L’impossible policy mix européen : des ouvertures

Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).

Nous sommes encore éloignés, en 2004, d’un gouvernement économique européen qui piloterait vraiment les politiques de stabilisation conjoncturelle. Sans parler de changements significatifs, une vision optimiste peut déceler un début d’ouverture.

Mots-clefs : harmonisation des politiques, harmonisation fiscale, indice de prix à la consommation harmonisé , marchés de change, MCE II, Pacte de stabilité et de croissance (PSC), policy-mix européen, Politique de change.

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Michel Dévoluy « L’impossible policy mix européen : des ouvertures », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 11, 3 - 8, Hiver 2004.

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La zone euro a connu une activité atone en 2003 (0,5% de croissance). En comparaison avec les performances internationales, la croissance demeure encore décevante en 2004, même si les résultats (autour de 2%) seront supérieurs aux prévisions. Le taux de chômage demeure très préoccupant : il atteint 9%, alors qu’il était de 8,8% fin 2003. Ces résultats conjoncturels s’inscrivent dans une évolution de plus long terme où on constate une perte de vitesse de l’Europe face aux États-Unis, après le rattrapage des trente glorieuses de l’après guerre. En effet, à partir du milieu des années 1980 l’Europe accumule un retard en matière de croissance. Par ailleurs, on observe, depuis l’introduction de la monnaie unique, une meilleure réussite des pays de l’UE en dehors de la zone euro. La Suède et le Royaume Uni affichent actuellement une croissance plus forte (plus de 3 %) et un chômage plus faible (4,7 % fin 2004 outre manche). Le Danemark présente une croissance proche de celle de la zone euro, mais son chômage est à 5,9 %. Tout porte donc à croire que la zone euro est dans une situation défavorable, à la fois pour des raisons structurelles et conjoncturelles. Les aspects structurels du retard de l’Europe ne seront pas abordés ici [1]. Seule est présentée la pratique du policy mix dans la zone euro, en privilégiant la dernière année. Par conséquent, nous traiterons de la politique monétaire unique, de la politique de change et des politiques budgétaires telles qu’elles sont encadrées par le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Les applications du PSC ont posé de sérieux problèmes qui appellent des évolutions. Comme réponse, la Commission formule des avancées vers plus de flexibilité et un rôle accru du politique à travers l’Eurogroupe.

Le statut quo monétaire

La politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) continue de respecter à la lettre l’objectif principal que lui assigne le Traité sur la Communauté européenne : la stabilité des prix. Et elle remplit ce contrat. L’inflation reste contenue autour de 2% par an. La légère modification de la stratégie de la BCE survenue en mai 2003 afin d’améliorer l’analyse de l’évolution des prix n’a rien changé sur le fond. Cette stratégie continue de reposer sur un objectif d’inflation et sur deux piliers.

L’objectif d’inflation n’est plus, comme à l’origine, de maintenir l’IPCH (l’indice des prix à la consommation harmonisé) à moins de 2% par an, mais d’atteindre un taux proche de 2% en moyenne ». Ce changement marque la volonté d’éviter les risques de déflation. L’examen des deux piliers, l’un monétaire et l’autre économique, permet d’asseoir des prévisions crédibles en matière d’inflation. Avant mai 2003, la priorité était au pilier monétaire. Mais leur hiérarchie a été inversée. Désormais, la BCE examine d’abord le pilier économique qui prend en compte l’ensemble des variables réelles susceptibles de peser sur le niveau des prix (croissance, emploi, déficits publics et extérieurs ...). Elle analyse ensuite le pilier monétaire qui se focalise sur l’évolution de l’agrégat monétaire M3. Cette inversion permet de recouper les informations contenues dans les variables économiques par des données strictement monétaires. L’illustration de ce changement est immédiate lorsqu’on lit, depuis mai 2003, les compte rendus successifs des réunions mensuelles du conseil des gouverneurs qui détermine la politique monétaire de la BCE.

La BCE a réagi avec modération au brutal ralentissement de la conjoncture. Le taux phare représenté par le taux de soumission minimal appliqué aux opérations principales de refinancement est passé à 2% en juin 2003, c’est son plancher historique (il était encore à 3,25% en novembre 2002). Depuis, mois après mois, la BCE a considéré, grâce à son examen de la situation économique, que les perspectives en matière d’inflation étaient restées inchangées, c’est à dire autour de 2% pour l’IPCH. Ces prévisions sont confirmées par l’évolution tendancielle de M3. Pour la BCE, le taux nominal de 2% est donc parfaitement approprié à la situation et aux prévisions qui prévalent depuis juin 2003. De plus, ajoute-t-elle, vu le faible d’inflation, ce niveau nominal de 2% induit des taux d’intérêt réels suffisamment faibles, pour ne pas entraver la reprise des investissements et de la consommation. Ajoutons que le redémarrage de la croissance, amorcée fin 2003, et qui se confirme largement en 2004, n’apporte pas des arguments à ceux qui souhaitent baisser les taux directeurs en vue d’un soutien conjoncturel, bien au contraire.

On peut être surpris de cette forme de conservatisme, surtout quand on observe le comportement de la Fed aux États-Unis. Celle-ci n’a pas hésité à descendre son taux directeur jusqu’à 1% le 25 juin 2003 (son plus bas niveau historique depuis 45 ans) alors que l’inflation est plus forte outre Atlantique. Mais l’explication est contenue dans la mission assignée à la Fed. Lorsqu’elle fixe ses taux, elle prend en compte à la fois l’inflation et l’activité économique. La réactivité de la Fed explique aussi la remonté des taux en trois étapes, à partir de juin 2004, pour atteindre 1,75 % le 21 septembre.

La pugnacité de la BCE en matière de taux d’intérêt se justifie aussi par les mauvaises performances budgétaires au sein de la zone euro. La relation entre les déficits publics et l’inflation est toujours très présente dans les analyses de la BCE. Elle considère la discipline budgétaire comme une politique de soutien à son objectif de stabilité des prix. De son point de vue, la mise entre parenthèses de l’effet contraignant du PSC en novembre 2003 - nous y reviendrons plus bas - a largement nourri ses inquiétudes et a constitué un des arguments pour ne pas baisser les taux.

L’objectif de stabilité des prix demandé à la BCE est complexifié du fait des écarts d’inflation entre les États membres. Par hypothèse, elle ne peut pas discriminer sa politique en fonction des situations nationales. Cette donnée justifie son insistance à responsabiliser les États. La BCE ne cesse d’affirmer qu’ils doivent assurer la flexibilité des prix et des salaires et gérer leurs finances publiques en respectant l’esprit et la lettre du PSC.

De ce fait, toute tentative de relâchement des contraintes du PSC est observée avec une extrême inquiétude.

Petite révision du cadre opérationnel de la BCE

Deux mesures sont appliquées depuis mars 2004 : la période des prises en pension pour les opérations principales de refinancement est ramenée de deux à une semaine ; la période de constitution des réserves obligatoires débute désormais le jour de règlement de l’opération principale de refinancement qui suit l’évaluation mensuelle de l’orientation de la politique monétaire par la BCE. Ces changements ont pour but principal de dissuader les établissements financiers d’établir leur stratégie de refinancement en fonction de leurs spéculations sur l’évolution des taux directeurs de la BCE. Cette révision concerne les 6 593 établissements financiers de la zone euro (données fin 2003).

La douce négligence face au taux de change

La zone euro n’affiche pas de politique de change lisible. Cette absence s’explique largement par les dispositions du Traité. La responsabilité des grandes options de la politique de change appartient au Conseil Ecofin : choix du régime de change et décision stratégique sur la pertinence du niveau atteint par l’euro. Par contre, la gestion au quotidien relève de la BCE. De ce fait, les fluctuations de l’euro, surtout face au dollar, ne concernent la BCE que si elles représentent une menace pour la stabilité des prix. La remontée très significative de l’euro depuis la fin 2002 (il faut en moyenne plus d’un dollar vingt pour un euro en 2004) n’a pas pesé sur la politique de la BCE. L’euro fort diminue les risques d’inflation importée. Mieux, il permet de compenser, pour partie, les hausses du prix du pétrole brut, facturé en dollars, qui alourdissent l’indice des prix. On a longtemps parlé de la douce négligence (benign neglect) des autorités américaines face aux fluctuations du dollar. L’Europe semble emprunter cette voie. Mais cet état de fait découle surtout des dispositions du Traité.

Trois nouveaux pays dans le MCE II

L’élargissement du 1er mai n’a pas eu d’impact direct sur la conduite de la politique monétaire de la BCE. Aucun des dix nouveaux États membres ne peut d’ailleurs espérer adopter rapidement l’euro. Cependant, trois pays ont décidé de joindre le MCE II. Celui-ci représente le mécanisme de change européen, prévu par le traité CE, entre l’euro et les autres monnaies de l’UE. Il s’agit, officiellement depuis le 27 juin 2004, de l’Estonie (la couronne), de la Lituanie (le litas) et de la Slovénie (le tolar). La participation au MCE Il n’est pas obligatoire pour un pays de l’UE. Mais elle est une des conditions à remplir pour passer à l’euro. Précisément, la monnaie concernée doit participer pendant deux ans au MCE Il sans avoir été dévaluée. Le mécanisme du MCE | consiste à fixer un taux de change officiel avec l’euro et à maintenir le taux de change effectif à l’intérieur d’une marge de fluctuation autorisée. Selon les textes, l’amplitude peut aller jusqu’à + ou - 15%. C’est la marge qui a été choisie par les trois nouveaux. Ceci posé, l’Estonie et la Lituanie ont conservé leurs systèmes de Caisse d’émission (Currency Board). Mais cette situation, qu’ils connaissaient avant d’entrer dans le MCE II, n’implique aucun engagement particulier de la part de la BCE.

Rappelons que la couronne danoise participe depuis le 1er janvier 1999 au MCE II, avec une marge de fluctuation de 2,25%.

L’attraction pour la neutralité budgétaire dans la zone euro

Les prévisions de la Commission du printemps 2004 pour l’année en cours donnent plusieurs chiffres qui marquent une tendance à la neutralité budgétaire sur l’ensemble de la zone euro.

Le déficit budgétaire des douze devrait être de 2,7% du PIB en 2004, ce qui est inférieur au seuil critique de 3%. Par contre, pour la dette publique, le chiffre clé de 60% du PIB est dépassé, avec 70,9%. On retrouve pratiquement ces deux résultats en 2003 et pour les prévisions relatives à 2005. Il y a donc une stabilité en la matière. Le solde budgétaire corrigé des impacts cycliques, c’est à dire le solde dit structurel, présente également une très forte stabilité sur cette période de trois ans avec-2,2% du PIB. Ce résultat montre que les déficits ne sont pas liés au seul jeu des stabilisateurs automatiques.

La stabilité des soldes s’analyse comme une manifestation de la neutralité des politiques budgétaires face aux variations de la conjoncture. De fait, pour la zone euro, la récession n’a pas entraîné de réactivité budgétaire très visible.

Cette stabilité des soldes cache en réalité deux mouvements qui tendent à se compenser : une réduction des dépenses et des impôts. Cette évolution correspond à une volonté politique, largement affichée dans la zone euro, d’alléger le poids des finances publiques.

Aux États-Unis, en 2004, le déficit budgétaire atteint près de 4,5% du PIB, mais la dette est autour de 49% du PIB. Ces résultats montrent que, pour soutenir la conjoncture, les marges de manœuvre en matière budgétaire sont plus grandes (la dette est faible) et mieux exploitées (le déficit est fort) outre Atlantique. Mais aux États-Unis, en matière budgétaire, la politique l’emporte sur la règle.

Le PSC contesté ou l’amorce du recul de la règle rigide

Fin 2004, six pays de la zone euro dépassent le seuil des 3% de déficit courant par rapport au PIB. Ce sont, par ordre décroissant de taux de déficit : La France (-3,7), l’Allemagne 3,6), Les Pays-Bas (-3,5), le Portugal -3,4), la Grèce (-3,2), l’Italie (-3,2). Une règle non suivie est-elle crédible ? Est-elle tout simplement utile ?

Le PSC s’inscrit dans le cadre général de la surveillance multilatérale accompagnant la gestion de la monnaie unique. Chaque année, chaque membre de la zone euro transmet son programme de stabilité à la Commission. Il présente l’état de ses finances publiques, dans une perspective tri annuelle. La Commission examine alors si les informations répondent aux exigences du PSC, notamment un déficit public et une dette publique respectivement inférieurs à 3 et 60 % du PIB. Le PSC prévoit également une norme qui souligne le rôle attendu des stabilisateurs automatiques. Le solde budgétaire courant sur le cycle doit être en moyenne en excédent ou proche de l’équilibre. Cela signifie que des déficits enregistrés durant le bas du cycle doivent être compensés par des soldes excédentaires durant le haut de cycle.

La procédure d’alerte rapide, lancée par la Commission, et qui est validée par le Conseil Ecofin, prévient des risques imminents de dérapages. Lorsque, malgré les alarmes, les seuils de 3% et 60% sont dépassés, la Commission met en œuvre la procédure de déficit excessif. Là encore, celle-ci ne devient effective qu’après validation du Conseil Ecofin. L’État concerné doit corriger les dépassements dans l’année. S’il ne suit pas ces recommandations, la sanction, décidée par le Conseil Ecofin, peut aller jusqu’à une amende.

Dès l’origine, on a beaucoup discuté la pertinence des règles imposées par le PSC. La confrontation à la réalité des déficits a intensifié les débats. Le ralentissement brutal de l’économie de la zone euro, depuis le deuxième semestre 2000 jusqu’à la timide reprise fin 2003, a bousculé les finances publiques des États membres. Les seuils sont dépassés, y compris en Allemagne, pays qui avait ardemment justifié le PSC. Dans les faits, le Pacte est donc de moins en moins respecté. Sa rigidité est d’ailleurs dénoncée par le Président de la Commission Romano Prodi le 18 octobre 2002 : « le PSC est stupide comme toutes les décisions qui sont rigides ».

Déjà en septembre 2002, la Commission faisait des propositions d’aménagements. Elle souhaite remplacer le solde budgétaire courant par le solde structurel pour remplir la norme de l’équilibre budgétaire à moyen terme. Par définition, ce solde structurel corrige les incidences des variations du cycle présentes dans le solde courant. La nouvelle règle prévoit un solde structurel nul. Mais elle conserve l’exigence des 3% du PIB pour le solde budgétaire courant. Le but ici est de valoriser le jeu des stabilisateurs automatiques. Le Conseil Ecofin a entériné cette proposition le 7 mars 2003. Mais les critiques du Pacte continuent.

Le premier pays frappé d’un procédure de déficit excessif fut le Portugal, le 5 novembre 2002. On accepta cette vigilance salutaire pour soutenir la crédibilité de la zone euro. Par contre, tout ce complique lorsque, après des alertes rapides non suivies d’effets, le Conseil engage des procédures de déficit excessif à l’encontre des deux plus importants membres de la zone euro : l’Allemagne, le 23 janvier 2003, et la France, le 3 juin 2003. Ces deux pays s’avèrent incapables de respecter le Pacte à la lettre dans un contexte où leurs économies nationales sont au plus bas du cycle et où le chômage pèse lourdement sur le climat politique et social. On se dirige vers une impasse.

La France et l’Allemagne reçoivent alors le soutien de l’Italie et du Luxembourg, puis du Portugal, pour trouver une porte de sortie. Le 25 novembre 2003 le Conseil Ecofin rejette les recommandations de la Commission adressées aux deux pays dans le cadre de la procédure de déficit excessif et décide de mettre entre parenthèses la procédure engagée.

La mécanique du PSC est désormais enrayée. Cette solution ne plaît pas aux partisans de la rigueur budgétaire, notamment la BCE, et irrite la Commission gardienne des traités. Cette dernière saisit, le 14 janvier 2004, la Cour de justice des Communautés européennes. Elle lui demande de statuer sur la validité de la décision du Conseil du 25 novembre.

Le 17 février 2004 le Président de la Cour de Luxembourg indique dans une ordonnance, que le recours de la Commission présente « une urgence particulière ». Et le jugement de la Cour tombe le 13 juillet 2004. Il stipule que « le Conseil ne peut s’écarter des règles établies par le traité ni de celles qu’il s’est lui même imposées... ». Pour la Cour, le Conseil Ecofin peut décider de changer les règles du Pacte. Mais il ne lui appartient pas d’enfreindre celles qui sont applicables.

Cette décision de la Cour a naturellement relancé les propositions de réforme en vue d’assouplir les règles du PSC. Dans ce contexte, il apparaît judicieux d’attendre les réformes plutôt que de reprendre l’épineux dossier concernant l’Allemagne et la France. Et en effet, le Commissaire aux affaires économiques, Joachim Almunia, de la nouvelle Commission présidée par José Manuel Barroso a clairement indiqué qu’il ne souhaite pas réouvrir les procédures de déficit excessif contre l’Allemagne et la France, gelée le 25 novembre 2003, jusqu’à la conclusion des réformes du PSC.

La Commission, chargée de faire des propositions, les a rendues publiques le 3 septembre 2004. Elles s’inspirent de plusieurs thèmes : améliorer la qualité des informations économiques, prendre mieux en compte les cycles conjoncturels, donner plus d’importance aux dettes publiques, accroître la coordination des politiques économiques.

On peut ici déceler une double avancée : une lecture plus économique du PSC, mais aussi la volonté de sortir le PSC de son contexte originel de la surveillance multilatérale pour l’introduire dans la dynamique de la coopération et de la gouvernance économique.

Les propositions de la Commission ont été qualifiées dans la conférence de presse de présentation de son Président Romano Prodi, toujours en exercice le 3 septembre, de a bon compromis entre réalisme politique et santé économique. Quatre volets sont à retenir. On notera que la question des seuils symboliques chiffrés n’est pas revisitée.

  1. L’aspect préventif du Pacte doit être accru à travers une amélioration des données statistiques, une plus grande pression collégiale des pairs, une prise en compte plus importante du solde structurel.
  2. La « soutenabilité » de la dette publique doit avoir plus de poids dans l’appréciation de la situation financière.
  3. La notion de « circonstances exceptionnelles » est à revoir. Rappelons qu’elle permet à un État de s’affranchir, pour une durée bien limitée, des contraintes du PSC. Jusqu’ici il fallait avoir enregistré un recul annuel du PIB de 2%.
  4. La coordination entre les politiques budgétaires devra progresser gråce à l’instauration d’un « semestre communautaire » où les Etats s’accordent sur des objectifs convergents et d’un « Semestre national » où chaque Etat décline sa politique à la lumière des décisions communes.

Le Conseil Ecofin, réuni aux Pays Bas les 11 et 12 septembre 2004, a réagi positivement aux propositions de la Commission. Toutefois, il met en garde face aux tentations d’élargir la notion de circonstances exceptionnelles et/ou d’allonger les délais accordés pour réduire les déficits. Par ailleurs, le Conseil a rappelé que les politiques budgétaires doivent veiller à intégrer la Stratégie de Lisbonne.

La décision concernant la révision du PSC appartient au Conseil Ecofin. Elle est prévue pour le printemps 2005. En attendant, les Ministres ont demandé au Comité économique et financier qui réunit les Directeurs du Trésor de mettre en forme les dispositions finales.

Toujours des blocages vers l’harmonisation fiscale

La réunion des ministres Ecofin des 11 et 12 septembre 2004 a également posé la question de l’harmonisation fiscale. L’ambition est modeste puisqu’il s’agit de réfléchir simplement à l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Pour avancer, la création d’un groupe de travail a été proposée. Certaines réactions furent immédiates : le Royaume Uni n’y participera pas. Mieux, le chancelier de l’échiquier Gordon Brown a affirmé que la concurrence fiscale entre États était « saine ». Le chemin est donc encore long, pour ne pas dire bloqué.

On pourrait souhaiter que la voie vers l’harmonisation fiscale passe par des coopérations renforcées. Le traité constitutionnel les prévoit. Une coopération renforcée doit : réunir au moins un tiers des États membres, viser à la réalisation des objectifs de l’Union, concerner des domaines qui ne sont pas de la compétence exclusive de l’Union (art. I. 43). Mais nous percevons deux difficultés à la lecture des textes

D’abord, une coopération renforcée ne peut pas constituer une entrave ou une discrimination aux échanges entre États membres de même qu’elle ne peut pas provoquer des distorsions de concurrence (art. III. 322). Le risque est ici d’analyser l’harmonisation fiscale entre les « coopérants » comme une discrimination vis à vis des autres États membres.

Ensuite, toute mesure touchant à l’harmonisation fiscale requiert l’unanimité (art. 111.62). Il faudrait donc l’unanimité du Conseil pour accepter une coopération renforcée en la matière.

Monsieur Eurogroupe ou l’entrée du politique

Il y aura un président de l’Eurogroupe le 1er janvier 2005. Certes, l’Eurogroupe est encore aujourd’hui informel, néanmoins ce choix constitue une avancée politique. La décision a été prise par les ministres Ecofin de la zone euro à la réunion précitée des 11 et 12 septembre 2004. Le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a été désigné pour remplir cette fonction. Son mandat est de deux ans, alors que le traité constitutionnel, qui reconnaît pour la première fois juridiquement l’Eurogroupe dans un protocole spécifique, introduit un mandat de deux ans et demi.

Au-delà de la forte personnalité de Monsieur Juncker cette résolution est intéressante. Elle permet aux ministres des finances de la zone euro d’être représentés dans la durée et de parler d’une voix unique et plus forte dans les instances internationales, mais aussi face à la Commission et la BCE. Son rôle sera important au cours du semestre communautaire qui doit introduire des comportements plus coopératifs entre les États de la zone euro. On peut en particulier souhaiter qu’une de ses premières tâches soit d’être le porte parole politique des Ministres dans la réforme du PSC prévue pour 2005.

Pour conclure

La coordination coercitive par la règle imposée par les dispositions actuelles du PSC démontre ses limites. Elle n’est pas assez différenciée au regard des situations économiques de chaque État membre ; elle évince trop le politique ; elle n’incite pas assez à « jouer européen ». Un véritable policy mix européen nécessite à la fois plus d’intégration politique et une reconsidération des objectifs stratégiques de la BCE. Nous n’en sommes pas encore là. Pour le moment, il faut se satisfaire d’une double avancée : un assouplissement du PSC afin de mieux intégrer la réalité des situations économiques, un pilotage plus européen et plus politique de la coordination économique grâce à l’Eurogroupe. Le souhait d’aller plus loin nous renvoie aux perspectives ouvertes par le traité constitutionnel. Mais ceci entame d’autres débats.

Pour aller plus loin

Bourrinet Jacques, Le Pacte de stabilité et de croissance, Que sais-je ? N°3706, 2004.

Les chapitres : 2 (Diana Giuseppe et Zimmer Blandine), 3 (Dai Meixing et Sidiropoulos Moïse) et 4 (Lang Gérard) dans Les politiques économiques européennes, Dévoluy Michel (dir.), Points Seuil, 2004.


[1Trois explications sont souvent mises en avant pour justifier l’avance des États-Unis : des investissements plus élevés qui accroissent la productivité du travail et du capital, un plus fort taux d’emploi de la population en âge de travailler et un taux de chômage structurel plus faible.

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