L’économie du bonheur : quelques faits saillants et données empiriques en Europe

Laëtitia Dillenseger, Université de Strasbourg (BETA).

Francis Munier, Université de Strasbourg (BETA).

L’objet de cet article est de présenter brièvement l’économie du bonheur, avec quelques données empiriques en Europe. Nous évoquons les prémices de cette approche, la question de la mesure du bonheur et son application au niveau des politiques économiques.

Mots-clefs : bien-être subjectif, dolce vita (Hygge), économie du bonheur.

Citer cet article

Laëtitia Dillenseger , Francis Munier « L’économie du bonheur : quelques faits saillants et données empiriques en Europe », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 39, 45 - 55, Hiver 2018.

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Force est de constater que l’économie du bonheur connaît un succès grandissant, tant auprès des chercheurs, des individus que des institutions. L’accroissement du nombre de revues et de publications, d’initiatives de certains gouvernements et d’institutions permet de s’en convaincre. Cette reconnaissance n’implique pas pour autant consensus ; ainsi pour certains, les économistes ne devraient pas tant se réjouir des recherches sur le bonheur (Barrotta 2008, Illouz et Cabanas 2018) alors que pour d’autres, le bonheur révolutionne l’analyse économique (Frey 2008). La coexistence entre « l’happycondriaque » et le révolutionnaire du bonheur, ou encore le « surfeur opportuniste de la vague du bonheur » ne doit cependant pas occulter le sérieux des recherches sur le bonheur et l’émergence d’une véritable science du bien-être subjectif.

Nous présentons les prémices de l’économie du bonheur, pour ensuite nous interroger sur la question de la mesure du bonheur et l’utilisation de résultats dans la mise en œuvre de politiques économiques. Nous conclurons par la présentation de données empiriques en Europe.

Les prémices de l’économie du bonheur

Les auteurs classiques se sont intéressés à la question du bonheur (Bruni et Porta 2007), mais c’est surtout l’article séminal de l’économiste américain Easterlin (1974) qui marquera l’émergence de l’approche contemporaine de l’économie du bonheur. L’auteur analyse la relation entre la croissance du PIB par habitant et le bonheur (mesuré par la satisfaction de la vie) des citoyens.

Le résultat montre un paradoxe qui se traduit par le contraste entre deux faits stylisés : dans un pays à un moment donné, les personnes les plus riches sont en moyenne plus heureuses. Or, dans ce même pays au fil du temps, lorsque tout le monde s’enrichit, les individus ne sont pas devenus plus heureux. Autrement dit, dans un cadre statique plus de revenu rend plus heureux, mais dans une perspective dynamique, il n’existe pas de lien entre bonheur et revenu. Ce résultat donne naissance au paradoxe éponyme : le paradoxe d’Easterlin. L’auteur a émis l’hypothèse qu’il y avait deux facteurs défavorables à l’impact du revenu sur le bonheur. Le premier facteur est la comparaison sociale au sens où si les autres individus s’enrichissent, cela réduit d’autant plus l’effet d’un revenu donné sur le bonheur de l’individu. Et si dans le cas extrême, les individus ne se soucient que de leur revenu relatif, alors la croissance économique ne peut pas apporter d’augmentation globale du bonheur. Les variations de revenus sont aussi sujettes à un processus de comparaison sociale. Si le revenu augmente proportionnellement moins que le revenu de collègues, le gain généré en termes de bien-être subjectif sera moindre (Wolbring et al. 2013). Ainsi, le bien-être subjectif est sujet à des effets de comparaison par rapport à la situation de groupes de références, tels que la famille, les amis, les collègues.

Notons que l’importance du revenu relatif sur le bonheur est remise en cause notamment par Stevenson et Wolfers (2008) qui suggèrent, a contrario, que le revenu absolu joue un rôle majeur dans la détermination du bien-être et que les comparaisons nationales offrent peu de preuves pour étayer les théories du revenu relatif.

L’autre facteur est l’adaptation : la jouissance d’un revenu donné est plus faible que le revenu précédent, en raison de l’accoutumance. L’augmentation de la croissance s’est accompagnée d’une élévation générale des aspirations individuelles, supplantant le gain de bien-être qu’elle aurait pu procurer. Cette découverte remet en question les politiques publiques orientées vers un objectif unique de croissance et soulève la nécessité de développer l’analyse du bien-être subjectif pour éclairer les prises de décisions politiques.

Une hausse de revenu est désirée par la plupart des individus. Cependant, lorsque le revenu augmente, le bien-être varie uniquement à court terme pour retrouver son niveau initial quelques temps après. La hausse initiale de revenu permet d’accéder à de nouveaux biens de consommation mais ensuite les aspirations s’élèvent, pour un désir de nouveaux biens de consommations plus luxueux, ce qui rétablit l’écart entre les aspirations et les possibilités de consommation offerte par le revenu actuel.

L’année 1974 correspond également à la création de la revue Social Indicator Research dédiée surtout aux articles consacrés au bien-être subjectif. A la même époque, l’analyse du bien-être subjectif en Europe connaît aussi ses prémices aux Pays-Bas, avec les travaux qui proposent une mesure subjective du revenu (Van Praag 1971) et de la pauvreté (Goedhart et al. 1977). Face au constat que la croissance économique n’apporte pas nécessairement plus de bien-être, Layard (1980) s’interroge sur la manière dont les résultats empiriques, mis en avant par la mesure du bien-être subjectif, peuvent mener à des conclusions orientant les politiques publiques .

Ces premiers travaux sont importants mais il faudra cependant attendre une quinzaine d’années avant que le bien-être subjectif soit davantage étudié par les économistes. Dans les années 1990, les travaux de Clark et Oswald vont plus largement contribuer à la reconnaissance des indicateurs de bien-être subjectif en économie. En montrant empiriquement que les chômeurs sont moins heureux que les personnes occupant un emploi, ils réfutent l’argument classique du chômage volontaire (Clark et Oswald 1994). Ces recherches vont induire une augmentation importante du nombre de publications avec notamment la création en 2000 d’une revue spécialisée, The Journal of Happiness Studies.

La mesure du bonheur

Les économistes du bonheur sont sans doute également victimes d’une « drogue pantométrique » (Aubin 2010) qui consiste à tout mesurer en oubliant que pour mesurer quelque chose il faut que cette chose ait une unité de mesure. Cela dit, toute étude est importante, mais à condition d’avertir que faute d’unité de mesure, la valeur exprimée en nombres réels n’a pas plus de sens que la pseudo unité utilisée pour justifier la pseudo-valeur. Comme, par exemple, Blanchflower et Oswald (2004) qui estiment l’activité sexuelle régulière annuelle d’un couple à 50 000 dollars.

L’économie du bonheur se trouve à la frontière entre la psychologie, la sociologie, l’économie et la philosophie. Les publications dans ce domaine sont principalement empiriques. Elles visent à éclairer les questions économiques sur la base du bien-être subjectif, et à identifier les déterminants de ce dernier.

C’est un truisme d’annoncer que chacun recherche le bonheur et qu’il est pourtant très difficile d’en donner une définition consensuelle. La philosophie de la Grèce antique distingue l’hédonisme et l’eudémonisme. La première école considère une vie heureuse emplie de plaisirs sans douleurs alors que l’eudémonisme considère, notamment avec Aristote, une « vie bonne » en accord avec soi-même à la recherche de la sagesse et de la morale. Cette distinction entre le plaisir et l’épanouissement perdure aujourd’hui dans les débats sur le bien-être.

D’après Veenhoven (2000), l’évaluation subjective du bien-être dépend du niveau général d’émotions ressenties, comme la joie, la sérénité, l’inspiration, et d’un processus d’évaluation cognitive de l’écart entre la situation actuelle et les aspirations d’un individu. Ceci implique une comparaison de la vie à un moment donné avec la vision d’une vie idéale.

Le niveau général d’émotions ressenties est à distinguer de l’humeur. L’individu ressent divers types d’humeur : calme, agité, stressé, etc. Chacun de ses états est caractérisé par un mélange d’expériences affectives. Le niveau d’émotions ressenties concerne uniquement des sentiments agréables et peut être évalué sur différents intervalles temporelles.

L’indicateur le plus communément utilisé par les économistes est l’indicateur synthétique de la « satisfaction dans la vie » (Dolan et al. 2011) [1]. Cette évaluation du bien-être subjectif est la plus répandue car elle est facilement utilisable par les pouvoirs publics, et présente dans la plupart des enquêtes nationales et internationales [2]. Gallup world Poll utilise une variante de la satisfaction déclarée : l’échelle de la vie développée par Cantril (1965). Les dimensions affective et cognitive font chacune partie intégrante de ces indicateurs, cependant un débat subsiste sur le poids relatif de ces dimensions [3]. D’autres mesures synthétiques sont fondées sur des questions multiples. Par exemple, le PANAS (Positive and Negative Affect Scale, Watson, Clark et Tellegen 1998) est un indicateur à questions multiples mesurant le degré d’émotions positives et négatives ressenties (voir aussi Diener et al. 1985).

D’autres évaluations tentent de mesurer la dimension hédonique du bonheur : Le Day Reconstruction Method (DRM) et L’Experience Sampling Method (ESM). Kahneman et al. (1997) démontrent que l’évaluation rétrospective de l’utilité expérimentée, mesurée par la satisfaction dans la vie, comporte un biais systématique, présenté par le peak and end theory. Les moments les plus intenses et la fin d’une expérience vécue déterminent l’évaluation de l’utilité expérimentée. En revanche, la durée de l’expérience n’entre pas en compte dans l’utilité remémorée. Pour pallier ces biais, il propose une mesure de l’utilité instantanée à travers le DRM (Kahneman et al. 2004). Cette méthodologie consiste à demander aux participants de reconstruire systématiquement leurs activités et expériences du jour précédent, avec une procédure visant à minimiser les biais liés à l’évaluation rétrospective d’expériences. Une méthodologie similaire est l’ESM (Larson et Csikszentmihalyi 1983). Les participants doivent reporter leurs pensées, émotions, comportements et environnements à plusieurs reprises et de manière aléatoire sur une période allant d’une à quatre semaines.

En résumé, nous retenons que les mesures les plus génériques sont la satisfaction de la vie déclarée et l’échelle de la vie. D’autres mesures, plus couramment utilisées par les psychologues, permettent de jauger les émotions ressenties lors d’expériences données (ESM et le DRM).

Les avantages et les limites des indicateurs de bien-être subjectif

L’estimation de relations entre des facteurs socio-économiques et le bien-être subjectif peut comporter divers biais. Ces biais posent la question de la comparabilité inter-temporelle et entre pays des données sur le bien-être subjectif. Par ailleurs, le bien-être subjectif est sujet à des phénomènes d’adaptation et de comparaisons sociales qui peuvent limiter son pouvoir normatif sur l’élaboration des politiques publiques.

Bond et Lang (2018) reproduisent certains résultats clés de la littérature du bonheur comme le paradoxe d’Easterlin, la relation en forme de U entre le bonheur et l’âge, l’impact de la relation entre l’inflation et le chômage sur le bonheur, les comparaisons entre pays, l’impact du mariage et des enfants sur le bonheur, le paradoxe du bonheur féminin en déclin, ou encore l’effet du handicap sur le bonheur. Ils montrent qu’aucune des constatations ne peut être obtenue en s’appuyant uniquement sur une identification non paramétrique. Les découvertes dans la littérature sont fortement dépendantes des croyances sur la répartition sous-jacente du bonheur dans la société, ou la fonction de bien-être social que l’on choisit d’adopter. En outre, toutes les conclusions tirées de ces approches paramétriques reposent sur l’hypothèse que toutes les personnes déclarent leur bonheur de la même manière.

La comparabilité inter-temporelle des indicateurs de bien-être subjectif est sujette à critique. Schwarz et Strack (1999) montrent que l’évaluation du bien-être subjectif est potentiellement influencée par ce qu’une personne a vécu un peu plus tôt dans la journée ou son humeur au moment de remplir le questionnaire. Ils constatent, par exemple, que lors d’entretien téléphonique les personnes évaluant leur satisfaction dans la vie un jour de pluie reporte un bien-être subjectif plus faible que celles interrogées lors d’un jour ensoleillé. Une autre expérience montre que la victoire de la coupe du monde par l’Allemagne en 1982 a affecté la satisfaction dans la vie des allemands interrogés ce même-jour, mais pas leur satisfaction avec leur travail ou leur revenu.

Ainsi, l’état affectif d’une personne et divers facteurs contextuels peuvent affecter l’évaluation de son bien-être. Or, les techniques économétriques ne permettent pas de capter l’humeur d’une personne à un moment donné contrairement aux traits de personnalités invariables mesurables à l’aide des données de panels.

L’ordre dans lequel les questions sont posées dans l’enquête peut aussi influencer l’évaluation générale de la satisfaction dans la vie. Par exemple, Schwarz et Strack (1999) trouvent que la corrélation entre la satisfaction avec la vie conjugale et la satisfaction avec la vie en générale augmente significativement lorsque la question sur la satisfaction maritale est posée en amont de la question sur la satisfaction dans la vie. Si les données sur le bien-être subjectif sont collectées lors d’un entretien téléphonique ou d’une interview avec un enquêteur, les personnes interrogées peuvent feindre d’être satisfaites de leur vie pour cacher leur faiblesse ou leur mal-être. On parle alors d’un biais de désirabilité sociale (Bertrand et Mullainathan 2001).

La question de la possibilité de mobiliser l’intégralité des informations pertinentes à l’évaluation de sa vie est aussi pertinente. Les expériences de Schwarz et Strack (1999) montrent que les personnes à qui l’on demande de se remémorer trois événements positifs récents, plutôt que des événements négatifs, tendent à évaluer leur satisfaction dans la vie plus favorablement.

En résumé, l’évaluation individuelle du bien-être subjectif peut dépendre de l’ordre des questions, de l’échelle utilisée, de l’humeur du jour, du processus de sélection des informations et/ou de l’envie de paraître socialement désirable. Ces points peuvent être perçues comme un frein à l’exploitation des données subjectives. Frey et Stutzer (2002) questionnent la pertinence de ces biais par rapport à l’objet d’analyse de l’économie du bonheur. En considérant que les données sur le bien-être subjectif ne sont généralement pas utilisées pour comparer les niveaux de bien-être entre différentes personnes, mais plutôt pour identifier les déterminants du bonheur, il n’est ni nécessaire d’assumer que la mesure du bien-être subjectif est cardinale, ni indispensable qu’elle permette des comparaisons inter-personnelles. Économétriquement, le bien-être subjectif peut être traité comme une variable ordinale, tel qu’un score de bien-être plus élevé reflète un plus grand bien-être.

De même, Ferrer-i-Carbonell et Frijters (2014) ont démontré que le traitement de la satisfaction dans la vie comme variable cardinale ou ordinale génèrent des estimations similaires. Sandvik et al. (1993) prouvent que différentes mesures du bien-être subjectif sont fortement corrélées entre elles et avec l’évaluation par une personne externe de notre bien-être.

L’environnement d’un individu et ses caractéristiques génétiques interagissent de manière complexe pour définir son niveau de bien-être (Nguyen et al. 2010). Des neuroscientifiques ont observé un lien fort entre le niveau de bien-être déclaré et le niveau de neurotransmetteurs, comme la dopamine et la sérotonine présentes dans le cerveau. Ainsi, les gènes semblent jouer un rôle primordial dans la régulation du niveau de ces neurotransmetteurs qui affectent les émotions et l’humeur. Les facteurs génétiques expliquent environ la moitié du bien-être déclaré, 30 % serait déterminés par l’environnement et les événements auxquels les personnes font faces, seuls 20 % serait liés à nos comportements (Lyubomirsky 2014).

Ces résultats confortent l’idée d’un « genetic set point  » autour duquel le niveau de bien-être varie. Ainsi, chacun a un niveau de bien-être prédéfinis par notre génétique pouvant être affecté par les accidents et plaisirs de la vie. De plus, des tests de validité de la mesure du bien-être subjectif révèlent que l’activité électrique cérébrale et la fréquence cardiaque expliquent une part substantielle de la variance des affectes négatifs reportés (Davidson et al. 2000).

Des études de fiabilité indiquent que le bien-être subjectif est relativement stable et sensible à différents événements de la vie (Ehrhardt et al. 2000). Blanchflower et Oswald (2008) mettent en avant l’existence d’une relation en forme de U entre l’âge et le bien-être subjectif. Le bonheur est généralement élevé lors de la période de jeunesse puis décline progressivement pour atteindre un minimum autour d’un âge moyen de la vie, et ensuite le bonheur augmente. Cette relation apparaît dans soixante-douze pays indépendamment de l’environnement économique et social des individus. D’autres recherches montrent que ce phénomène est présent chez les grands singes (Frey et Stutzer 2001). Cette découverte suggère que « the U-shaped well-being » n’est pas uniquement dû à des facteurs liés à notre environnement, mais aussi aux caractéristiques génétiques.

Diverses études prouvent que le chômage a un impact néfaste sur le bien-être (Luhmann et al. 2012, Clark et al. 2008, Lucas et al. 2004). D’après cette littérature, les coûts psychologiques engendrés par le chômage dépassent la baisse de revenu généré par la perte d’un emploi. En effet, les chômeurs font face à une perte d’estime et un sentiment de perte de contrôle sur leur vie pouvant générer une phase dépressive. Ainsi, le chômage diminue durablement le bien-être déclaré d’un individu, de sorte qu’il ne reviendra pas à son niveau de bien-être initial.

Diener (1984) conclut que la mesure du bien-être subjectif semble contenir une part substantielle de variance valide.

Ces constats conduisent Frey et Stutzer (2002) à légitimer l’usage du bien-être subjectif déclaré comme variable latente du bonheur.

L’analyse économétrique des déterminants du bien-être subjectif n’est pas sans poser un problème. En effet, des variables non observées peuvent expliquer à la fois des variables d’intérêts et la satisfaction dans la vie. Certaines caractéristiques individuelles, telles que la sociabilité, l’extraversion, peuvent à la fois augmenter la probabilité d’être heureux et la probabilité de se marier ou d’obtenir un emploi. Par exemple, les personnes mariées reportent une satisfaction dans la vie plus élevée (Luhmann et al. 2012). Une personne extravertie peut être plus heureuse et avoir plus de chance de se marier qu’une personne introvertie, mais il est possible que le mariage ne rende pas plus heureux. Dans ce cas, l’estimation peut être biaisée. Cependant, l’analyse du bien-être déclaré fondée sur des données de panel permet de remédier partiellement à ce problème en contrôlant l’estimation par des caractéristiques individuelles invariantes, telle que la personnalité.

Des problèmes d’auto-sélection peuvent aussi survenir dans l’estimation du bien-être déclaré. Par exemple, d’Addio et al. (2014) trouvent que les parents prenant un congé parental sont plus heureux. Dans ce cas, il est possible qu’une personne dont la satisfaction augmente soit plus encline à prendre du temps libre pour partager des moments avec ses enfants. A l’inverse, une personne passant par une phase dépressive peut préférer s’échapper de ses problèmes personnels en se réfugiant dans le travail. Il est alors difficile d’estimer la relation causale entre bien-être subjectif et congé parental. Selon le contenu des données analysées, il est possible de pallier ce biais en utilisant des techniques économétriques telles que la « propensity score matching » (Titus 2007).

En résumé, nous avons énuméré une série de problèmes liés à la comparabilité inter-temporelle de la satisfaction déclarée : l’influence des émotions et des facteurs contextuels, les différentes échelles utilisées, le biais de désirabilité sociale et les biais potentiels d’endogénéité. Nous avons nuancé l’importance de ces biais et mis en avant des outils méthodologiques permettant de les surmonter. Une autre problématique demeure sur la pertinence de la comparabilité entre pays des données sur le bonheur. Nous reviendrons sur cette question lorsque nous aborderons le bonheur en Europe.

Quelle est l’utilisation « politique » de l’économie du bonheur ?

Le développement des indicateurs de bien-être subjectif et leurs analyses afin d’orienter les politiques publiques devient un enjeu primordial pour les décideurs politiques. Le Rapport « Stiglitz, Sen et Fitoussi » commandé par Nicolas Sarkozy publié en 2009, insiste sur la nécessité de prendre en compte d’autre indicateurs que le PIB dans l’évaluation des politiques publiques. Pour donner suite à ce rapport, l’Union européenne a développé le programme Beyond GDP visant à développer des indicateurs prenant en compte l’évolution des aspects environnementaux et sociaux des pays européens. A ce titre, dix-huit indicateurs sur le bien-être subjectif sont introduits dans l’enquête « European Statistics on Income and Living Conditions  » (EU-SILC – 2013). L’Angleterre a commencé à insérer des indicateurs de bien-être subjectif dans les enquêtes nationales. Ces initiatives montrent que la mesure du bonheur est au cœur des préoccupations des décideurs politiques européens, bien que la question de la portée normative des résultats des indicateurs du bonheur demeure. En cela, l’économie du bonheur est-elle en mesure d’éclairer les débats sur les critères de sélection des politiques à mener ?

L’analyse des données sur le bien-être subjectif à des fins politiques implique de prendre en considération deux phénomènes déjà entrevus : l’adaptation et la comparaison sociale (Davoine 2012). Les individus s’adaptent généralement aux événements adverses et positifs auxquels ils sont confrontés. Les exemples les plus emblématiques de ce phénomène sont ceux des gagnants du loto et des victimes d’accident de la route (Brickman et al. 1978). La dissonance cognitive, l’écart entre nos désirs et la réalité, ne persiste pas durablement. Car les désirs et les préférences évoluent pour s’adapter à la situation actuelle. Il est possible de s’adapter à des événements préjudiciables tout comme à des événements heureux. La psychologie positive a imagé ce processus par un « hedonic treadmill » (Kahneman et Sugden 2005).

Comme nous l’avons montré plus haut, ces processus d’adaptation et de comparaison sociales peuvent être transposés à des phénomènes économiques tels que l’augmentation du revenu. Le caractère adaptatif et social des préférences pose donc la question de leur portée normative. Les décideurs publiques doivent-ils cesser de mettre en place des politiques de préventions routières car les personnes accidentées retrouvent leur niveau de bien-être habituel ? Les politiques publiques doivent-elles arrêter de lutter contre la pauvreté car les personnes dans cette situation s’adaptent à leurs conditions matérielles ?

Certes, l’être humain ne s’adapte pas de manière homogène à tous les événements pouvant survenir dans sa vie. L’objectif de l’économie de bonheur est d’identifier les événements pouvant altérer le bien-être de manière durable. En étant conscient de ces processus d’adaptation et de comparaison sociale, l’augmentation du bien-être peut être considérée comme un des objectifs de la politique publique, tout en reconnaissant l’existence d’autres principes, tels que la liberté, la dignité, la réciprocité ou le mérite (Scanlon 1991).

Bien que la portée normative de l’économie du bonheur soit limitée, ses résultats n’en restent pas moins utiles pour éclairer le débat public. Le but de l’économie du bonheur n’est pas de donner des recommandations politiques précises permettant de maximiser le bonheur du plus grand nombre, mais plutôt d’informer le débat citoyen (Frey et Stutzer 2002). De plus, du fait de son caractère démocratique (au sens où la dimension subjective induit que le bonheur n’est pas imposé par une forme de paternalisme), l’analyse du bien-être subjectif a toute sa place dans les débats portant sur le marché du travail, le rôle de l’État face au dysfonctionnement du marché, l’éducation et les conditions institutionnelles permettant l’épanouissement des citoyens.

Le Cage policy report : Understanding Happiness (Sgroi et al. 2017) cite un ensemble d’études démontrant que les politiques publiques visant à protéger les citoyens contre les fluctuations de l’économie de marché sont bénéfiques au bonheur du plus grand nombre. Les personnes vivant dans des pays où la part des dépenses publiques / PIB est élevée sont plus satisfaites avec leur vie (Radcliff 2013). Des recherches menées par Di Tella, MacCulloch et Oswald (2001) étudiant le niveau de bien-être psychologique d’un échantillon aléatoire comprenant 250 000 Européens et Américains sur la période allant de 1970 à 1990, montrent une corrélation entre le PIB et le bien-être subjectif. Comme l’impact négatif d’une récession sur le bien-être subjectif n’est pas compensé par le gain de bien-être généré lors d’une période de prospérité, l’intervention de l’État permet de compenser le coût psychologique lié à une période de récession. L’augmentation de l’assurance chômage est un moyen d’y parvenir.

Frey et Stutzer (2001) soutiennent l’argument que la gouvernance des institutions est étroitement liée au bien-être. La démocratie directe (via référendum ou débat citoyens) et l’autonomie locale augmentent de manière significative le bien-être déclaré des citoyens. Par ailleurs, des recherches menées sur 49 pays entre 1980 et 1990 suggèrent que les gains de bien-être associés à l’efficacité et la stabilité d’un gouvernement, à des institutions judiciaires légitime et juste, et au contrôle de la corruption institutionnelle sont bien plus importants que ceux générés par l’augmentation de la productivité ou de la croissance économique (Helliwell 2003).

Les résultats de l’économie du bonheur permettent aussi d’éclairer les politiques publiques sur la participation au marché du travail. De nombreuses études démontrent l’impact négatif du chômage sur la satisfaction dans la vie (Luhmann et al. 2012, Clark et al. 2008, Lucas et al. 2004). Les recherches de Kassenboehmer et Haisken-DeNew (2009) indiquent qu’augmenter le revenu des chômeurs compense les coûts monétaires générés par le chômage, mais pas ses coûts psychologiques. Afin d’accroître le bien-être des citoyens, les préoccupations politiques devraient donc être sans doute davantage orientées vers la réinsertion professionnelle (Frey et Stutzer 2002). Une autre question est : Dans quelles mesures une personne à faible revenu peut-elle bénéficier d’une aide financière ? Les recherches sur le bien-être subjectif montrent que des échelles d’équivalence peuvent permettre d’identifier la compensation de revenu nécessaire à différentes familles afin de maintenir un niveau de bien-être constant (Plug et Van Praag 1995).

Et en Europe : Dolce Vita ou Hygge ?

De prime abord, d’aucuns seraient tentés de penser que les Européens du Sud seraient bien plus heureux que ceux du Nord. Les clichés de la Dolce Vita de l’assertion de Cocteau, selon laquelle les italiens seraient des français de bonne humeur, de l’exagération de l’importance du soleil et des plages sur le bien-être, conduisent à ces croyances. En reprenant certains résultats / rapports issus d’enquêtes, nous montrons que la réalité est bien éloignée de ces croyances.

En effet, d’après Gallup world poll (Understanding Happiness Report 2017) certaines nations, telles que la Finlande, la Norvège et le Danemark, sont fréquemment désignées comme les plus heureuses au monde. Ces résultats sont-ils le fruit d’un système de santé, d’éducation, de redistribution et d’une démocratie permettant aux citoyens de s’épanouir pleinement, ou est-ce dû à des différences génétiques, linguistiques ou culturelles ? Prenons le cas du Danemark, il est classé 3ème sur 156 pays. Les hauts revenus des danois, la qualité de leurs instances démocratiques et la qualité de leurs liens sociaux peuvent expliquer ce bon score. Mais il est possible aussi que l’interprétation du mot bonheur pour les danois par « hygge » ne soit pas la même que pour les français ou les allemands. En effet, les mots bonheur et satisfaction ont des traductions subtilement distinctes pour chaque langue. Des études menées sur les suisses parlant le français, l’allemand et l’italien, contredisent toutefois cette idée car ils déclarent un niveau de bien-être subjectif plus élevé que les français, les allemands et les italiens (Sgroi et al. 2017).

Ces résultats suggèrent que les différences de bien-être déclaré entre pays ne sont pas simplement un artefact lié à la traduction du mot bonheur. En revanche, il est possible que la perception du bonheur et la manière dont il s’exprime diffèrent d’un pays à l’autre. Mettons en parallèle le mystère du bonheur danois et du malheur français (Algan, Beasley et Senik 2018). Les personnes qui naissent en France, qu’elles vivent ou non en France, sont moins heureuses que le reste des européens. En revanche, les immigrés français ne sont pas plus malheureux en France que dans un autre pays européen, mais leur bonheur s’amoindrit dans le temps et à travers chaque génération. D’après le Understanding Happiness report (Sgroi et al. 2017), ce phénomène peut s’expliquer, en partie, par la différence de bien-être déclaré entre français et danois. Le rapport conclut en mentionnant que le bien-être d’une nation passe par six facteurs : le PIB, le lien social, l’espérance de vie en bonne santé, la liberté de choisir sa vie, la générosité et la confiance. La richesse d’une nation doit aller de pair avec le respect des droits humains, l’égalité et la liberté pour permettre aux citoyens d’être heureux. Les normes sociales peuvent aussi affecter la manière dont les émotions positives sont perçues comme désirable dans une société.

Qu’en est-il des niveaux globaux de bonheur et de satisfaction de vie en Europe ? La dernière enquête Eurobaromètre a révélé que 83 % des citoyens de l’UE sont « satisfaits » avec la vie qu’ils mènent. Le World Happiness Report de 2017 (Helliwell et al. 2017) montre que les pays nordiques apparaissent plus heureux que les pays latins et les pays de l’Est. Le niveau de bonheur le plus bas rapporté dans la Zone Euro est celui de la Grèce. La Grèce a également souffert de la troisième plus importante chute dans le bonheur entre 2005-2007 et 2014-2016 suite aux crises économique, politique et sociale auxquelles elle a dû faire face, seuls la République centrafrique et le Venezuela font pire !

Les variables explicatives, y compris l’espérance de vie en bonne santé, la générosité, le soutien social, la liberté de faire des choix de vie et les perceptions de la corruption semblent expliquer environ 40 à 50 % du bonheur total rapporté dans les grands pays européens. Les divergences semblent apparaître pour la générosité, la liberté de faire des choix de vie et les perceptions de la corruption. En particulier, en Grèce et en Italie, la corruption et le manque de générosité réduisent davantage le bonheur, notamment par rapport aux pays européens plus riches et plus heureux.

L’European Social Survey (ESS) propose une évaluation empirique de la distinction entre le bien-être hédoniste et eudémoniste. L’analyse factorielle des données sur le bien-être personnel et social confirme que le bien-être hédoniste et
eudémoniste sont deux concepts distincts, mais qu’il existe une forte corrélation entre les deux facteurs. Les personnes ayant un score élevé en termes de bien-être hédoniste ont également tendance à avoir des scores élevés pour le bien-être eudémoniste.

La comparaison suggère en outre que, dans presque tous les pays, les deux formes de bien-être vont dans le même sens que la moyenne globale, c’est-à-dire que les pays qui ont un score supérieur à la normale en termes de bien-être hédoniste ont également une note supérieure à la moyenne sur le bien-être eudémoniste. Le bien-être hédoniste varie selon les pays. Par exemple, il tend à être plus élevé que la moyenne en Scandinavie et inférieur à la moyenne dans certaines parties du Sud et de l’Est de l’Europe. Toutefois, ces constatations au niveau des pays cachent une quantité importante de variation intra-pays. L’analyse montre que seulement 15 % de la variation dans l’hédonisme et 7 % de la variation du bien-être eudémoniste peuvent être expliqués au niveau des pays.

En utilisant les données ESS sur le bien-être personnel et social, il est également possible d’identifier six dimensions distinctes du bien-être subjectif : le bien-être évalué, le bien-être émotionnel, le fonctionnement (au sens functioning de l’approche fondée sur les capabilities), la vitalité, le bien-être communautaire et les relations de soutien.

Lorsque les répondants d’un pays signalent des scores élevés sur une dimension de bien-être, ils ont tendance à signaler également des scores élevés sur les autres dimensions (par exemple, la Suisse) et inversement. Toutefois, en Hongrie, tandis que les gens signalent un bien-être très bas dans la plupart des dimensions, ils rapportent un score beaucoup plus élevé pour la dimension du bien-être communautaire. En Russie, la note moyenne pour la dimension fonctionnelle est beaucoup plus faible que les scores pour chacune des cinq autres dimensions.

Il est également important d’examiner comment le bien-être est réparti dans la population et s’il existe des inégalités notables de bien-être entre les différents groupes. Encore une fois, cela peut dépendre de la dimension spécifique du bien-être considéré. Par exemple, l’analyse des données ESS montre que si la vitalité et le bien-être émotionnel diminuent régulièrement avec l’âge, les relations de soutien et les scores de bien-être évaluatifs sont au plus bas parmi les groupes d’âge moyen.

Le revenu des ménages est généralement corrélé positivement avec toutes les dimensions du bien-être, quoique plus pour certaines dimensions (bien-être évalué) que d’autres (vitalité). Cependant, la relation entre le bien-être et le revenu de la communauté varie d’une Europe à l’autre. En Scandinavie et en Europe occidentale, le bien-être communautaire est positivement associé au revenu des ménages. Dans le sud de l’Europe, il existe une relation négative significative entre le revenu et le bien-être communautaire.

Cela conduit à s’intéresser à une autre forme de bien-être, le bien-être sociétal en lien avec la notion de société décente. La question de savoir si un pays peut être considéré comme une société décente dépendra des conditions objectives de ce pays. Cependant, il est également pertinent de se demander si les pays sont perçus par leurs résidents comme tels. La qualité sociale identifie quatre grandes exigences pour une société décente : la sécurité économique, la cohésion sociale, l’inclusion sociale et l’autonomisation.

Sur la base de cet indice subjectif, la Norvège est le pays où les gens ont les points de vue les plus positifs de leur société, suivis de près par les autres pays scandinaves, ainsi que la Suisse. Au bas du tableau se trouve l’Ukraine, ainsi que la plupart des autres anciens États socialistes d’Europe centrale et orientale.

Globalement, les scores sur les quatre grandes exigences pour une société décente sont assez prédictifs. Seule l’inclusion sociale semble être évaluée différemment (parfois meilleure, parfois pire). Par exemple, la Suisse et la Finlande ont des scores importants pour la sécurité économique et la cohésion sociale par rapport à la plupart des autres pays, mais avec une note relativement faible en termes d’inclusion sociale. L’Islande montre des scores faibles sur la sécurité économique et l’autonomisation, mais des scores plus élevés sur l’inclusion sociale.

Terminons avec la question importante de l’équilibre travail-vie. Comment les individus intègrent le travail rémunéré avec le reste de leur vie et équilibrent les exigences des différents rôles, est un élément important du bien-être. Selon l’ESS, la hausse de l’emploi féminin, la monoparentalité, la chute de la fertilité et le vieillissement de la population ont conduit au problème de la question de concilier travail et famille. Le conflit entre les exigences du travail et la vie familiale est lié à des résultats plus médiocres dans les relations conjugales et le développement de l’enfant, ainsi que la satisfaction professionnelle, l’absentéisme et le stress.

Les exigences du travail et de la vie familiale varient d’un pays à l’autre, selon les différents régimes d’emploi pour organiser le travail et les responsabilités. Il apparaît que les heures de travail sont plus faibles, et la souplesse d’emploi et les sentiments de contrôle de l’emploi sont plus élevés dans les régimes d’emploi plus axés sur les travailleurs dans les pays nordiques et la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne par rapport aux pays européens du Sud et les pays en transition de l’Europe de l’Est et centrale, où le poids syndical et le pouvoir de négociation collective des travailleurs sont plus faibles.

Ces différences dans les conditions de travail expliquent la variation significative des perceptions de l’équilibre travail-vie dans toute l’Europe. La satisfaction à l’égard de la conciliation travail-vie est la plus élevée dans les pays nordiques, suivis par le Royaume-Uni et l’Irlande. La satisfaction est la plus faible dans les pays d’Europe méridionale et les pays en transition. Ces constatations soulignent quelques leçons claires pour les décideurs et/ou les employeurs cherchant à promouvoir l’équilibre travail-vie. Les heures de travail prévisibles pas trop longues, l’autonomie des employés et la capacité de décider des temps de travail, sont toutes susceptibles d’améliorer l’équilibre travail-vie.

Conclusion

L’objet de cet article consistait à présenter quelques éléments factuels et théoriques de l’économie du bonheur. La recherche dans ce domaine nous semble prometteuse et motivante. Est-ce à dire que les économistes dans ce domaine seraient aussi plus heureux, difficile de se prononcer scientifiquement tout en considérant que le bonheur des économistes peut se mesurer. Ainsi, Feld et al. (2014) montrent que le salaire semble peu important, c’est surtout le temps libre pour la recherche qui procure de la satisfaction aux économistes. La reconnaissance obtenue par la publication n’est pas une fin en soi. La corrélation entre la publication et le bien-être subjectif est obtenue seulement lorsqu’elle ne dépend pas des conditions de travail. Bref en attendant le bonheur, soyons heureux !

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[1Cet indicateur consiste à demander aux personnes d’évaluer leur satisfaction avec leurs vies de manière générale, sur une échelle de zéro (pas du tout satisfait) à dix (très satisfait).

[2Lucas et Donnellan (2012).

[3Andrews et Withey (1976) suggèrent que l’évaluation de la satisfaction dans la vie dépend du degré auquel les aspirations dans différents domaines, tels que le mariage, les relations sociales, les relations amoureuses, etc., sont comblées. Michalos (1985) suppose que la satisfaction varie en fonction de l’écart perçu entre la situation actuelle d’un individu et ce qu’il désire, relativement par rapport à son groupe de référence, alors que d’autres chercheurs montrent que le signal affectif déclenche un processus cognitif (Kainulainen et Saari 2018).

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