Editorial — Vers une réforme du pacte de stabilité et de croissance
Gilbert Koenig, Université de Strasbourg (BETA)
Après plusieurs mois de débats avec les membres de l’UE, la Commission européenne a proposé le 26 avril 2023 une réforme des règles budgétaires européennes du Pacte de stabilité et de croissance. Un accord sur les principes et le contenu de cette réforme est obtenu par les ministres des finances de l’UE le 20 décembre 2023. Cet accord fera l’objet de négociations avec le Parlement européen à partir de janvier 2024 et devrait être appliqué dès cette année.
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Gilbert Koenig « Editorial — Vers une réforme du pacte de stabilité et de croissance », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 48, 1, Hiver 2023.
Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) a été instauré par le Traité de Maastricht en 1992 afin d’assurer une discipline budgétaire dans les pays de l’Union européenne (UE). Ses mesures ont subi différentes révisions depuis 1992 avant que leurs applications soient suspendues le 23 mars 2020, lors de la crise sanitaire, jusqu’au 31 décembre 2023. Compte tenu des ratios d’endettement public supérieurs à 60 % du PIB d’une douzaine de membres de l’UE et compte tenu des besoins importants d’investissements de l’UE, il ne semblait pas envisageable de revenir aux règles du PSC appliquées en 2020. Après plusieurs mois de débats avec les membres de l’UE, la Commission européenne a proposé le 26 avril 2023 une réforme des règles budgétaires européennes du PSC. Un accord sur les principes et le contenu de cette réforme est obtenu par les ministres des finances de l’UE le 20 décembre 2023. Cet accord fera l’objet de négociations avec le Parlement européen à partir de janvier 2024 et devrait être appliqué dès cette année.
Le projet de réforme du PSC maintient les critères de limitation de l’endettement et des déficits publics respectivement à 60 % et à 3 % du PIB. L’objectif de la réforme est de définir des mesures qui permettent aux pays de respecter ces critères d’une façon plus efficace que celles du PSC de 2020. Une première faiblesse des règles imposées par le PSC de 2020 provenait de leur application d’une façon uniforme à tous les membres de l’UE. La seconde faiblesse est relative à leur rigidité et aux sanctions difficiles à appliquer aux pays trop endettés, notamment à ceux du sud de l’Europe qui, en s’y soumettant, risquaient de déclencher des conséquences économiques graves. De ce fait, ces mesures paraissant peu crédibles étaient peu respectées.
Le projet de réforme propose de remplacer ces dispositions par des trajectoires de réduction progressive des taux d’endettement des membres de l’UE dont les dettes publiques sont supérieures à 60 % du PIB. Ces trajectoires sont propres à chaque pays qui pourra ainsi faire valoir ses spécificités et ses priorités. Mais, elles sont essentiellement déterminées par la Commission européenne sur la base de ses prévisions sur l’évolution des taux d’intérêt, des taux de croissance et des soldes budgétaires. Chaque trajectoire s’étend sur une période de 4 ans prolongeable à 7 ans si l’État s’engage à effectuer des investissements dans des secteurs prioritaires définis par l’UE. Le contrôle de ces ajustements budgétaires doit plutôt porter sur l’évolution des dépenses publiques que sur celle des déficits publics, car ces derniers sont susceptibles de fluctuer selon les niveaux de l’activité économique. En contrepartie de la liberté plus grande accordée aux États, les règles du PSC devront être mieux respectées que dans le régime du PSC de 2020 afin d’éviter les déviations observées dans le passé, notamment dans certains grands pays pour lesquels les sanctions n’étaient pas crédibles. Bien que les sanctions pour non-respect des règles prévues dans le projet de réforme du PSC sont à peu près les mêmes que ceux du PSC de 2020, on espère qu’en rendant les règles budgétaires plus crédibles, les pays déficitaires seront incités à mieux les respecter et à accepter les sanctions en cas de non-respect.
Les auteurs de ce projet espèrent qu’en assouplissant et en simplifiant les règles du PSC et en les rendant plus réalistes, cette réforme permettra d’assainir les finances publiques sans dégrader les situations économiques. Il est probable que ces mesures faciliteront la réalisation de l’objectif d’assainissement des finances publiques en permettant aux pays en difficulté de répartir dans le temps la charge de leurs efforts d’assainissement. Mais une répartition analogue a déjà été effectuée d’une façon plus ou moins improvisée sous le régime du PSC 2020 par ces pays qui, ne pouvant pas appliquer les règles du pacte, ont mené leurs politiques budgétaires tout en faisant attention à l’évolution de leurs endettements. Quant à l’espoir que l’application des nouvelles règles pourra se faire sans dégrader la situation économique, il paraît peu crédible. En effet, la baisse progressive de l’endettement des pays en difficulté se fera uniquement par celle des dépenses publiques, ce qui aura nécessairement des effets négatifs sur la croissance. Ces effets qui seront probablement faibles dans l’immédiat, augmenteront progressivement. Donc le ralentissement économique induit par ces mesures sera réparti dans le temps, au lieu de se manifester brutalement à court terme par une baisse du PIB de l’UE, comme celle de 0,5 % résultant en 2015 de l’application des règles de l’ancien PSC. Les effets négatifs de ces mesures sont renforcés par ceux résultant du rétablissement de la procédure des déficits excessifs dans le projet de réforme du PSC. Du fait de cette réintroduction demandée avec insistance par l’Allemagne, les pays soumis à cette procédure devront diminuer leurs déficits publics de 0,5 point de PIB par an jusqu’à ce que leur ratio déficit public/PIB atteigne 3 %.
Il sera difficile d’éviter les conséquences économiques négatives d’une telle réforme sur le niveau d’activité tant que seront maintenus les critères de convergence définis en 1992. En effet, le taux croissance de 0,5 % de l’UE au troisième trimestre 2023 et le taux d’inflation annuel de 3,1 % en novembre 2023 ne permettent pas à un déficit public de 3 % de stabiliser le taux d’endettement à 60 % du PIB. Il faudrait pour cela, selon les évaluations de 1992, un taux de croissance réelle de 3 % et une inflation de 2 %. Les prévisions économiques actuelles ne permettent pas d’espérer de telles performances dans les prochaines années dans l’UE.
Le projet de réforme du PSC a probablement maintenu les critères de convergence définis en 1992, car leur mise en cause aurait nécessité d’envisager une révision des traités européens. Mais, il ne sacralise pas pour autant ces critères. En effet, la trajectoire de 4 à 7 ans préconisée pour un pays par la réforme n’est pas censée aboutir nécessairement au taux d’endettement de 60 % du PIB au terme de la trajectoire. Elle doit plutôt montrer que le pays est en bonne voie pour améliorer ses finances publiques en convergeant vers le taux d’endettement de 60 % du PIB. La réalisation de cette convergence permettra de considérer que la dette publique est soutenable. Peut-être cet assouplissement constitue-t-il un premier pas vers une réforme des critères de convergence. Mais, la réalisation d’une telle réforme est loin de faire l’unanimité des membres de l’UE. En effet, les responsables des pays du nord de l’Europe qui sont partisans d’une discipline budgétaire sévère, considèrent qu’en écartant la procédure des déficits excessifs, le projet de réforme du PSC encourage le laxisme budgétaire supposé de certains pays, notamment ceux du sud de l’Europe. Pour calmer ces craintes, l’Allemagne a demandé à la Commission européenne de réintroduire dans sa réforme la procédure de déficits excessifs. Le rétablissement du totem des 3 % de déficits publics réduit l’ambition du projet de réforme de mettre fin aux rigidités du PSC de 2020 afin d’en augmenter l’efficacité. Il risque également d’accentuer la détérioration de la situation économique qui pouvait déjà résulter des mesures concernant l’évolution de l’endettement des pays dont la dette publique est supérieure à 60 % du PIB.
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