour autant légiférer.

Toutefois, le CFP peut être amendé au cours des sept années afin de pouvoir prendre en compte des situations exceptionnelles comme, par exemple, pour faire face à la crise économique à travers un plan de dépenses. Mais, là encore, le Conseil européen fixe la direction et, ensuite, le Conseil des ministres statut à l’unanimité avec approbation du PE.

Le CFP fixé, la procédure budgétaire annuelle fait apparaître un bel équilibre institutionnel entre le Conseil des ministres et le PE. La Commission propose le budget annuel dont les grandes masses ont été fixées dans le CFP. Ensuite, les deux autorités budgétaires de l’Union disposent de compétences pour amender le budget. En cas de désaccords, un comité de conciliation cherche un compromis. A la fin, c’est le président du PE qui constate l’adoption du budget et le signe afin que celui-ci soit exécuté.

Ainsi, en dépit de la procédure du vote annuel et malgré la présence de quelques marges de manœuvre, la responsabilité budgétaire du PE est finalement faible.

Le CFP aborde également les ressources budgétaires de l’Union. Il s’agit précisément : d’une part, de fixer les plafonds des ressources (en général autour de 1,2% du PIB de l’UE) et, d’autre part, de déterminer les taux de prélèvements sur les deux principales ressources de l’UE (la ressource TVA et la ressource PIB) [4]. Cette question des ressources est traitée exactement dans la même logique. Le Conseil européen pose les chiffres et les deux autorités budgétaires approuvent, même s’il y a des discussions tendues.

3. Un parlement au service de l’Europe

Le PE a certes accru ses pouvoirs au cours des trois dernières décennies, mais il demeure en retrait par rapport à ce que devrait être le rôle majeur d’un parlement élu démocratiquement. Cela tient à l’architecture institutionnelle de l’Union qui reste dominée par la démarche intergouvernementale, c’est à dire par le Conseil européen. L’Europe n’est pas encore un espace politique à part entière. La preuve : le cadre financier pluriannuel, qui représente pour l’Union « le nerf de la guerre » constitue en réalité une forme de bouclier contre le fédéralisme politique.

La crise qui a déferlé sur l’UE depuis 2008 a contribué à fragiliser davantage l’image de l’Union aux yeux des Européens. Désormais, la construction européenne suscite des doutes et, parfois, des formes de rejets. Dans ce contexte, le PE a été largement absent des grandes décisions. D’où la désaffection croissante de beaucoup de citoyens pour l’Europe et son parlement.

Pour convaincre, l’Union doit apporter des réponses aux attentes des Européens. Les élections de mai 2014 offrent la possibilité de formuler de nouvelles ambitions pour l’Europe. Au terme des traités, le PE n’a pas de pouvoir constitutionnel. Cependant, le PE incarne le peuple européen dans sa diversité. En votant massivement pour lui, les citoyens auraient les moyens d’accroître sa légitimité et de mieux équilibrer les rapports de force avec le Conseil européen. Le PE pourrait alors choisir de peser beaucoup plus sur le cours de l’intégration européenne, y compris en déclenchant un mouvement en faveur d’une refonte des traités. Voter pour le PE n’est pas seulement un acte citoyen, c’est aussi pousser la seule institution pleinement démocratique de l’Union à se mettre résolument au service de l’Europe et des Européens.

Bibliographie

Dévoluy Michel, Comprendre le débat européen – Un petit guide à l’usage des citoyens qui ne croient plus à l’Europe, Editions points, 2014.

Doutriaux Yves et Lequesne Christian, Les institutions de l’Union européenne après le traité de Lisbonne, La documentation française, Dila, 2010.


[1Notre présentation du Parlement européen s’appuie sur le traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er décembre 2009. Il comprend en réalité deux textes : le traité sur l’Union européenne (TUE) qui présente les grands principes de l’UE en 55 articles, le traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) qui précise en 358 articles le contenu et les modalités des missions de l’UE.

[2Le président du PE assure des fonctions protocolaires et de représentation de l’UE vis à vis de l’extérieur. Il dirige l’ensemble des activités du Parlement et préside ses délibérations. Il joue un rôle important dans les dialogues entre les autres institutions de l’UE.

[3L’ouvrage de Yves Doutriaux et de Christian Lequesnes, cité en bibliographie, nous sert ici largement de référence.

[4La troisième grande ressource de l’UE n’appelle pas ce type de choix politique car elle provient des droits de douane collectés aux frontières de l’Union douanière. Il existe quelques ressources marginales comme des contributions payées par les fonctionnaires européens ou certaines amendes.

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