Aux sources d’une construction ambivalente
Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).
À l’origine, l’Europe fut avant tout un projet politique. Mais à travers ses réalisations successives la construction européenne a privilégié les vertus de la concurrence dans une économie de libre échange. Elle a ainsi négligé l’importance d’un gouvernement économique fort et les aspects positifs d’un modèle social fédérateur. Pour l’avenir, l’Europe économique et l’Europe sociale devraient être indissociables, ce qui pose la question de l’adhésion à un modèle commun.
Mots-clefs : histoire économique de l’Europe, modèle économique et social européen, zone de libre-échange.
Citer cet article
Michel Dévoluy « Aux sources d’une construction ambivalente », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 15, 3 - 8, Hiver 2006.
Depuis son origine, la construction européenne s’est développée sur la base de grandes ambitions déclarées par une élite avide de paix et de concorde entre les peuples. Mais les réalisations restent insuffisantes dans la mesure où elles ont produit une architecture institutionnelle complexe et peu démocratique. L’Europe a donné sa priorité au grand marché, puis à la monnaie unique, sans en tirer toutes les conséquences en matière de politiques économiques et sociales. Cette évolution soulève des frustrations et l’Europe apparaît à la fois omniprésente, éloignée des citoyens et, au final, assez impuissante.
Entre projet politique et zone de libre échange
L’Europe est souvent qualifiée de construction totalement originale ou encore sui generis. Elle est le produit d’une histoire spécifique que l’on associe à la méthode communautaire. Dans les faits, la construction européenne, en l’absence d’une volonté politique lisible et forte, n’a pas vraiment prolongé les perspectives audacieuses offertes par ses fondateurs. Elle s’est plutôt construite en écho aux visions de Churchill et de Hayek que dans la stricte continuité de Jean Monnet.
Churchill dans son discours de Zurich de septembre 1946 souhaitait que les États-Unis d’Europe, sans le Royaume Uni, deviennent un espace de paix et un grand marché, mais pas une super puissance. Hayek, dès 1939, formulait un projet où les marchés totalement libres induiraient la constitution d’une fédération d’États désengagés de tout interventionnisme économique [1]. Jean Monnet, un des pionniers de l’Europe communautaire, s’inscrivait au contraire dans une perspective fédéraliste devant mener vers une union politique.
Cette tension qu’on observe, dès l’origine, entre un projet politique fédérateur et la construction d’une zone de libre échange parcourt l’histoire de la construction européenne jusqu’à aujourd’hui.
Sans remonter jusqu’à Victor Hugo, qui rêvait déjà en 1848 d’une Europe pacifiée, l’idéal d’une Union politique européenne s’est traduit, dès l’entre deux guerres, par la fondation du mouvement Pan européen du comte Coudenhove-Kalergi en 1923 à Vienne. On a ensuite assisté à une montée en puissance d’un mouvement fédéraliste à travers des réunions ou congrès. L’année 1946 fut à cet égard exemplaire. Il y eu d’abord, en septembre, Zurich avec l’important discours de Churchill évoqué ci-dessus. Puis Hertenstein (au bord du lac des Quatre Cantons) où les participants proposèrent un programme en douze points pour une fédération européenne. C’est en décembre, à Paris, que fut officiellement constituée l’Union européenne des fédéralistes. Ce mouvement tînt ensuite congrès à Montreux en août 1947. Là, furent proclamées une motion de politique générale et une motion de politique économique. Cette dernière mérite particulièrement d’être lue tant elle pose clairement les conditions à remplir pour construire une Europe économique (voir le texte en annexe). Plus connus encore, les États généraux de l’Europe, qui eurent lieu à La Haye en mai 1948, auraient pu être le grand début d’une Europe politique. En fait, ils débouchèrent sur la création du Conseil de l’Europe en 1949. On s’éloignait ainsi de la perspective d’une union politique souhaitée par les fédéralistes.
L’Europe de l’après-guerre n’est pas seulement l’affaire des Européens. Elle préoccupe fortement les États-Unis. D’ailleurs, leur intérêt pour cette question croîtra avec le glissement vers la guerre froide et leur volonté de construire un front occidental commun face au bloc soviétique.
Très tôt, le plan Marshall, lancé en juin 1947, et la création de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) en 1948 vont placer la question de la reconstruction économique de l’Europe sur le devant de la scène et sous le regard américain. Les crispations liées au « rideau de fer » se développeront par la suite et notamment après le refus de l’Union soviétique de bénéficier du plan Marshall.
L’Europe en mouvement ne se contenta pas du Conseil de l’Europe et du plan Marshall. Elle ira plus loin en vue d’ancrer la prospérité et la paix autour de la réconciliation franco allemande. Ce sera le lancement de l’Europe communautaire. Son point de départ fut le discours de Robert Schuman du 9 mai 1950, très largement inspiré par Jean Monnet. Le souffle politique est présent. Il s’agit, à travers une communauté d’intérêt, le charbon et l’acier, de jeter les « assises concrètes d’une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix ». Dès l’origine la CECA instaure une construction originale à partir d’un marché unique pour le charbon et l’acier. Les États membres vont désormais gérer en commun, pour ces deux domaines, les investissements, la recherche et la stabilisation des prix. La CECA lancée en 1951 par les six pays fondateurs, a explicitement pour mission de devenir le moteur d’une Europe politique à venir.
Les ambitions politiques, traduites à travers la CECA, auront assez vite un prolongement particulièrement lisible. En effet, les six pays participants à la CECA signent en mai 1952 un traité sur la Communauté européenne de défense (CED) qui envisage une armée commune. En franchissant ce pas, les Six sont obligés de se confronter à la question de la légitimité politique de leur entreprise. Rien de surprenant alors qu’il ait été prévu de coiffer la CECA et la CED par une Communauté européenne politique (CEP) de nature supranationale. Le chemin vers une union politique semblait ré-ouvert. Mais une étape restait à franchir avec la ratification du traité CED par chacun des six états concernés. La France stoppera alors cette dynamique par un vote négatif de son parlement en 1954.
Après le rejet de la CED, l’Europe va infléchir sa trajectoire en se concentrant sur l’intégration économique, tout en cultivant la rhétorique de l’intégration politique. Il faut dire que les évolutions sont rapides au milieu des années 1950. Les effets du choc dévastateur de la 2 e guerre s’estompent et, surtout, le redressement économique porte ses fruits. Du coup, la question d’une Europe politique n’est plus aussi pressante, et on retrouve la centralité des approches intergouvernementales.
Dès lors que les États ne sont pas prêts à accepter d’importants transferts de compétences vers une fédération, l’idée de construire une Europe interventionniste en matière économique et sociale n’est naturellement pas à l’ordre du jour.
Le traité CEE signé en 1957 entérine la prévalence de l’économie. Corrélativement, il réduit les ambitions politiques des pères fondateurs. La CEE a pour mission « par l’établissement d’un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des États membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroites entre les États qu’elle réunit. » (art.2). Il est à noter que la détermination « d’établir les fondements d’une union toujours plus étroite entre les peuples européens » apparaît seulement dans le préambule du traité. Cela demeure donc un souhait. Certes, la CEE n’est pas simplement une zone de libre échange à laquelle le Royaume Uni et d’autres États auraient sans doute accepté de s’associer dès le départ. Mais l’aspect intergouvernemental est tout de même premier. Les pays de l’Europe de l’ouest qui sont restés en dehors de la CEE ont d’ailleurs créés, dès 1960, l’Association européenne de libre échange (AELE) afin de commercer librement entre eux, sans pour autant afficher des ambitions politiques communes.
Le traité Euratom, lui aussi signé en 1957, porte un choix politique européen puisque son objectif est le développement en commun de l’énergie atomique civile. Mais il est, lui aussi, largement le produit de circonstances exceptionnelles. La crise de Suez de 1956 a en effet pointé la fragilité des approvisionnements des pays européens en matière énergétique.
La CEE se sédimente à partir de 1958 à travers la constitution d’un marché commun qui aboutira à une véritable union douanière en 1968. Ce cheminement s’inscrit dans la doctrine libre échangiste, même si la politique agricole commune (PAC) lancée en 1962 et les politiques de cohésion régionale font figure d’exceptions. De fait, l’intégration européenne se développe avant tout en dehors du courant interventionniste.
Mais en même temps, la période des « trente glorieuses » de l’après guerre se caractérise par la présence de politiques interventionnistes fortes menées au niveau de chaque État membre. Les idées de Keynes sont en effet largement intégrées dans les politiques nationales. L’entrée dans la stagflation, à partir du milieu des années 1970, ainsi que le poids croissant du courant conservateur vont changer la donne. Désormais, les politiques économiques des États membres seront beaucoup plus en résonance avec la doctrine libre échangiste et libérale soutenue par la CEE. L’entrée dans la CEE de grands pays de l’AELE, comme le Royaume-Uni, conforte explicitement ce mouvement.
La grande étape institutionnelle suivante fut l’acte unique, signé en 1986. Son objectif essentiel est de continuer à faire progresser l’intégration dite « négative » [2] par la constitution d’un grand marché qui s’étend, en plus des marchandises, aux services, aux capitaux et aux travailleurs. La concurrence devient, plus encore qu’avant, le moteur essentiel de l’intégration. La pensée keynésienne est clairement évincée. C’est le triomphe tardif de Hayek, à travers le rôle important de la pensée britannique dans l’élaboration de l’acte unique. Ajoutons que la désintégration du bloc soviétique matérialisée par la chute du mur de Berlin en 1989 contribua a très largement à valider la supériorité du modèle conservateur libre échangiste. La fin de l’État providence est proclamée par beaucoup.
Maastricht, signé en 1992, ira dans le même sens. Le traité conforte et accentue la dynamique du marché unique en planifiant le chemin vers une monnaie unique et la création d’une Banque centrale européenne (BCE) indépendante. Mais l’architecture institutionnelle inscrite dans le traité continue de faire la part belle aux mécanismes de marché. L’Europe, plus précisément l’Union économique et monétaire (UEM) lancée à Maastricht, ne se dote pas d’un gouvernement économique. Elle se contente, à côté d’une politique monétaire unique, de la mise en place de mécanismes de surveillance multilatérale qui placent les États membres dans une logique de concurrence vertueuse. Les deux principaux instruments prévus par le traité sont exemplaires à cet égard. Les Grandes orientations de politiques économiques proposées chaque année (GOPE) fixent des lignes très générales peu contraignantes. Le pacte de stabilité de croissance (PSC) encadre les finances publiques des États membres en vue de soutenir la politique de stabilité des prix menée par la BCE.
Le traité d’Amsterdam, signé en 1997, les Lignes directrices pour l’emploi (LDE) le principe d’une simple coordination indicative dans le domaine des politiques de l’emploi. La « méthode ouverte de coordination », liée à la stratégie de Lisbonne lancée en 2000, demeure dans cet esprit.
Les analyses du versant économique des traités montrent le rôle déterminant de la coordination et de la surveillance multilatérale. Ce choix est fondateur de l’architecture actuelle, mais il pointe également ses limites.
Une intégration économique inachevée
L’Europe s’est résolument appuyée sur le rôle moteur de l’intégration par les marchés en négligeant sa contrepartie : la gestion unifiée des politiques économiques et sociales. En reprenant une typologie courante des politiques économiques on observe que les traités ont transféré au niveau de la Communauté une partie de la fonction d’allocation en offrant un cadre communautaire au marché unique. Mais ils ont très largement laissé aux États membres, ou à des agences indépendantes comme la BCE, les fonctions de redistribution et de stabilisation de l’économie. Au total, l’intégration « négative » est allée plus vite que l’intégration « positive ». Le marché unique puis l’euro n’ont pas entraîné l’intégration politique nécessaire à son bon fonctionnement.
Il convient d’ajouter ici que la rationalité des responsables politiques n’a pas contribué à la construction d’une fédération puissante. En effet, une Europe politique forte implique l’abandon de la primauté de beaucoup des pouvoirs nationaux. Or, mis à part la présence de circonstances extraordinaires et/ou de personnalités exceptionnelles, les élus sont peu enclins à se dessaisir librement de leurs pouvoirs afin de le transférer à un niveau supérieur. Il est vrai qu’il faut beaucoup de courage et d’abnégation pour porter un projet qui implique la disparition de son propre pouvoir. Bref, pour résumer par un adage, « les dindes n’ont pas pour habitude de lancer les invitations pour le repas de Noël ».
L’efficacité d’un marché unique parfaitement intégré conduit à une forte communautarisation des politiques d’allocation. Il s’agit de bien faire fonctionner le grand marché. Mais c’est insuffisant. Un véritable marché unique devrait également impliquer des transferts des responsabilités majeures en matière de répartition et de stabilisation macroéconomique. Dans le cas contraire, on aboutit à un grand marché inachevé, c’est-à-dire segmenté, où chaque État membre suit sa politique dans le cadre de ses choix démocratiques et des caractéristiques de son modèle social. Ceci conduit alors à des formes de concurrence entre les systèmes économiques et sociaux des États membres, ce qui n’est pas le meilleur moyen de faire émerger le sentiment d’identité européenne.
La question de l’intégration politique est accentuée par la présence d’une monnaie unique. Un pouvoir politique unifié dispose normalement de la combinaison de la politique monétaire et de la politique budgétaire (le policy mix) pour mener les politiques macroéconomiques de stabilisation qui maintiennent la croissance, le chômage et l’inflation à des niveaux raisonnables. Ce policy mix n’est pas possible dans la zone euro puisque les États qui ont adopté la monnaie unique ont souhaité rester autonomes en matière budgétaire. Dans cette configuration, des politiques budgétaires nationales, menées en toute indépendance, menaceraient en permanence la crédibilité et l’efficacité de la politique monétaire unique. Pour éviter ces risques, les États doivent adopter, au minimum, une attitude coopérative en matière budgétaire. Mais les solutions coopératives sont instables et disruptives sur le long terme. Des États souverains ne peuvent pas s’accommoder, sans coût, d’une surveillance multilatérale qui réduit leurs marges de manœuvre et leurs autonomies politiques. Cette question était d’ailleurs présente lorsque le rapport Wernert (déposé en octobre 1970) fut débattu en vue de la création d’une monnaie unique pour l’Europe. Déjà à cette époque certaines analyses soulignaient les insuffisances de la simple coordination des politiques [3]. Une monnaie unique dans un marché unique nécessite une politique économique unique gérée dans le cadre d’une intégration politique assez avancée. C’est d’ailleurs le cas dans tous les États fédéraux ou confédéraux qui possèdent une seule monnaie.
Les interrogations sur le modèle social
On est longtemps resté sur l’idée que le système social n’a pas besoin d’être unifié au niveau européen. Cette position se justifie si on admet que les politiques sociales nationales ne produisent pas d’externalités et n’induisent pas des effets d’échelle. Mais ce n’est plus le cas lorsque l’interdépendance des économies européennes s’accroît comme au sein de l’UEM, et particulièrement dans la zone euro. Par ailleurs, au-delà de la simple logique économique, la question sociale est au cœur de la formation des identités collectives.
La présence de modèles sociaux différents selon les États est une des éléments explicatifs de la primauté de l’intergouvernemental sur le supranational en Europe. La variété des modèles nationaux est à la fois une réalité profonde et un prétexte pour entraver la marche vers le fédéralisme politique. Chaque modèle social est un vecteur d’identité puissant, fruit de l’histoire et résultat de préférences collectives. Par conséquent, chaque État possède son système propre. Sur cette base, la convergence vers un modèle unique peut sembler difficile et même illusoire. Pourtant un grand marché unifié doit fonctionner dans un environnement social assez homogène. Dans le cas contraire, l’attraction pour le dumping fiscal et social demeure permanente.
Mais ce point de vue ne fait pas l’unanimité. Pour ceux qui s’appuient sur le caractère inéluctable des effets de la compétition entre les États, la concurrence apparaît comme naturelle et efficace, et il faut l’encourager. Selon cette logique, seuls les systèmes sociaux performants face à la mondialisation pourront subsister. Une telle vision épouse une approche très extensive des vertus de la concurrence puisque celle-ci doit s’appliquer, non seulement aux marchés, mais également aux politiques publiques. On retrouve ici la pensée de Hayek pour qui un secteur public puissant ouvre « La route vers la servitude », pour reprendre le titre de son célèbre ouvrage publié en 1944.
Tout en admettant que la concurrence entre les modèles sociaux est néfaste, force est de reconnaître que la convergence vers un modèle social unifié en Europe est une entreprise difficile. La mise en place d’un système social européen exige des choix politiques très volontaires impliquant la construction d’un véritable espace de solidarité au sein de l’Union.
Pour avancer dans cette direction, une connaissance comparative des systèmes nationaux est fondamentale. Il s’agit à la fois de faire émerger un socle commun de valeurs à l’ensemble des États concernés et de révéler les mécanismes fédérateurs qu’il convient de promouvoir au niveau de l’Union.
Le débat se complique d’autant plus que le modèle social de référence forgé actuellement par l’Union se détourne des modèles d’après guerre [4]. Ces derniers, qu’ils aient été inspirés de Beveridge ou de Bismarck, admettaient l’interaction vertueuse entre le développement économique et la protection sociale. Il s’agissait de dégager les individus des pures lois du marché et de soutenir l’économique par le social. Depuis, on observe une plus grande tolérance aux inégalités et à la réduction des protections sociales. L’idée qu’il existe une opposition entre l’efficience économique et la générosité des politiques sociales a fait son chemin dans beaucoup d’esprits et de politiques. La concurrence entre les systèmes sociaux devient alors une des composantes de la concurrence par les prix.
Néanmoins, l’observation des modèles scandinaves conduit à modérer l’attraction pour le moins disant social [5]. L’économiste américain Jeffrey Sachs tire par exemple « Les vraies leçons économiques de l’Europe du Nord » [6] dans le journal Les Echos du 5 juin 2006 en écrivant « Hayek avait tort : les pays nordiques ont profité, et non souffert, d’un État providence fort ».
Une politique sociale forte n’est pas un handicap pour l’efficacité économique. Bien au contraire, elle remplit plusieurs fonctions essentielles sur le plan strictement économique :
- elle accroît la valeur du capital humain et, par conséquent, elle favorise la croissance économique.
- elle contribue à réduire l’incertitude sur le futur des acteurs économiques, ce qui est un vecteur de confiance dans l’avenir.
- elle s’inscrit dans une logique keynésienne de soutien à la conjoncture économique afin d’assurer une croissance régulière.
- elle forge la stabilité politique qui est un des vecteurs essentiel du développement économique de long terme.
Ces quatre effets doivent être rappelés dans un monde que l’on dit soumis à la mondialisation. Les politiques sociales profitent à l’ensemble des membres de l’Union. Elles produisent des externalités positives et des effets d’échelle. De plus, elles participent de façon décisive à la formation du sentiment d’identité européenne.
Au total, le bon fonctionnement d’un marché unique et d’une monnaie unique implique une très forte convergence des politiques économiques et sociales. La construction d’un système social puissant et fédérateur pour l’Europe soulève deux problèmes intimement liés : l’architecture optimale du gouvernement économique pour l’Europe et le contenu que l’on souhaite donner à l’espace de solidarité européenne. On retrouve ainsi la primauté du politique qui était souhaitée par les pères de l’Europe.
Bibliographie
Gillingham J., European Integration 1950-2003, Superstate or New Market Economy ?, Cambridge University Press, 2003.
Gouzy J.-P., Les pionniers de l’Europe communautaires, Centre de Recherches Européennes de Lausanne, 1968.
Urban S., « The European Welfare State under Pressure : between European and Global Integration. Some Critical Issues”, The European Union Review, Vol. 10, N°1, 2005.
[1] Dans « The Ecocomic conditions of Interstate Federalism », paru en 1939, F.A. Hayek démontre qu’une une union politique va de pair avec une économie de marché totalement ouverte. Ce texte est repris dans Individualism and Economic Order, Chicago 1948.
[2] L’intégration « négative » élimine l’ensemble des barrières qui entravent la constitution d’un grand marché, tandis que l’intégration « positive » met en place des politiques communes ou uniques.
[3] Le Congrès des Économistes de langue française, tenu en mai 1970 à Nice, avait comme thème « La monnaie et la construction de l’Europe ». Il est très instructif de se reporter aux débats de l’époque qui sont repris dans un le numéro spécial de la Revue d’économie politique de juillet août 1970. Le Rapport de synthèse écrit par le professeur Jean Claude Dischamps résume excellemment les enjeux.
[4] Le chapitre « normes sociales et politiques macroéconomiques » de L’État de l’Union européenne 2005, montre le recul du modèle social européen d’après guerre, dir. J.-P. Fitoussi et J. Le Cacheux, Fayard 2005.
[5] La revue Sociétal N° 52 du 2 e trimestre 2006 présente un dossier sur « Le modèle nordique » qui synthétise les caractéristiques de chacun des principaux pays concernés : Danemark, Finlande, Norvège et Suède.
[6] Il s’agit du titre de l’article.
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- Éditorial — Tâtonnment vers une gouvernance européenne, Michel Dévoluy, Moïse Sidiropoulos
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