La marque européenne sur les conclusions du G20 du 2 avril 2009
Gilbert Koenig, Université de Strasbourg (BETA)
L’influence européenne sur les conclusions du G20 semble avoir été exercée essentiellement par le couple franco-allemand. Elle s’est traduite par une opposition à un véritable plan de relance mondial et à un renforcement des plans de relance nationaux déjà décidés. L’Union européenne a pris ainsi le contre pied des propositions des pays anglo-saxons. D’autre part, elle a incité le G20 à privilégier la réforme du système financier international, ce qui s’est traduit par des recommandations visant à lutter contre le secret bancaire et à règlementer les produits et les institutions financières. Le caractère général et non contraignant de ces recommandations a favorisé l’adhésion des Etats-Unis aux principes de cette réforme.
Mots-clefs : G20, paradis fiscal, plan de relance européen, réfome du système financier international, secret bancaire, système bancaire et financier.
Citer cet article
Gilbert Koenig « La marque européenne sur les conclusions du G20 du 2 avril 2009 », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 20, 26 - 31, Été 2009.
Le Groupe des 20 (G20) réuni à Londres a publié des conclusions en 29 points comportant six engagements des participants « pour sortir l’économie mondiale de la récession et empêcher qu’une telle crise se reproduise dans l’avenir ». Il expose ces engagements d’une façon plus détaillée dans une déclaration annexe sur « le renforcement du système financier ». Dans cette perspective, le G20 s’engage rétablir la confiance, à refonder le système financier international et à relancer l’économie mondiale. Selon le président de la Commission européenne, « la marque européenne est clairement dans toutes les conclusions du G20 ».
Il est assez difficile a priori de savoir comment l’influence de l’Union européenne (UE) a pu s’exercer au sein du G20 à cause de l’ambiguïté qui pèse sur la nature des représentants des intérêts européens au sein de ce groupe. Mais si on écarte cet aspect formel, on peut tenter d’évaluer l’influence de l’UE sur les conclusions du G20 portant sur la relance économique mondiale et sur la réforme du système financier international en se référant aux positions prises sur ces sujets par le Conseil de l’UE avant la réunion du G20. Les positions du Conseil sur la relance sont celles déjà exprimées dans le programme mis sur pied par les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro et avalisées par le sommet européen du 15 octobre 2008 [1]. Celles concernant la réforme financière se fondent sur les différentes mesures prises par l’UE dans le passé et sur certaines de ses propositions faites à des organismes internationaux pour assainir le système financier international.
1. La représentation des intérêts européens dans les débats du G20
Le forum du G20 réunit les chefs des États des 19 économies les plus importantes du monde auxquelles s’ajoute, comme en appendice, l’UE. De ce fait, coexistent, au sein du G20, les représentants de l’UE et les chefs d’État de quatre pays européens qui font partie de l’UE et qui participent de droit au forum. Il est donc difficile de savoir a priori si « la marque européenne » dont parle le président de la Commission est celle imprimée par les représentants de l’UE ou par ceux des quatre pays européens qui ont défendu les intérêts de l’UE sur la base d’un mandat implicite tout en ménageant leurs intérêts nationaux.
Dans les faits, c’est moins la Commission européenne, que le couple franco-allemand et la Grande-Bretagne qui se sont montrés actifs dans les débats du côté européen. Mais ces pays n’ont pas défendu les mêmes positions. En effet, alors que la Grande Bretagne soutenait plutôt le point de vue américain sur la primauté à donner à des mesures de relance, les chefs d’État français et allemand militaient prioritairement pour une régulation financière internationale. Ils défendaient ainsi des positions que le Conseil européen avait décidé de soutenir. En prenant la parole au nom de l’Europe, ils semblent se placer dans le même esprit pragmatique que celui adopté par le président de l’UE en octobre 2008 pour réunir les quatre responsables politiques européens du G7 afin de prendre des mesures contre la crise au nom de l’UE. Leur initiative est renforcée par le soutien des premiers ministres espagnol et néerlandais en tant qu’invités du G20.
2. La relance de l’économie mondiale
Le G20 annonce un programme de relance qui se montera à 5000 milliards de dollars pour deux ans. Ce plan comporte trois volets : une validation des plans de relance nationaux, la restauration des activités de crédit et une augmentation des ressources du FMI.
La validation des plans nationaux de relance
Le premier volet du programme annoncé par le G20 est une juxtaposition des différents plans nationaux décidés avant la réunion du G20 par les grands pays. Il comporte des mesures très disparates, comme des hausses de dépenses publiques, des baisses d’impôts, des garanties et des prêts. La décision du G20 de se limiter aux plans nationaux déjà existants est conforme aux souhaits exprimés par le Conseil européen dé ne pas accroître l’effort de relance en Europe. De plus l’absence d’un plan mondial de relance économique correspond à la conception de l’UE qui, dans la gestion de la crise européenne, s’est également contentée de définir quelques principes encadrant les politiques nationales. On peut noter que le G20 n’a pris aucune position sur les modes de financement des plans nationaux. Cette absence a permis d’éviter un conflit entre l’UE qui interdit le financement monétaire des déficits budgétaires et les USA dont la banque centrale a acheté pour 300 milliards de bons du Trésor américain le 18 mars 2009, ce qui correspond à un financement monétaire d’une partie du déficit public américain.
En n’adhérant pas à l’idée d’un plan de relance mondial et en refusant d’accroître ses efforts de soutien, l’UE ne semble pas avoir pris conscience de l’impact de la crise sur son économie. Or, cet effet est nettement plus important qu’aux États-Unis, notamment sur l’emploi, selon les prévisions suivantes publiées par le FMI le 22 avril 2009 (Tableau 1).
Tableau 1 : Les prévisions de croissance, d’inflation et de chômage
Pays développés | Zone euro | États-Unis | ||||
2009 | 2010 | 2009 | 2010 | 2009 | 2010 | |
Croissance du PIB | -3,8 % | +0,0 % | -4,2 % | -0,4 % | -2,8 % | 0,0 % |
Inflation | -0,2 % | +0,3 % | +0,4 % | + 0,1 % | -0,9 % | -0,1 % |
Chômage | 8,1 % | 9,2 % | 10,1 % | 11,5 % | 8,9 % | 10,1 % |
Source : FMI.
Compte tenu de ces prévisions, les sommes engagées par les États-Unis sous la forme de baisses d’impôts et d’investissements structurels (838 milliards de dollars) semblent plus à la mesure de l’importance de la crise que celles consacrées par les pays européens à la relance sous des formes très différentes selon les pays (265 milliards de dollars).
La restauration du système de crédit
Comme le reconnaît le G20, les mesures nationales de relance ne peuvent porter des fruits que si les pays restaurent leur système de crédit. Pour cela, il encourage les banques centrales à poursuivre leurs politiques expansionnistes en continuant à baisser leurs taux d’intérêt et à alimenter les marchés interbancaires en liquidités. Malgré ses réticences, la Banque centrale européenne s’est résignée à poursuivre la baisse de son taux d’intérêt directeur sans cependant envisager la possibilité d’un taux proche de zéro analogue aux taux américain et japonais. Elle continue cependant à alimenter généreusement le marché interbancaire. Mais, comme les politiques monétaires expansionnistes se révèlent insuffisantes pour rétablir les activités de crédit, le G20 préconise également un assainissement des bilans bancaires par l’élimination des actifs toxiques et par des opérations de recapita1isation.
L’offre de crédit peut être débloquée grâce au recensement et à l’élimination des actifs toxiques qui polluent les bilans bancaires. En effet, l’incertitude sur l’importance de ces actifs dans les bilans bancaires alimente la spéculation contre les valeurs bancaires et les réticences des banques à se refinancer sur le marché interbancaire pour accorder les crédits. Le G20 laisse à chaque pays le soin de prendre les mesures d’assainissement qu’il juge nécessaires sans faire de recommandations sur la nature de ces mesures. Cette décision est conforme à celle prise par l’UE qui laisse également à chaque pays le choix d’une solution. Il semble cependant que l’UE se montre hostile à la mesure envisagée par les États-Unis de créer des caisses de défaisance (bad banks) destinées à racheter les actifs toxiques des banques. Mais, elle semble également peu favorable à une participation massive de l’État au capital des banques qui, selon Stiglitz, permettrait de mettre fin à la crise de liquidités sur le marché interbancaire. En fait, les pays européens considèrent souvent que le problème des actifs toxiques est beaucoup moins important pour leurs banques que pour les banques américaines et que les banques assainiront leurs bilans avec le temps. En attendant, ils prennent des mesures assez souples dont certaines semblent peu efficaces, comme celles qui soumettent les engagements des banques en contrepartie des aides publiques à un contrat moral.
Les évaluations effectuées par le FMI dans son rapport sur la stabilité financière d’avril 2009 sur les pertes subies par les banques permettent de mesurer les besoins financiers que nécessite leur résorption. Selon ces estimations, la perte de valeur de l’ensemble des actifs depuis le début de la crise jusqu’en 2010 se montent à 4000 milliards de dollars dont deux tiers concernent les banques. Selon deux scénarios retenus par le FMI pour faire face aux besoins de capitaux bancaires, il faudrait injecter 275 ou 500 milliards de dollars dans les banques américaines et 600 ou 1200 milliards dans les banques de l’UE.
Comme les situations individuelles des banques américaines ne sont pas suffisamment transparentes pour apprécier leur solidité, les États-Unis ont récemment imposé à leurs principales banques des tests de résistance (stress test) à des scénarios de crise. L’UE, d’abord hostile à de telles opérations, incite ses pays à pratiquer également de tels tests d’ici le mois de septembre 2009.
La hausse des ressources du FMI
Contrairement aux deux volets précédents du plan de relance, le troisième fournit un soutien nouveau à l’économie accordé par le G20. Il est formé par une augmentation importante des ressources du FMI qui passent de 250 à 750 milliards de dollars et par l’autorisation accordée à cet organisme d’émettre des Droits de Tirages Spéciaux (DTS) pour 250 milliards de dollars. Ces dispositions ne semblent avoir soulevé aucune réserve de la part des participants au G20. En effet, grâce à ses ressources nouvelles, le FMI pourra accroître son aide aux pays en voie de développement. De ce fait, les pays du G20 auront un prétexte pour ne pas augmenter leurs aides au développement déjà modestes ou même de les réduire comme le fait l’Italie. De plus, le FMI pourra consentir des prêts à certains pays européens victimes de la crise, ce qui allège les obligations de l’UE en particulier envers les pays en difficulté qui la composent, comme la Hongrie. Pour ce qui est des DTS, ils seront alloués aux membres du FMI en fonction de leurs quotas qui dépendent de leurs poids économiques. Donc, selon Aglietta, 60 % de ces DTS iront aux grands pays membres du FMI qui n’en ont pas besoin [2].
Le G20 prend acte de la réforme de la conditionnalité des aides du FMI approuvée par le conseil d’administration de cet organisme en mars 2009. Selon cette réforme, les aides ne seront plus soumises à une série de conditions valables pour tous les pays, mais elles devront être adaptées aux particularités des économies aidées. Il est cependant difficile de savoir a priori si les assouplissements introduits par cette réforme mettront fin aux pratiques passées du FMI. En effet, ces pratiques, fondées sur les principes du consensus de Washington, ont plongé plusieurs pays en voie de développement dans de graves difficultés économiques et sociales en leur imposant des politiques d’ajustement structurel inadaptées [3]. La réforme future des statuts du FM1 préconisée par le G20 pour 2011 en vue d’une représentation plus large des pays en son sein peut faire espérer un changement de politique. Le Brésil a d’ailleurs exprimé récemment sa volonté d’agir dans ce sens [4]. L’Union européenne continuera cependant à ne pas pouvoir influencer directement la politique du FMI, car seuls les pays sont représentés dans cet organisme.
Le programme du G20 et la redécouverte de la nécessité des interventions publiques dans les économies
Selon une opinion courante, la crise économique actuelle a fait prendre conscience au monde anglo-saxon de la nécessité d’une intervention de l’État dans l’économie et l’a incité à accepter les dispositions prévues par le G20. Cette opinion est en partie vraie pour la Grande Bretagne qui après de longues années de désengagement de l’État a accepté notamment de nationaliser des banques. Elle est contestable si elle s’applique aux États-Unis. En effet, ce pays n’a jamais renoncé à des interventions de l’État même en l’absence de crise. En effet, il mène en permanence une politique d’interventions sous la forme de subventions et d’aides sectorielles. Dans le domaine de la politique macroéconomique, l’administration Bush a accepté, malgré son attachement aux principes du libéralisme, un certain nombre d’interventions budgétaires à partir de 2001, allant jusqu’à proposer un plan de relance. Quant à la Banque centrale, elle s’est montrée généralement très active, comme le montre sa décision prise en 2001 de réduire son taux d’intérêt directeur de 6,5 % à 1,75 % en 11 mois pour soutenir la conjoncture. En conformité avec cette pratique, l’administration américaine a réagi vigoureusement à la crise par un plan de relance très important et la FED en fixant un taux d’intérêt directeur proche de zéro.
En fait, ce sont plutôt les pays européens qui semblent avoir redécouvert la nécessité d’une intervention publique dans l’économie. En effet, ces pays prennent depuis plusieurs années des mesures de désengagement de l’État sous l’impulsion de la Commission européenne. Leurs politiques budgétaires sont strictement encadrées pour ne pas porter atteinte à la crédibilité de la BCE qui par ailleurs mène une politique peu active. Les pays européens ont pris progressivement conscience de la nécessité d’une intervention publique en mettant sur pied des plans de relance dont certains entraînent des déficits budgétaires et des taux d’endettement public supérieurs à ceux admis par les traités européens. Mais les instances européennes ne semblent pas encore pleinement convaincues de cette nécessité. En effet la BCE préoccupée par sa crédibilité fixait un taux d’intérêt directeur de 2,5 % en décembre 008, au moment où le taux américain était proche de zéro et ne se résolvait à assouplir sa politique qu’en réduisant très progressivement son taux d’intérêt directeur et en exprimant sa réticence à fixer un taux d’intérêt proche de zéro comme aux États-Unis. Quant à la Commission européenne, sa préoccupation principale semble avoir été de concilier les effets de la mise en œuvre des mesures européennes nationales de relance avec les principes de la concurrence et d’inciter les pays à revenir le plus rapidement possible au respect des critères de Maastricht. Il semble donc que les instances européennes conservent leur conception d’une intervention faible de l’État à long terme tout en se résignant à une intervention temporaire pour corriger les effets d’une crise exceptionnelle, ce qui est d’ailleurs prévu par les traités européens qui permettent aux pays de déroger aux critères de Maastricht dans des situations exceptionnelles.
3. La réforme du système financier international
Le G20 reconnaît, dans le point 13 de son communiqué, que « d’importantes défaillances dans le secteur financier et dans la réglementation et la supervision financières ont été des causes fondamentales de la crise ». Ce diagnostic conduit le G20 à proposer des mesures destinées à corriger ces défaillances et à reconstituer un système financier international plus stable, plus transparent et mieux régulé. Pour réaliser cet objectif, le G20 propose des mesures destinées à réduire le rôle des paradis fiscaux et à constituer des organismes internationaux et des méthodes de régulation et de supervision financières. L’UE a particulièrement soutenu ces mesures, mais elle a dû faire un certain nombre de concessions pour obtenir l’adhésion des États-Unis.
La lutte contre les paradis fiscaux
Un paradis fiscal comporte trois caractéristiques [5] :
-* il permet à des non-résidents d’échapper aux obligations réglementaires des pays où ils réalisent leurs transactions économiques par des sociétés écrans qui ont des activités fictives et qui sont peu imposés ;
-* il facilite l’immatriculation des sociétés étrangères sur leur territoire en soumettant leur accès à des conditions juridiques très simples et à des coûts très faibles ;
-* il pratique le secret bancaire et refuse d’échanger des renseignements fiscaux et juridiques avec d’autres États, ce qui assure un anonymat partiel ou total à l’usager du paradis fiscal.
La lutte contre les paradis fiscaux n’entre pas dans les objectifs principaux que se fixe le G20 dans le point 4 de son communiqué final. Il n’exprime que dans le point 15 sa volonté de mettre fin à l’une des caractéristiques des paradis fiscaux, le secret bancaire. Pour cela, il énumère dans l’annexe de son communiqué une série de sanctions qu’il invite les pays à appliquer en cas de non-coopération en matière fiscale. Il demande à cet effet à l’OCDE de publier la liste noire des pays qui ne coopèrent pas avec les administrations fiscales et la liste grise de ceux qui respectent "substantiellement" les standards de l’OCDE en matière de coopération fiscale. Mak ces listes ne répertorient pas tous les paradis fiscaux, puisque l’absence de coopération fiscale ne constitue qu’une des caractéristiques de ces paradis [6]. De plus, le critère retenu pour constituer la liste grise s’est révélé suffisamment souple pour permettre aux quatre pays inscrits sur la liste noire de passer très rapidement sur la liste grise. En effet, selon la norme de l’OCDE, un pays coopératif n’est tenu de lever son secret bancaire que dans le cas où la fraude fiscale est prouvée. Devant les difficultés à apporter de telles preuves, il serait nécessaire d’instaurer un système d’échanges d’informations automatiques permettant à chaque pays de connaître les actifs placés à l’étranger.
Comme pour la relance économique, le G20 ne prend aucune mesure concrète contre les paradis fiscaux. Mais sa volonté de mettre en cause le secret bancaire constitue une avancée non négligeable dont la concrétisation dépend des efforts de chaque pays. Les Européens se sont particulièrement réjouis de cette avancée dans la lutte contre les paradis fiscaux. En effet, les mesures préconisées par le G20 se placent dans le prolongement du « code de bonne conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises » que l’Union européenne a établi depuis 1997 [7]. Une clause de ce code stipule qu’un État ne doit pas accorder aux non-résidents des conditions fiscales plus favorables que celles appliquées à ses résidents. De plus, l’Union européenne essaie par différentes mesures d’éviter que les entreprises déclarent leurs profits dans les pays les moins exigeants sur le plan fiscal plutôt que dans les pays où ces profits ont été générés.
La surveillance et la régulation financière
Jusqu’à la réunion du G20, la régulation financière dont les principes étaient soutenus par le Forum de stabilité financière (FSF) privilégiait l’efficacité de la gestion des risques par les entreprises. Or la gestion individuelle du risque ignore généralement ses effets externes, c’est-à-dire le risque qu’elle fait subir à l’ensemble du système [8]. Ce risque systémique ne peut être évalué qu’au niveau du marché par des organismes internationaux. De ce fait, le G20 confie au Conseil de stabilité financière (CSF) le soin d’évaluer ce risque en collaboration avec le FMI. Le CSF a une composition plus large [9] et des compétences plus étendues que le FSF auquel il se substitue. Son rôle essentiel se limite cependant à la coordination des activités de surveillance exercées par des collèges nationaux sur les institutions financières ayant des activités internationales. Cette disposition du G20 est conforme aux vœux des États-Unis traditionnellement opposés à l’émergence de nouveaux organismes internationaux exerçant des pouvoirs supranationaux. Elle est en retrait par rapport à certaines propositions faites précédemment par VUE au FSF, comme celle qui consistait à surveiller les grandes entreprises internationales par des collèges de superviseurs issus des juridictions des pays dans lesquels ces pays exercent leurs activités.
Le G20 préconise un élargissement de la réglementation et de la surveillance financières à tous les instruments, institutions et marchés financiers importants au point de vue systémique, mais il laisse à chaque pays le soin d’apprécier la nécessité d’un tel élargissement. Parmi les produits financiers, ceux qui résultent des opérations de titrisation ont joué un rôle particulièrement nocif dans la crise financière [10]. Or, le G20 ne fait aucune recommandation sur ces opérations. Par contre, il préconise d’étendre la réglementation financière aux fonds spéculatifs (hedge fonds qui n’étaient soumis à aucune réglementation dans le passé et aux agences de notation qui se sont montrées particulièrement partiales et incompétentes dans l’évaluation des risques financiers. Pour les autres institutions financières, le G20 recommande une réforme des normes comptables concernant notamment l’évaluation des actifs et une moralisation des rémunérations des traders et des dirigeants.
Toutes ces recommandations concernant la réforme du système financier international sont suffisamment générales pour emporter l’adhésion de tous les membres du G20.
4. Conclusion
Sous l’influence de l’UE, essentiellement exercée par le couple franco-allemand, le G20 s’est contenté d’avaliser les plans de relance nationaux déjà existants, niais il a permis au FMI d’accroître ses aides aux pays en difficulté. Ces dispositions semblent suffisantes au G20 pour générer à court terme une croissance annuelle mondiale supérieure à 2 % à partir de 2010. Cette prévision, largement révisée à la baisse par les organismes internationaux, traduit une sous-estimation de l’importance de la crise économique actuelle. Cette sous-estimation est surtout faite par l’UE, comme le montrent le caractère modeste de ses plans de relance par rapport aux perspectives de l’évolution du chômage et ses réticences à. adopter des mesures vigoureuses pour débloquer le système de crédit.
Sous l’impulsion de l’UE, le G20 a privilégié la réforme du système financier international afin d’éviter le retour d’une crise aussi importante que celle déclenchée en 2008. Ses engagements concernant les paradis fiscaux et la régulation financière posent les principes sur lesquels pourrait se fonder une réforme financière. Mais, certains de ces engagements sont trop généraux et trop flous pour devenir rapidement opérationnels, car ils résultent de compromis importants entre les membres du G20. De plus, leur application est confiée aux États qui, faute d’une contrainte internationale, auront des difficultés à résister aux pressions de l’industrie financière. Enfin, le G20 ne s’attaque qu’à certaines causes financières d’une crise. il néglige ainsi les causes économiques et sociales, comme la hausse de l’inégalité des revenus et le progrès modeste du niveau de vie qui, aux États-Unis, ont conduit à une hausse importante de l’endettement privé qui a débouché sur une bulle financière.
[1] Voir pour les détails, G. Koenig (2008), « La gestion européenne de la crise », Bulletin de l’OPEE, n°19.
[2] M. Aglietta (2009), « L’agenda du G20 est ambitieux, mais il porte la possibilité d’un changement profond », L’Econornis Politique, n°42, pp.7-15.
[3] Une analyse très documentée de l’influence de l’école de Chicago (M. Friedman) sur la politique du FMI menée notamment dans les pays d’Amérique latine est effectuées par N. Klein (2008), La stratégie du choc, Leméac/Actes Sud.
[4] J.-P. Langellier, « Le Brésil veut peser de tout son poids dans la réforme du FMI », Le Monde, 9 mai 2009, p2.
[5] Chavagneux C.,R. Murphy, R. Palan (2009), « Les paradis fiscaux : entre évasion fiscale, contournement des règles et inégalités mondiales », L’Économie Politique, n°42, p.23.
[6] Certains centres financiers, comme la City de Londres, sont considérés comme coopératifs, alors que l’opacité importante de leurs activités constitue une caractéristique d’un paradis fiscal.
[7] Chavagneux C.,R. Murphy, R. Palan (2009), op. cit., p.32-33.
[8] Eatwell J. (2009), « Une nouvelle architecture internationale », L’Économie Politique, n°42, pp.16-21.
[9] Le CSF comprend tous les pays du G20, les membres du FSF, l’Espagne et la Commission européenne.
[10] Une banque peut restaurer sa liquidité avant le remboursement des crédits accordés en regroupant plusieurs de ces crédits et en émettant des titres adossés à ces crédits. Le risque du crédit est ainsi transféré à des tiers qui peuvent à leur tour émettre des titres adossés à des actifs dont ceux achetés à la banque. Ces opérations de titrisation rendent difficile l’appréciation du risque encouru par les détenteurs des actifs, ce qui n’a pas empêché certains agences de notation d’attribuer la note maximum à certains de ces actifs.
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