Éditorial — Lorsqu’on téléphone à l’Europe on aimerait avoir un seul interlocuteur
Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).
La formule est connue : lorsqu’on téléphone à l’Europe on aimerait avoir un seul interlocuteur. De la même façon, quand on parle de l’Europe on souhaiterait connaître son modèle socioéconomique. La réponse est complexe.
Mot-clef : modèle économique et social européen.
Citer cet article
Michel Dévoluy « Éditorial — Lorsqu’on téléphone à l’Europe on aimerait avoir un seul interlocuteur », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 15, 1 - 2, Hiver 2006.
La formule est connue : lorsqu’on téléphone à l’Europe on aimerait avoir un seul interlocuteur. De la même façon, quand on parle de l’Europe on souhaiterait connaître son modèle socioéconomique. La réponse est complexe.
Il existe en effet plusieurs systèmes de protection sociale selon les pays membres. De plus, l’Europe véhicule un modèle de référence implicite qui prend nettement ses distances vis-à-vis de l’Etat providence et privilégie la concurrence entre les systèmes nationaux. Dans ce contexte, chaque Européen continue à s’identifier, avant tout, à son système social national. Celui-ci est le produit de l’histoire et des choix collectifs qui se sont sédimentés au cours du temps. Il demeure par conséquent le cadre protecteur de référence. Parallèlement, une forme de défiance s’installe face à l’Europe. D’une part, elle apparaît insuffisamment protectrice face à la globalisation et, d’autre part, elle ne produit pas des performances économiques très brillantes en matière de chômage et de croissance, notamment pour la zone euro.
Dans ce numéro du Bulletin de l’Opee, nous avons voulu proposer quelques réflexions sur le modèle économique et social européen et sur ses perspectives d’évolution. Une brève approche historique rappelle que, depuis l’origine et jusqu’à aujourd’hui, la construction européenne se situe entre un projet d’unification politique et la simple élaboration d’un grand marché. Cette ambivalence nous aide à comprendre les limites actuelles de l’architecture des politiques économiques et éclaire les interrogations portées sur le modèle social (Michel Dévoluy).
La séparation entre l’économique et le social caractérise le modèle européen. Cette dichotomie s’est accentuée avec le marché unique et l’euro. Parallèlement, l’Europe présente des performances économiques modestes et produit un système instable. La question se pose alors de savoir si des évolutions sont possibles dans le cadre institutionnel actuel ou si des changements plus importants s’imposent (Gilbert Koenig).
La politique de la concurrence, en prenant notamment l’exemple de la directive sur les services (dite Bolkenstein), offre une très bonne illustration des enjeux soulevés par le modèle économique et social européen. Des questions sur les conséquences de la concurrence et sur la place des services publics demeurent encore ouvertes. Mais il faut ici éviter la tentation de laisser la Cour de justice des Communautés européennes régler les points conflictuels. Les réponses de fond relèvent de choix politiques fondamentaux (Damien Broussolle).
Les problèmes liés à l’introduction de l’euro dans les nouveaux Etats membres de l’UE révèlent eux aussi la diversité des modèles socio économiques. Une approche institutionnaliste montre que, pour ces pays, le chemin vers l’adoption de la monnaie unique est encore long et que les critères de convergence prévus à Maastricht ne suffisent pas. En la matière, les nouveaux entrants doivent se garder de toute précipitation vers le modèle dominant (Eric Rugraff).
Les articles rassemblés dans ce Bulletin soulignent que la constitution d’une identité européenne passe par le rôle fédérateur des politiques économiques et sociales. Or le poids important donné par l’Union aux mécanismes de marché éveille des risques d’antagonismes nationaux contraires aux ambitions affichées d’une Europe plus unie. Pour faire progresser l’intégration, il est important d’admettre que les Etats membres n’ont pas tous les mêmes attentes face à la construction européenne. Plutôt que de rechercher, avant tout, le plus petit dénominateur commun à l’Union en matière de modèle économique et social, il vaudrait mieux accepter le principe d’une Europe à plusieurs vitesses. La constitution d’un noyau dur, sur la base de la zone euro, aurait le double avantage de permettre un meilleur pilotage de l’économie et de cimenter les fondements d’une union politique. Dans le cas contraire, l’Europe restera fragile car insuffisamment puissante et protectrice.
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