Editorial — Dépassons nos frontières

Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).

L’Europe se trouve lourdement confrontée à des flux migratoires d’ampleurs exceptionnelles et à des attentats terroristes abjects et dévastateurs : que faire ? Les peurs, les incompréhensions, les frustrations et les colères qui en découlent conduisent aisément sur la pente des replis nationaux. Ces sentiments sont ancrés dans une vision du monde où l’Etat-nation représente l’espace public et collectif indépassable.

Mot-clef : union politique.

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Michel Dévoluy « Editorial — Dépassons nos frontières », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 33, 1 - 2, Hiver 2015.

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L’Europe se trouve lourdement confrontée à des flux migratoires d’ampleurs exceptionnelles et à des attentats terroristes abjects et dévastateurs : que faire ? Les peurs, les incompréhensions, les frustrations et les colères qui en découlent conduisent aisément sur la pente des replis nationaux. Ces sentiments sont ancrés dans une vision du monde où l’Etat-nation représente l’espace public et collectif indépassable. La nation seule serait la mieux armée pour venir à bout de ces immenses problèmes. Or le monde a changé et, surtout, l’Europe est là. Désormais c’est vers l’Europe qu’il faut se tourner pour relever ces nouveaux défis.

Demander plus d’Europe alors que celle-ci déçoit sur le plan économique peut sembler incongru. Mais pas du tout. Au contraire, la zone euro fonctionne mal car nous n’avons pas osé franchir le pas de l’union politique. Et c’est bien d’une union politique dont nous avons également besoin face aux risques d’attentats et aux questions migratoires. Aujourd’hui, il faut le rappeler sans cesse, les Etats européens sont ouverts, de petites dimensions à l’échelle du monde et très interdépendants. Aucune nation européenne ne peut affronter les flux de réfugiés de façon isolée. Aucune nation européenne ne peut gérer sa sécurité intérieure seule. En conséquence, l’Europe doit se doter d’une véritable frontière commune, d’un service d’immigration unique et d’un système homogène de renseignement intérieur. Pour être complet et cohérent, l’Europe doit aussi accepter une défense commune. En bref, la sécurité intérieure et extérieure de chaque Etat de l’UE s’inscrit inéluctablement dans une logique communautaire. Confier ces missions aux seuls Etats-nations est devenu une idée dépassée et, pour tout dire, dangereuse.

Mais il y a plus encore. La plupart des citoyens européens souhaitent cultiver nos valeurs de vivre ensemble de façon apaisée et consolider nos idéaux démocratiques. Nous devons penser en commun, et dans l’intérêt de tous, des modes de vie qui apprivoisent les révolutions technologiques et les enjeux environnementaux. De même, nous sommes confrontés à une géopolitique où seuls les ensembles lisibles, forts et sûrs d’eux-mêmes compteront dans le futur. Clairement, aucun Etat européen ne réussira tout seul. L’union fait la force et force le respect, on le sait bien. Nous avons eu la chance et l’audace de lancer après guerre une construction que le monde nous envie et dont nous devons être fiers. Ne soyons pas timorés, mais ambitieux. Affichons notre volonté de construire un espace politique exemplaire, apaisé et respecté. Corrigeons avec détermination les insuffisances actuelles de l’Europe et allons de l’avant. Ne cultivons pas des frontières géographiques, mentales, culturelles, économiques et politiques qui ne sont plus à l’échelle des défis présents et à venir.

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