Les Grandes Orientations des Politiques Économiques
Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).
Les GOPE (Grandes orientations des politiques économiques) représentent le principal vecteur de la coordination des politiques économiques dans l’Union Européenne. Elles fixent des priorités dans les réponses aux défis communs et s’inscrivent de plus en plus dans une perspective de moyen et long terme. La mise en place récente d’un dialogue macro-économique témoigne d’un besoin de gouvernance économique en Europe. Mais sa nature confidentielle en fixe les limites.
Mot-clef : Grandes orientations de la politique économique (GOPE).
Citer cet article
Michel Dévoluy « Les Grandes Orientations des Politiques Économiques », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 4, 4 - 6, Été 2001.
Les GOPE prennent la forme d’une recommandation du Conseil rendue officiellement, chaque année, au début du mois de juillet. Elles résultent d’une procédure précise entamée par une recommandation de la Commission, début mars, et au cours de laquelle le Conseil Européen, dans sa réunion de printemps, débat des conclusions qui seront finalement proposées en juillet. C’est également au printemps que la Commission adopte le rapport d’évaluation de la mise en œuvre des GOPE de l’année précédente. Notons qu’un processus nouveau, le dialogue macro-économique, vient désormais compléter la panoplie de la coordination, dont les GOPE représentent le point d’ancrage.
Les GOPE dans le dialogue macro-économique
Les GOPE constituent la clé de voûte de la stratégie de coordination des politiques économiques instaurée par le traité de Maastricht. La mise en place de l’euro, l’interdépendance croissante des économies de l’UEM et le problème récurrent du chômage obligent à renforcer cette coordination. Le dialogue macroéconomique initié au sommet de Cologne de juin 1999 va dans ce sens. Il propose un processus (on parle du processus de Cologne) qui améliore les échanges d’informations et d’idées et favorise l’instauration d’un climat de confiance entre les décideurs. Ce dialogue ne doit pas être confondu avec l’Eurogroupe (qui est composé des ministres du Conseil Ecofin des pays appartenant à la zone euro). Le dialogue se déroule dans un cadre plus large, sans pour autant modifier les organes existants. Concrètement, il prend la forme de deux réunions techniques qui préparent les deux réunions annuelles de nature politique.
Les réunions techniques s’effectuent dans un groupe de travail avec des représentants du Comité de politique économique, du Comité de l’emploi et du marché du travail, de la BCE et de la Commission. Les réunions politiques comprennent des représentants du Conseil Ecofin, du Conseil Travail et Affaires Sociales, de la BCE, de la Commission et des partenaires sociaux. Chaque année, une réunion au niveau politique doit avoir lieu avant l’adoption des GOPE, l’autre réunion politique se tient avant l’adoption des « Lignes directrices pour l’emploi » (LDE). Le dialogue macro-économique se greffe par conséquent sur les deux grands rendez-vous de la coordination économique européenne. Il est encore très difficile d’apprécier le rôle et l’impact de ce dialogue. En effet, il vient tout juste de commencer son régime de croisière, mais surtout il est, par nature, confidentiel. Au total, sa présence et sa forme témoignent à la fois de la nécessité d’améliorer l’interaction entre les diverses branches de la politique économique et les insuffisances d’une gouvernance économique européenne.
La mise en œuvre des GOPE 2000
La Commission a adopté le 7 mars 2001 le rapport représentant une évaluation d’ensemble de la mise en œuvre des GOPE pour 2000. Nous retiendrons quelques observations.
Il est indiqué que le dosage macroéconomique a été exempt de tensions. Cette formule signifie à la fois l’approbation de la politique de hausse des taux de la BCE au cours de 2000 pour préserver la stabilité des prix et la reconnaissance d’une amélioration des positions budgétaires des États membres. Néanmoins, précise le rapport, les soldes budgétaires sous-jacents (qui ne tiennent pas compte notamment de l’accroissement exceptionnel des recettes liées à la forte croissance et aux licences UMTS) sont encore trop élevés.
La Commission note une amélioration dans la libéralisation sur les marchés des produits et des services ainsi que des progrès dans la coordination des surveillances nationales sur les marchés des capitaux.
L’Europe poursuit sa transition indispensable vers une société fondée sur le savoir. Cela se traduit notamment par des efforts d’éducation et de formation aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).
Pour ce qui concerne les réformes structurelles sur le marché du travail, la plupart des pays membres ont porté une plus grande attention à l’apprentissage tout au long de la vie et au faible taux d’emploi des femmes.
Ces préoccupations se retrouvent dans les nouvelles propositions pour 2001.
Les GOPE pour 2001
Les GOPE 2001, dont les lignes de force ont été validées par le Conseil européen de Stockholm des 23 et 24 mars 2001,s ’inscrivent dans le prolongement et l’application des principes énoncés au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000. Stockholm reprend la formule de Lisbonne : il faut « moderniser le modèle européen et atteindre l’objectif stratégique pour la décennie à venir pour l’Union ... à savoir devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale. »
L’affirmation de cet enjeu démontre que la vocation principale des GOPE n’est pas de coordonner des politiques conjoncturelles mais de se placer dans une perspective de moyen et long terme.
Comme chaque année, les GOPE 2001 présentent les orientations générales qui sont ensuite déclinées par pays membres. Nous ne traiterons ici que des aspects généraux. Les GOPE 2001 commencent par un état des lieux dans lequel il est pris acte d’une situation relativement plus favorable de l’économie européenne par rapport à l’économie mondiale, et notamment américaine. Les GOPE présentent ensuite, plus en détail, les grands défis et huit grandes recommandations.
Les grands défis de court, moyen et long terme
Dans le court terme, il faut préserver la croissance et les créations d’emplois en respectant le principe de l’équilibre budgétaire et la sagesse des prix et des salaires. Il est ici entendu que la politique monétaire unique ne peut pas être taillée pour les besoins d’un seul pays et que chacun des États doit se sentir responsable de l’ensemble.
Pour le moyen terme, il s’agit de consolider les bases de la croissance future et d’améliorer le taux d’activité de la population en âge de travailler. Ces objectifs impliquent des investissements en capital humain et physique, un meilleur fonctionnement des marchés, la valorisation de la recherche et de l’initiative. L’amélioration du taux d’emploi devrait concerner surtout les plus âgés et les femmes. Notons qu’un meilleur taux d’emploi favorise l’inclusion sociale. Une Europe forte et qui parle d’une seule voix dans une économie mondialisée est également un défi pour le moyen terme.
Le principal défi pour le long terme est le vieillissement de la population. Les réponses iront dans deux directions : la recherche d’un bon équilibre entre répartition et capitalisation dans les systèmes des retraites ; des augmentations de la productivité du travail et du taux d’emploi.
Les huit grandes recommandations
1. Des politiques macroéconomiques axées vers la croissance et la stabilité
L’enjeu est de rester pour 2001-2002 en dessous de la croissance potentielle. Pour le moyen terme, le Pacte de stabilité et décroissance reste une règle impérative. Les évolutions salariales devront refléter les conditions nationales tout en respectant l’objectif de stabilité des prix.
2. Augmenter la qualité et la viabilité des finances publiques
Soutenir l’économie de la connaissance et favoriser la cohésion sociale est un gage de la qualité des finances publiques. La maîtrise du régime des retraites sera déterminante pour leur viabilité.
3. Dynamiser les marchés du travail
Les problèmes sont différents selon les pays d’où une grande variété de recommandations : augmenter le taux d’emploi des femmes et des personnes âgées ; réduire les charges sur les bas salaires ; diminuer les obstacles à la mobilité du travail ; favoriser la formation permanente ; réinsérer les chômeurs de longue durée ; favoriser une organisation plus flexible du travail ; poursuivre la diminution des écarts de salaire entre hommes et femmes.
4. Assurer l’efficacité des marchés et des services financiers
Il s’agit ici de poursuivre les réformes structurelles en vue d’un marché intérieur parfaitement concurrentiel.
5. Promouvoir l’efficience et l’intégration des marchés et des services financiers
Ceci appelle des réglementations plus homogènes dans l’UE.
6. Encourager l’esprit d’entreprise
Cet objectif passe par un meilleur accès aux financements pour les PME et par la création d’un environnement favorable au développement des entreprises.
7. Favoriser l’économie de la connaissance
Cette politique se décline à partir de trois bases : stimuler la R&D et l’innovation, promouvoir l’accès aux NTIC et accroître l’éducation et l’apprentissage dans le public comme dans le privé.
8. Améliorer la durabilité environnementale
Le Conseil européen de Stockholm a demandé d’introduire cette recommandation dans les GOPE. Au delà de l’aspect purement économique, il s’agit ici de prendre en compte la qualité de la vie et le bien être des générations présentes et futures. Quatre axes sont proposés :
- l’utilisation d’instruments directement fondés sur une économie de marché comme les droits d’usage et les permis d’émission négociables ;
- la réduction des aides aux secteurs qui polluent ;
- des mécanismes économiques incitatifs pour réduire l’effet de serre ;
- la recherche d’un cadre approprié pour la fiscalité sur l’énergie au niveau européen.
Trois observations résument les GOPE 2001.
- La coordination s’inscrit de plus en plus dans une perspective de moyen et long terme en s’appuyant sur le « dialogue macroéconomique » initié au Sommet de Cologne ;
- Le rappel de l’efficacité des mécanismes de marché et de la vertu budgétaire est récurrent ;
- Les thèmes de l’économie de la connaissance, du vieillissement, de l’environnement et de la cohésion sociale prennent une place croissante.
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