Quelle politique de cohésion pour l’Europe à 25 ?

Damien Broussolle, Institut d'Etudes Politiques, Université de Strasbourg (LaRGE),

La politique de cohésion est l’un des trois piliers de l’Union européenne (UE). Elle a obtenu une reconnaissance institutionnelle avec le traité de Maastricht. Le soutien financier qu’elle apporte aux régions et aux pays en retard de développement a été conforté à plusieurs reprises, l’élargissement va cependant la soumettre à de fortes tensions.

Mots-clefs : économie en transition, élargissement de l’UE, Fonds de Cohésion , Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) , Politique agricole commune (PAC), politique de cohésion.

Citer cet article

Damien Broussolle « Quelle politique de cohésion pour l’Europe à 25 ? », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 10, 3 - 4, Été 2004.

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L’Europe à 25 connaîtra en effet de plus fortes disparités de richesses. Les écarts régionaux vont notamment doubler. Dans la plupart des nouveaux États, le PIB par habitant, mesuré en parité de pouvoir d’achat, sera en dessous de 60 % de la future moyenne communautaire. Les besoins de solidarité et de rattrapage vont donc augmenter dans des proportions élevées, alors qu’avec l’arrivée des 10 le budget de l’UE restera limité et n’augmentera que d’un peu plus de 4 %. Parmi les 15, les plus gros bénéficiaires des aides structurelles, comme l’Espagne, vont perdre tout ou partie des fonds qu’ils recevaient jusqu’à présent. Plusieurs régions (18) notamment en Espagne, Italie et Allemagne vont perdre le bénéfice des aides à cause d’un effet statistique qui, en faisant baisser la moyenne communautaire de 12,5 %, modifie leur classement dans la nouvelle UE. Alors qu’elles étaient relativement pauvres dans l’UE 15, elles se découvrent riches dans l’UE 25.

+l’agenda 2000 et les accords de décembre 2002, son devenir pour la période 2007-2013 reste cependant en suspens.

Michel Barnier, lorsqu’il était encore commissaire en charge de la politique régionale, avait lancé un débat sur l’avenir de la politique structurelle. Ouvert en janvier 2001, après la publication du deuxième rapport sur la cohésion, le débat a permis l’expression de nombreuses opinions et fut très vif. Les options discutées se sont rangées dans un vaste éventail allant d’un aménagement limité de la politique actuelle, jusqu’à la suppression des politiques régionales communautaires et leur renationalisation. Le rapport Sapir publié en 2003, fut l’un des tenants de cette dernière approche qui est soutenue par plusieurs pays de l’UE.

Après avoir fait connaître début février 2004 les grandes lignes de son projet de programmation budgétaire pour 2007-2013, la Commission a publié, le 18 février, son troisième rapport sur la cohésion économique et sociale. qui présente ses propositions pour la politique de cohésion dans l’union élargie. Elle bénéficierait, au total sur les sept ans, de 336 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 30 % par rapport à la période 2000-2006 [1]. Cette politique prendrait alors la première place dans le budget de l’UE, devant la PAC. L’augmentation des fonds affectés à la cohésion marque ainsi l’importance qui lui est à présent accordée dans le cadre de l’union élargie.

Dans le débat engagé, sans véritable surprise la Commission opte pour la poursuite et l’amplification de la politique de cohésion. Les points marquants des propositions sont les suivants :
Les sommes mises à disposition des nouveaux États vont augmenter dans de très larges proportions. En effet, grosso modo, après avoir plus que doublé entre 2003 et 2006, les fonds d’aide destinés aux 12 nouveaux membres vont presque quadrupler entre 2006 et 2013, pour atteindre environ 30 milliards d’euro en 2013. Ce sont donc des crédits sans aucune mesure avec ceux de la période de préadhésion que les nouveaux pays vont avoir à leur disposition. Encore leur faudra-t-il présenter des projets solides, cohérents et améliorer leurs capacités administratives. Pour éviter une surchauffe, chaque pays ne pourra recevoir un montant d’aide supérieur à 4 % de son PIB.

Les critères d’attribution des fonds seront conservés. Parmi les différentes options
possibles, la Commission a choisi celle qui est la plus sévère pour les régions de l’UE actuelle. Les 18 régions de l’effet statistique, vont perdre le bénéfice des fonds structurels. Cette perte sera cependant progressive : un dispositif de transition est prévu. C’est un message fort adressé aux régions et aux nouveaux pays. La priorité sera bien l’aide à la modernisation des régions des nouveaux membres. Ce choix risque néanmoins de se heurter à des réticences.

La Commission propose trois nouvelles priorités pour les aides structurelles :

  1. La convergence pour soutenir la croissance et l’emploi, qui disposera de 78 % des crédits. Elle a pour fonction de financer des investissements pour réduire les écarts régionaux (ancien objectif 1) et nationaux (fonds de cohésion maintenu). Dans les deux cas, les seuils d’attribution sont conservés, malgré l’effet statistique. L’Espagne et l’Irlande perdront ainsi le bénéfice du fonds de cohésion.
  2. La compétitivité régionale et l’emploi, qui disposera de 18 % des crédits affectés. Elle reprend les anciens objectifs 2 et 3. Elle concerne les régions qui ne bénéficient pas de la convergence.
  3. La coopération territoriale européenne. Avec 4 % des crédits, elle reprend et amplifie la démarche du PIC Interreg. Dans ce cadre, un nouvel instrument financier dit de « voisinage » devrait voir le jour par la suite, afin d’autoriser des coopérations transfrontalières avec les pays voisins de l’UE élargie.

Les procédures seront simplifiées et clarifiées. Le nombre de fonds diminue, chaque fonds se verra attribué une fonction unique. Ne subsisteront pour financer la politique de cohésion que le FEDER, le FSE et le Fonds de cohésion. Le premier consacré à la politique régionale, le deuxième aux actions en relation avec le marché du travail et le troisième au financement d’infrastructures de développement. Le développement rural relèvera, quant à lui exclusivement de la PAC, donc du FEOGA.

Un rendez vous est donné pour un forum les 10 et 11 mai 2004 qui présentera de façon détaillée l’ensemble de ces propositions et permettra une discussion entre tous les acteurs concernés. La décision finale concernant l’ensemble du budget n’est pas attendue avant fin 2005. En effet, ces propositions concluent un débat mais ouvrent des négociations. Plusieurs pays souhaitent réduire l’importance du budget de l’UE, actuellement fixé à 1,27 % du PIB de l’UE, à 1 % du PIB. Dans cette éventualité, comme les crédits affectés à la PAC ont été sanctuarisés en 2002, ce sont ceux de la politique de cohésion qui se trouveraient réduits. Le prix de la solidarité européenne serait-il trop élevé ?


[1Pour la période 200-2006, on a tenu compte non seulement des crédits destinés aux 15, mais aussi des crédits de préadhésion et d’adhésion.

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