La vulnérabilité des jeunes face au chômage
Isabelle Terraz, Université de Strasbourg (BETA)
Face à un recul de l’activité économique, les jeunes sont les premiers à faire les frais de la dégradation du marché du travail. Or, si leur période de chômage dure généralement moins longtemps que celle de leurs aînés, elle peut laisser des traces durables sur leurs carrières. Les dirigeants tant européens que français ont exprimé leur volonté de les aider et ont annoncé des plans d’action spécifiques que nous discutons brièvement.
Mots-clefs : COVID-19, emploi des jeunes, emploi et chômage, politique et stratégie de l’emploi.
Citer cet article
Isabelle Terraz « La vulnérabilité des jeunes face au chômage », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 43, 19 - 26, Hiver 2020.
La crise sanitaire commencée l’année passée est sans précédent. En janvier 2021, la pandémie de COVID-19 avait touché plus de 95 millions de personnes dans le monde et occasionné plus de deux millions de décès (Johns Hopkins Coronavirus Resource Center). Dès le printemps 2020, de nombreux gouvernements avaient réagi à la dégradation de la situation sanitaire par la mise en place de mesures de restriction de mobilité et la suspension de l’ouverture de commerces non essentiels (OCDE 2020). Après une période de reprise de l’activité économique durant l’été, de nouveaux dispositifs restrictifs ont été adoptés au cours de l’automne en Europe pour faire face à une nouvelle accélération de la circulation du virus.
Ces mesures qui ont permis de freiner la propagation de l’épidémie ont également eu des conséquences économiques importantes. Le choc d’offre négatif (chaînes de valeur interrompues ; travailleurs ne pouvant exercer leur activité ; commerces fermés) a été suivi d’un choc de demande négatif qui s’est traduit par un recul de l’investissement et de la consommation dans un contexte d’incertitude important. Au total, en décembre 2020, l’OCDE estimait que le recul annuel du PIB serait de 5,5 % pour l’ensemble des pays développés et de 7,5 % pour la zone euro. La crise économique peut ainsi être qualifiée d’inédite dans la mesure où elle est due en partie à la décision des gouvernements d’adopter des mesures fortes pour endiguer la maladie et qu’elle se traduit par un recul du PIB particulièrement sévère. Face à cela, la situation du marché du travail se dégrade dans de nombreux pays et, particulièrement, celle des jeunes. Des mesures énergiques sont nécessaires pour les aider.
La situation sur le marché du travail se dégrade
La pandémie est mondiale mais le recul de l’activité économique et de l’emploi varient d’un pays à l’autre. Une constante, cependant, la situation des jeunes sur le marché du travail est préoccupante.
Des réactions du marché du travail très différentes d’un pays à l’autre
Le recul du PIB est très variable entre pays selon l’ampleur de la crise sanitaire, les mesures d’endiguement prises et la sensibilité de leur économie à certains secteurs d’activité comme le tourisme par exemple. La France figure parmi les pays fortement touchés par la pandémie et le recul du PIB, qui est estimé actuellement à 9 % pour l’année (INSEE, estimations de décembre 2020), pourrait avoir détruit plus de 700 000 emplois (soit un recul de 2,8 % par rapport au niveau d’emploi de fin 2019). Malgré des actions offensives des pouvoirs publics pour soutenir l’économie, la situation du marché du travail est encore appelée à se dégrader de façon importante dans les prochains mois, et le taux de chômage pourrait s’accroître. [1]
A l’issue du premier semestre de l’année, les taux de chômage avaient évolué de façon assez différente d’un pays à l’autre. De façon habituelle, les entreprises américaines ont rapidement licencié face aux difficultés économiques et le taux de chômage a grimpé en flèche : il est passé de 3,6 % en janvier à 14,7 % en avril pour redescendre à 11 % en juin. A l’opposé, malgré un repli considérable du nombre d’heures travaillées durant les trois premiers mois du confinement, le taux de chômage français a reculé de 7,8 % à 7,1 % entre les deux premiers trimestres de l’année. Cette baisse du chômage est en « trompe l’œil » (INSEE 2020a), car elle est imputable à la fois à l’ampleur du dispositif de chômage partiel mobilisé en France et au fait que de nombreuses personnes ne vérifiaient pas le critère de recherche active d’emploi pour être reconnu comme chômeur au sens du BIT [2] durant la période. Ainsi, la part des personnes en emploi mais n’ayant pas du tout travaillé a atteint les 40 % en avril 2020 (INSEE 2020a) et la part des personnes dans le halo autour du chômage (c’est-à-dire ces personnes qui sont classées d’un point de vue statistique dans les inactifs, mais qui souhaitent un emploi sans vérifier les critères de disponibilité et de recherche active) concernait 6 % des de 15-64 ans au deuxième trimestre 2020, soit une hausse de 1,9 points par rapport au premier trimestre. A l’issue du premier confinement, le taux de chômage s’est accru (9,0 % au troisième trimestre 2020) mais il pourrait à nouveau diminuer aux alentours de 8 % suite au deuxième confinement tandis que le halo autour du chômage se développe parallèlement (INSEE 2020b).
Une crise qui touche particulièrement les jeunes français
Cette crise a touché inégalement les différentes tranches d’âge de la population française. Ainsi, entre les deux premiers trimestres 2020, le taux d’emploi de la population en âge de travailler a diminué de 1,6 point tandis que celui des jeunes (15-24 ans) a reculé de pratiquement 3 points, et atteint son plus bas niveau depuis 1975. Durant la même période, alors que le taux de chômage de l’ensemble de la population était en baisse, celui des jeunes s’accroissait de pratiquement deux points (de 19,2 % à 21 %) et poursuivait sa hausse au troisième trimestre pour atteindre 21,8 %. Enfin, l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues était plus marqué fin octobre pour les moins de 25 ans (+9 %) que pour les autres catégories d’âge (+6 % pour les personnes d’âge médian et +4 % pour les plus de 50 ans).
Cela est imputable à la fois à des éléments spécifiques à cette crise et à d’autres éléments observés habituellement en période de récession. La crise a frappé particulièrement des secteurs d’activité contraints de fermer pour des raisons administratives (hôtel-restauration, commerces non essentiels, activités d’art spectacle). Or, les jeunes sont notamment plus présents dans ces secteurs du commerce (20 % des 15-24 ans y travaillent contre 12,7 % des 20-49 ans) et de l’hébergement-restauration (8,9 % des jeunes contre 3,7 % de la tranche d’âge supérieure). [3]
Mais, cette dégradation de la situation des jeunes s’explique également par le comportement des employeurs. Contrairement aux États-Unis où les entreprises licencient rapidement en cas de difficulté économique, les entreprises françaises font plus de rétention de main d’œuvre. Afin d’absorber une partie de la variation d’activité, elles commencent par reporter, voire annuler les embauches prévues et ne renouvellent pas non plus les contrats temporaires. Les jeunes vont être doublement affectés par ces comportements. Ils sortent du processus de formation initiale et entrent sur le marché du travail. C’était le cas d’environ 600 000 jeunes en 2017 (Boisson-Cohen et al. 2017). Or, lorsqu’il existe un nombre important de postulants et peu d’emplois disponibles, les entreprises peuvent porter leurs préférences sur des candidats ayant déjà de l’expérience. Par ailleurs, lorsque les jeunes exercent un emploi, ils sont surreprésentés dans les contrats temporaires. Si l’on exclut les contrats d’apprentissage, environ 35 % des 15-24 ans sont en contrat temporaire contre un peu plus de 10 % de l’ensemble des salariés (Minni et Galtier 2017). La surréaction du taux de chômage des jeunes à l’activité économique est donc un phénomène habituel (Graphique 1). Par exemple, on estime que la sensibilité du nombre d’heures travaillées par rapport à la conjoncture a été de 70 à 80 % plus élevée pour les jeunes (OCDE 2020) durant la crise financière.
Graphique 1 : Taux de chômage par tranche d’âge : 1975-2020
Source : INSEE, séries longues. Enquête Emploi.
Cette dégradation de la situation des jeunes est encore plus marquée pour les non diplômés. En 2019, leur taux de chômage était près de 4 fois plus élevé que celui des diplômés du supérieur et le double de celui des titulaires d’un baccalauréat ou d’un brevet professionnel. Dans un contexte caractérisé par l’augmentation du niveau général de qualification, leur situation relative se dégrade et ceci est d’autant plus marqué en période de crise économique. Par exemple, au début de la crise financière (2008-2010), le taux de chômage des diplômés du supérieur s’est accru de 1,8 point de pourcentage tandis que l’augmentation se chiffrait à 8,5 points pour les titulaires d’un brevet des collèges.
Quel impact de long-terme du chômage ?
Afin de comprendre l’impact de la crise actuelle sur l’insertion des jeunes sur le marché du travail, il peut être utile de regarder les conséquences de long terme des crises passées.
L’impact de la crise financière de 2007-2008
Lors de la crise financière de 2007-2008, le taux de chômage des jeunes européens a rapidement augmenté (de 16 % en 2008 [4] à 24,4 % en 2013), puis a mis près de dix ans pour retrouver son niveau d’avant la crise. Si le taux de chômage peut être en partie trompeur dans la mesure où peu de jeunes sont en activité, il souligne que la hausse du taux de chômage peut être rapide et mettre longtemps à se résorber. Afin d’élargir le champ d’études, l’Union européenne met l’accent sur les jeunes « désengagés du marché du travail » (jeunes qualifiés de NEET [5] selon l’acronyme anglais), soit ceux qui ne travaillent pas et ne suivent ni formation, ni études. A l’instar de ce que l’on peut observer sur le taux de chômage, le pourcentage de jeunes dans cette situation s’est accru rapidement suite à la crise financière et n’a retrouvé son niveau de 2008 que dix années plus tard.
Élément positif cependant, les jeunes, quoique plus souvent touchés par le chômage, y restent moins longtemps que leurs aînés. La durée moyenne de chômage était de 16,2 mois pour l’ensemble des demandeurs d’emploi tandis qu’elle était de 10,4 mois pour les 15-29 ans (OCDE, données 2017). Ceci pourrait laisser penser que leur situation est moins grave dans la mesure où ils finissent par s’insérer (ou se réinsérer) sur le marché du travail et que cela prend moins de temps que leurs aînés. Pourtant, cette période de chômage n’est pas sans conséquences et peut laisser des traces durables sur leurs carrières.
Le chômage laisse des traces durables
Rappelons tout d’abord que l’emploi est un déterminant de l’autonomie résidentielle et de la formation d’une famille. Il participe à ce titre à la transition des jeunes vers « l’âge adulte ». Mais la période de chômage peut laisser des traces durables sur la carrière des jeunes. De nombreuses études font état d’un phénomène de « scarring [6] » du chômage sur les personnes d’âge très actif (25-54 ans). Cette littérature, initialement développée aux États-Unis, met en avant des pertes de revenus de long terme suite à un épisode de rupture d’emploi ainsi qu’un risque accru de connaître à nouveau le chômage dans les années suivantes. La question essentielle de ces recherches a alors porté sur le fait de savoir si la période de chômage était révélatrice de fragilités intrinsèques de la personne ou causale dans ce sens où elle augmentait le risque de chômage indépendamment des caractéristiques individuelles. La littérature conclut généralement à une relation causale. Ainsi, à caractéristiques socio-démographiques identiques, la période de chômage accroît le risque futur de chômage et pénalise durablement les revenus des personnes.
On pourrait penser que le chômage des jeunes est de nature différente dans la mesure où il serait considéré comme normal et inhérent à leur phase d’insertion sur le marché du travail. Pourtant, des études réalisées dans des pays avec des structures institutionnelles différentes vont dans le même sens. Avoir connu le chômage augmente le risque de chômage futur des jeunes adultes. C’est le cas en Grande-Bretagne (Gregg 2001), en Bosnie-Herzégovine (Fares et Tiongson 2007), en Australie (Doiron et Gorgens 2008), en Belgique (Cockx et Picchio 2012), en Norvège (Nilsen et Holm Reiso 2014) et en Allemagne (Schmillen et Umkehrer 2017). Avoir connu le chômage altère également généralement les revenus futurs. A l’exception de Petreski et al. (2017) qui ne trouvent pas d’effets sur les jeunes macédoniens, la perte est encore manifeste dix à vingt années après la période de chômage dans de nombreux pays (Gregg et Tominey 2005, Mroz et Savage 2006, Oreopoulos et al. 2012, Ghirelli, 2015, Möller et Umkehrer 2015).
Les causes de cette pénalité salariale sont diverses et liées tant à l’offre qu’à la demande de travail. La période de chômage peut affecter les compétences spécifiques ou générales de la personne et donc ses capacités productives (Becker 1964). La littérature américaine montre que les chômeurs retrouvant un emploi dans un secteur différent de celui qu’ils occupaient précédemment connaissent des pertes salariales plus élevées que ceux qui restent dans le même secteur d’activité (Jacobson et al. 1993, Couch et Placzek 2010, OCDE 2013, par exemple). Cela peut résulter de la perte de compétences spécifiques à l’emploi occupé, une perte qui est inhérente au changement de secteur. Les pénalités salariales des travailleurs concernés par des licenciements massifs sont également plus fortes lorsqu’ils doivent utiliser des portefeuilles de compétences différents dans leur nouvel emploi (Poletaev et Robinson 2008). En ce qui concerne la perte de compétences générales, un article portant sur la Suède (Edin et Gustavson 2008) montre, en s’appuyant sur l’enquête internationale d’alphabétisation des adultes menée en 1994 et 1998, qu’une année de non-emploi fait perdre des compétences aux personnes concernées. Le chômage peut également affecter le salaire de réservation de la personne dans la mesure où la perte de revenus qu’il occasionne la rend moins exigeante par rapport au salaire demandé pour reprendre un emploi. Ces deux éléments poussent donc les salaires de réembauche à la baisse et peuvent également mener les demandeurs d’emploi à occuper un emploi pour lequel ils sont trop qualifiés (phénomène de « déclassement »).
Concernant la demande de travail, plusieurs théories font état d’une stigmatisation du chômeur, dans la lignée de la théorie du signal (Spence 1973). Dans un contexte d’information imparfaite, l’employeur se sert d’éléments observés sur l’individu pour évaluer ses capacités productives. Une période de chômage peut alors être perçue par l’employeur comme un signal de moindre productivité et/ou de moindre motivation et donc le conduire à proposer des salaires plus faibles. Des expériences de terrain ont été menées pour évaluer le comportement des employeurs par rapport aux demandeurs d’emploi (Oberholzer-Gee 2008, Eriksson et Rooth 2014, Kroft, Lange et Notowidigdo 2013). Ces études, portant respectivement sur la Suisse, la Suède et les États-Unis, consistent à envoyer des CV fictifs (personnes au chômage ou non, personnes connaissant une durée plus ou moins importante de chômage) à des offres réelles d’emplois. Elles ne concluent pas à un effet négatif du chômage de court terme sur la probabilité d’être convoqué à un entretien mais à un effet négatif du chômage de long terme. Sur la base d’une étude menée auprès de responsables de ressources humaines, Van Belle et al. (2018) s’intéressent aux causes du phénomène et montrent que les chômeurs de longue durée sont moins fréquemment convoqués aux entretiens de recrutement car ils sont considérés comme moins motivés.
Si la perte de compétences apparaît peu probable pour les jeunes sortant du système éducatif, l’effet signal et le phénomène de déclassement pourraient jouer négativement pour eux. A compétences identiques, l’employeur pourrait préférer un jeune n’ayant pas connu de période de chômage. Mentionnons également que les jeunes en phase d’insertion sur le marché du travail peuvent être affectés par un emploi de moindre qualité pour commencer leur vie active. Sachant que la qualité de l’emploi diminue en période de récession et que la progression salariale se fait surtout en début de vie active, un appariement de moindre qualité peut laisser des traces durables sur leurs carrières.
Les plans d’aide en faveur de la jeunesse
Là encore, les expériences passées peuvent nous permettre d’apporter un éclairage sur l’avenir des demandeurs d’emploi.
Quels sont les dispositifs efficaces ?
Selon différentes études (Carcillo 2015) et notamment une méta-analyse menée par Kluve (2010) à partir de 137 évaluations dans 19 pays, les subventions à l’embauche accroissent la probabilité de retrouver un emploi dans le secteur marchand. A titre d’exemple, Dorsett (2006) réalise une évaluation du New Deal for Young People (NDYP) qui consiste à allouer une subvention de 60£ par semaine pendant six mois aux entreprises qui embauchent. Par rapport à un programme classique de formation, l’allocation d’une subvention à une entreprise augmente la probabilité de trouver un emploi. D’autres études menées en France ou en Grande-Bretagne concluent à l’efficacité des dispositifs allégeant le coût du travail de cette tranche d’âge (Fougère, Kramarz et Magnac 2000 ; Van Reenen 2003).
Le développement de l’emploi temporaire dans le secteur public constitue une autre piste habituellement proposée pour améliorer la situation des jeunes adultes. La méta-analyse réalisée par Kluve (2010) fournit une évaluation de ce dispositif et conclut à l’absence d’effet positif sur la probabilité de réinsertion dans l’emploi marchand. L’impact peut même être négatif sur le court terme ou le moyen terme. Par exemple, une étude réalisée en Allemagne (Caliendo et al. 2011) montre que deux ans après le début du programme d’emploi public, les bénéficiaires du dispositif ont une probabilité plus forte d’être au chômage que les non participants. Cela peut s’expliquer par un « effet de stigma » associé à l’emploi dans le secteur public et/ou à un « effet d’enfermement » durant le programme. En effet, les participants effectuent moins de recherches lorsqu’ils bénéficient d’un emploi aidé. Néanmoins, ces programmes peuvent concourir à réduire la délinquance et à améliorer l’état de santé des personnes qui en bénéficient.
Des dispositifs d’accompagnement renforcés des NEET ont été mis en place au niveau européen depuis 2013. Dans les mois qui suivent leur départ du système scolaire ou leur entrée dans le chômage, tout jeune de moins de 25 ans doit bénéficier d’un accompagnement renforcé. Un programme similaire avait été introduit en Finlande en 2005, obligeant le service public de l’emploi à mettre en place un accompagnement pour cette tranche d’âge. En 2011, 83,5 % des jeunes avaient reçu une proposition d’emploi couronnée de succès. Des programmes comparables au Danemark et en Suède avaient également prouvé leur efficacité et accru le retour à l’emploi des plus jeunes.
Les décisions politiques pour aider les jeunes
Aider les jeunes adultes à s’insérer sur le marché du travail est nécessaire. Les dirigeants tant européens que français se sont saisis de cette priorité et ont annoncé des plans d’action spécifiques. Au niveau français, le président Macron, dans son allocution du 14 juillet, a insisté sur la nécessité de les aider en soulignant que la jeunesse devait être une priorité de la relance. Cette décision s’est matérialisée dans son plan « #1jeune1solution » et la mise à disposition de moyens conséquents. Ce plan se propose de favoriser l’insertion des jeunes en jouant sur trois volets : 1) favoriser l’embauche de jeunes par les entreprises, 2) développer les formations qualifiantes, et 3) accompagner les jeunes les plus en difficulté. Au niveau européen, l’UE est consciente depuis quelques années de la nécessité de favoriser leur insertion avec un volet spécifique « Emploi des jeunes » présent dans sa Stratégie européenne pour l’emploi. Au 1er juillet 2020, elle annonçait le déblocage spécifique de fonds visant notamment à renforcer des dispositifs comme la « Garantie jeunes » mise en place en 2013, et qui prévoit d’accompagner les jeunes ni en emploi, ni en formation ou ni en études (NEET). Ainsi, selon ce dispositif, tout jeune de moins de 25 ans doit bénéficier d’une offre d’emploi de qualité, d’une formation continue, d’un apprentissage ou d’un stage après la perte d’emploi ou la sortie du système éducatif. Le jeune bénéficie également d’une aide financière.
Face à ces enseignements, comment appréhender le plan d’aide proposé par le gouvernement français ?
Le plan propose trois volets qui s’adressent à des publics différents. En ce qui concerne le premier volet, les évaluations des expériences passées tendent à montrer que les dispositifs d’aide à l’embauche pour les entreprises s’avèrent efficaces et améliorent l’insertion des jeunes dans l’emploi marchand. Ces dispositifs semblent ainsi aller dans la bonne direction en augmentant l’incitation des entreprises à embaucher des jeunes en capacité d’exercer un emploi. Cependant, ils dépendent de la volonté des entreprises d’accroître le volume de leur main d’œuvre et ils ne pourront alors améliorer la situation relative des jeunes que lorsque les entreprises embaucheront de façon plus conséquente. Les dispositifs d’emplois aidés, pour leur part, n’améliorent pas l’insertion dans l’emploi marchand mais peuvent comporter des bénéfices plus larges en termes de santé et de bien-être. Ils maintiennent le lien des jeunes avec l’emploi et peuvent accroître leurs compétences générales. Ils apparaissent pertinents dans un contexte de crise et de recul du nombre d’emplois proposés et pourraient être reconsidérés une fois l’activité économique repartie. Enfin, le dernier volet concernant l’orientation des jeunes vers la formation et les métiers d’avenir pourrait répondre au problème de compétences mentionnées comme frein à l’embauche par de nombreuses entreprises. Une entreprise sur deux met en avant des difficultés de recrutement en 2017. Le premier motif évoqué était celui du problème des compétences (32 %), devant l’incertitude liée à la situation économique (25 %) et les coûts liés à l’emploi (22 %) (Dortet-Bernardet 2017). Améliorer le niveau des compétences des jeunes peu qualifiés semble pertinent et ce d’autant plus s’ils sont orientés vers des métiers appelés à se développer. Ainsi, le plan d’aide pour les jeunes comporte trois volets qui se focalisent sur des publics différents et peut contribuer à améliorer leur insertion sur le marché du travail.
Conclusion
Les jeunes adultes sont, parmi les demandeurs d’emploi, ceux qui sont les plus particulièrement affectés par les crises économiques. En effet, leur situation sur le marché du travail se dégrade beaucoup plus rapidement que celle de leurs aînés. Il est communément admis que leur chômage serait moins grave car il constitue un chômage d’insertion dont la durée est relativement plus faible que celle d’autres catégories de salariés. Cependant, l’observation du passé montre que les jeunes restent longtemps marqués par cet épisode, que ce soient en termes de rémunération ou d’une plus grande vulnérabilité par rapport au chômage futur. Accompagner les jeunes adultes pour les aider à s’insérer ou à garder le lien avec le marché du travail apparaît, par conséquent, tout à fait primordial. Les pouvoirs publics semblent en avoir pris la mesure en proposant des plans d’aide qui, d’une part, ont le mérite de s’appuyer sur des expériences passées qui se sont avérées concluantes et, d’autre part, de prendre en compte l’hétérogénéité des situations des jeunes.
Les mesures prises actuellement pour répondre à cette préoccupation sont-elles suffisamment ambitieuses ? Et quelle sera leur efficacité ? Il semble difficile d’apporter de réponse définitive à cette interrogation tant l’incertitude demeure forte aussi bien sur le plan sanitaire qu’économique.
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[1] En décembre 2020, la Banque de France (2020) prévoyait un pic du taux de chômage de 11 % au premier semestre 2021.
[2] Une personne en âge de travailler est considérée comme étant au chômage au sens du BIT (Bureau international du travail) si : 1) elle est sans emploi, 2) elle est disponible, et 3) elle a effectué des recherches actives d’emploi.
[3] INSEE, Enquête Emploi, 2018.
[4] Union européenne (27 pays) – Chiffres Eurostat pour les 15-24 ans.
[5] NEETs = Not in Employment, Education and Training. Part des NEETs parmi la population des 15-24 ans. Chiffres Eurostat.
[6] Une traduction française de ce terme pourrait être que le chômage laisse des « cicatrices ».
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