Un nouveau cycle de coordination pour l’UEM

Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).

L’année 2003 ouvre des perspectives en matière de coordination des politiques économiques dans l’UEM. Une procédure nouvelle est mise en place. Mais sans volonté politique forte, le changement ne sera que de pure forme.

Mots-clefs : coordination des politiques, Grandes orientations de la politique économique (GOPE), Stratégie de Lisbonne.

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Michel Dévoluy « Un nouveau cycle de coordination pour l’UEM », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 8, 3 - 5, Été 2003.

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Une nouvelle procédure à partir de 2003

Le Conseil européen de Barcelone de mars 2002 a souhaité recevoir, pour le Sommet de mars 2003, des propositions très concrètes de la Commission en vue d’une coordination plus étroite des politiques économiques et d’une synchronisation des calendriers des procédures.

La Commission a répondu à cette demande dans une Communication du 3 septembre 2002. Les propositions, que nous avons déjà évoquées dans le numéro précédent de ce Bulletin ont été validées par le Conseil européen qui s’est tenu à Bruxelles les 20 et 21 mars 2003. Le calendrier a donc été respecté.

La réforme touche les procédures des Grandes orientations des politiques économiques (GOPE) et des Lignes directrices pour l’emploi (LDE). Elle intègre également le Processus de Cardiff dont l’objet est de renforcer la coordination des réformes structurelles dans les domaines des marchés des biens et des services et des marchés des capitaux.

Il ressort de cet aménagement deux évolutions significatives : un cycle de coordination annuel plus lisible et le choix d’une perspective tri-annuelle.

1) Un cycle de coordination plus lisible

Le cycle formel de coordination reste, conformément aux Traités, sur un rythme annuel pour les GOPE et les LDE. Mais il est simplifié et rationalisé. Tout est organisé sur deux temps forts que sont le paquet mise en œuvre et le paquet orientations.

Le paquet mise en œuvre, présenté en janvier, est un rapport de la Commission qui évalue le suivi des orientations proposées l’année précédente. Il fournit une appréciation générale et une appréciation par États membres.

Le paquet orientations est préparé par la Commission. Il concerne les GOPE, les LDE et le bon fonctionnement du marché intérieur (le Processus de Cardiff). Ce « paquet » s’élabore en plusieurs étapes. La Commission commence par proposer les grands thèmes à traiter dans ce « paquet ». Ils sont validés par le Conseil européen de printemps. La Commission présente ensuite ses « propositions » qui doivent être approuvées par le Conseil européen de juin. Finalement, les Conseils des ministres compétents adoptent les trois composantes du paquet orientations : le Conseil Ecofin pour les GOPE, le Conseil Emploi, politique sociale, santé et consommateurs pour les LDE et le Conseil de la Concurrence pour la stratégie concernant le marché intérieur.

2) Une perspective tri-annuelle

Le cycle des deux « paquets » permet de respecter le calendrier annuel de la surveillance multilatérale prévue par les Traités. Mais le paquet orientations s’inscrit délibérément dans une perspective de moyen terme. Il couvre une période de trois ans. Bien sûr, des ajustements sont toujours possibles, si nécessaire, à l’occasion des procédures annuelles. Il est à noter que la période tri-annuelle prise comme référence s’harmonise avec la méthode de surveillance pratiquée dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. En effet, les programmes de stabilité présentés chaque année par les États membres sont établis sur la base des trois années à venir.

Les nouveaux aménagements peuvent avoir deux interprétations polaires. Soit il s’agit de simplifier et de rendre plus lisibles, bref de rationaliser, des procédures lourdes prévues par les Traités. Soit on assiste au début d’une forme de coordination effective qui s’inscrit dans une perspective de moyen terme. Dans ce deuxième cas, on aurait l’ébauche d’une dynamique propre aux politiques économiques européennes qui élaborerait une forme originale de gouvernance économique.

Le Président Prodi, en présentant à la presse le 8 avril 2003 le premier paquet orientations, adhère à cette perspective volontariste en déclarant : « le paquet d’aujourd’hui constitue un premier pas vers une gouvernance économique européenne visant à renforcer l’intégration économique dans l’Union comme deuxième pilier de notre intégration monétaire ». L’avenir dépend ici de la mise en pratique effective des volontés politiques.

Premières applications

L’année 2003 s’est immédiatement inscrite dans la logique des nouvelles procédures. Certes, le premier paquet mise en œuvre interviendra en 2004, puisqu’il portera sur les résultats des orientations de 2003. Mais la Commission a eu la volonté très explicite de suivre le nouveau calendrier en présentant son rapport sur la mise en œuvre des GOPE dès le 14 janvier 2003 alors que ce rapport était, avant, remis fin février. Pour ce qui concerne le paquet orientations, la Commission européenne a adopté le 8 avril, comme indiqué ci-dessus, ses propositions pour la période 2003-2005.

1) La mise en œuvre des GOPE 2002

Depuis le Conseil européen de mars 2000, qui a défini la désormais fameuse stratégie de Lisbonne, les GOPE se sont inscrites dans une optique de moyen terme. Cette stratégie exprime la volonté de construire une économie de croissance durable, fondée sur la connaissance, créatrice d’emploi et non-inflationniste, respectueuse de l’environnement. Toutes ces options relèvent bien du moyen terme. Il n’est donc pas surprenant de retrouver pour 2002 les mêmes huit orientations stratégiques que l’on avait déjà pour 2001 à savoir :

  • mettre en œuvre des politiques macroéconomiques axées sur la croissance et la stabilité,
  • améliorer la qualité et la viabilité des finances publiques,
  • dynamiser les marchés du travail,
  • relancer les réformes structurelles sur les marchés des produits,
  • promouvoir l’efficacité et l’intégration des marchés financiers de l’UE,
  • encourager l’esprit d’entreprise,
  • promouvoir l’économie fondée sur la connaissance,
  • soutenir le développement durable.

Nous ne reprendrons pas ici l’évaluation détaillée fournie par la Commission [COM(2003) 4 final]. Exprimons néanmoins les appréciations globales qui résument la tonalité générale sur chacune des huit orientations.

  1. La Commission absout les politiques macroéconomiques européennes du ralentissement considérable des économies. Les raisons sont à rechercher dans la perte de confiance des acteurs et dans l’environnement international chargé d’incertitudes.
  2. Il faut continuer à réduire les dépenses publiques tout en se préparant au vieillissement des populations.
  3. La modernisation du marché du travail passe par la flexibilité, le temps partiel et la réduction des verrous aux licenciements.
  4. La libéralisation des industries de réseaux (gaz et électricité) est sur une bonne voie, avec des écarts sensibles selon les pays.
  5. L’intégration financière se poursuit favorablement, malgré le retard sur la question des règlements transfrontaliers.
  6. Il faut améliorer l’environnement réglementaire des entreprises et favoriser l’accès au financement des PME.
  7. Les nouvelles technologies se développent, mais les investissements en recherche et développement restent insuffisants : 1,9 % du PIB actuellement alors que l’objectif est de 3 %.
  8. Le développement durable appelle beaucoup d’efforts et d’innovations au niveau des mécanismes d’incitations.

La Commission présente également une évaluation de la mise en œuvre des GOPE par Etat membre. Le tableau ci-dessous résume les évaluations qualitatives : satisfaisants, moyens et limités. Elles portent sur trois grands domaines : les finances publiques, le marché du travail et les marchés de produits. Les bons élèves sont le Danemark et la Suède. On trouve en queue de classe l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, la France, l’Italie et le Luxembourg.

Appréciation de la mise en œuvre des GOPE 2002 par Etat membre :
Finances publiques Marché du travail Marché de produits
Allemagne Limités Limités Moyens
Autriche Limités Limités Moyens
Belgique Moyens Moyens Moyens
Danemark Satisfaisants Moyens Satisfaisants
Espagne Moyens Moyens Moyens
Finlande Moyens Moyens Limités
France Limités Moyens Moyens
Grèce Moyens Moyens Moyens
Italie Limités Moyens Moyens
Irlande Moyens Moyens Moyens
Luxembourg Moyens Moyens Moyens
Pays-Bas Moyens Moyens Moyens
Portugal Moyens Moyens Moyens
Royaume-Uni Moyens Moyens Satisfaisants
Suède Satisfaisants Satisfaisants Moyens

Source : Communication de la Commission du 14.01.2003, p. 39.

2) Le paquet orientations 2003-2005

La Commission européenne a rendu public le 8 avril 2003 un document qui résume ses propositions pour le premier paquet orientations. Ce « paquet » s’appuie très explicitement sur la stratégie de Lisbonne. Il comprend les GOPE et les LDE. Nous citons simplement ici les grands axes. Ils devront être entérinés au Conseil européen de juin 2003.

Pour les GOPE, la Commission recommande :

  • des politiques macro-économiques axées sur la croissance et la stabilité,
  • des réformes économiques visant à augmenter le potentiel de croissance de l’Europe,
  • de renforcer le caractère durable de la croissance.

Le document complet sur les GOPE 2003-2005 a été publié le 8 avril 2003 [COM(2003) 170 final]. Rappelons que les GOPE proposent également des orientations par pays. Nous ne les reprenons pas dans cette courte présentation.

Pour les LDE, la Commission s’appuie sur sa Communication du 14 janvier 2003 [COM 2003 6 final]. Cette communication propose « une stratégie pour le plein emploi et des emplois de meilleure qualité pour tous » qui participe à l’augmentation du potentiel de croissance de l’Europe. Cette ambition se décline en trois objectifs :

  • le plein emploi,
  • la qualité et la productivité du travail,
  • la cohésion associée à un marché du travail favorisant l’intégration.

Toutes ses propositions demeurent dans la logique actuelle de la coordination des politiques économiques. On part de la définition d’une stratégie globale, mais il n’y a pas de véritables politiques décidées en commun. C’est encore une forme de gouvernance économique à minima qui se construit en évitant la délicate question du fédéralisme économique.

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