Des Objectifs du millénaire pour le développement aux Objectifs du développement durable : quelle contribution de l’Union européenne ?

Claire Mainguy, Université de Strasbourg (BETA)

Francis Kern, Université de Strasbourg (BETA)

En 2015, suite aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) dont le bilan est contrasté, les Nations unies ont adopté un agenda universel avec les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030. Premier donateur au niveau mondial, l’Union européenne a largement contribué aux OMD. Le passage de 8 OMD à 17 ODD, et le caractère universel de ces derniers démultiplient les besoins et imposent de se tourner vers des modalités de financement nouvelles à cette échelle.

Mots-clefs : aide publique au développement, développement durable, les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), objectifs du millénaire pour le développement, partenariat économique.

Citer cet article

Claire Mainguy , Francis Kern « Des Objectifs du millénaire pour le développement aux Objectifs du développement durable : quelle contribution de l’Union européenne ? », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 35, 37 - 44, Hiver 2016.

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1 Les OMD, une déclinaison du développement par juxtaposition d’objectifs

Les OMD ont été proposés par Koffi Annan à la veille du 3e Millénaire et soumis à l’Assemblée générale de l’organisation des Nations unies en septembre 2000 à New York. Après vingt années de programmes d’ajustement structurel qui tenaient lieu de stratégie de développement aux institutions internationales, l’ONU et ses agences (PNUD, FAO, UNICEF, PNUE…), se sont engagées avec d’autres acteurs pluriels privés et publics, à atteindre en 2015 les objectifs quantitatifs fixés pour sept des huit objectifs déclarés. Les OMD ont en quelque sorte cherché à relégitimer l’aide publique au développement (APD) en faisant converger les financements internationaux vers ces objectifs. En 2015, même en Afrique subsaharienne, plusieurs objectifs ont été atteints et ce malgré les obstacles que peuvent constituer la croissance démographique, les conflits et la baisse de l’APD [1]. On peut se réjouir des réalisations concrètes que cette politique publique a permises ainsi que de la nouvelle dynamique internationale qu’elle a impulsée.

De plus, il faut souligner que ces OMD sont une réponse aux trappes à pauvreté telles que définies par Jeffrey Sachs (2005) et observées dans les pays les moins avancés (PMA). Les OMD s’inscrivent dans la continuité de la Dimension Sociale de l’Ajustement et des politiques nationales de lutte contre la pauvreté concrétisées d’abord dans les Cadres Stratégiques de Lutte contre la Pauvreté puis dans les Cadres Stratégiques de Réduction de la Pauvreté. De ce fait, les OMD expriment une conception empirique, universaliste et multidimensionnelle de la pauvreté s’inscrivant dans une approche descendante de la pauvreté (top-down) (Hugon 2016). Cependant, cette approche multidimensionnelle de la pauvreté vient buter sur « la difficulté d’appréhender par des cibles prenant la forme d’indicateurs chiffrés, la dimension en termes d’extension des capabilities et des droits, ou d’autonomisation des individus (empowerment) inspirées des analyses d’A. Sen ».

Ainsi, « les OMD s’attachent en premier lieu aux symptômes de la pauvreté et de l’absence de développement humain, et non aux mécanismes qui les sous-tendent » (Treillet 2016 : 37).

On se retrouve devant le paradoxe de devoir évaluer la réduction de la pauvreté sans remettre en cause les mécanismes qui les engendrent. Or, ces derniers impliquent une prise en compte à un premier niveau de l’interaction théorique entre pauvreté et inégalité puis, à un second niveau, de l’insertion de la pauvreté dans une problématique plus générale du développement humain incluant la dimension des capabilities, qui comprend à la fois l’exercice des droits politiques et démocratiques et la liberté de choix des individus. Enfin, le troisième niveau qui est occulté au travers des performances des OMD, est la réhabilitation du rôle de l’Etat, de politiques macroéconomiques fondées sur des modèles de croissance inclusive permettant précisément de combattre la pauvreté et les inégalités. A titre d’exemple, la notion de capital humain que permettent de mesurer les OMD concernant l’accès à l’eau potable, la santé et l’éducation occulte les interactions. Ces dernières permettraient de promouvoir les conditions de vie sociale où le renforcement des capabilities ne relèverait pas d’une approche individualiste contrairement à ce que la seule juxtaposition des OMD pourrait laisser penser. « Cette approche ne permet pas d’analyser les limites que les individus rencontrent à leurs choix et à leur action en termes de rapports sociaux, les comportements de groupes identifiés étant présentés comme l’addition de comportements individuels « (Treillet 2016 : 39).

Les OMD semblent, de plus, assigner un objectif unique à l’action publique internationale. Cette représentation critiquable identifie le développement humain à la lutte contre la pauvreté en excluant toute autre stratégie de développement comme celles héritées de la pensée sur le développement depuis le début des années cinquante qui voient « le développement comme un phénomène dynamique de long terme, cumulatif et auto-entretenu, à caractère macro-social et macro-économique. » (Treilllet, 2016 :41). Néanmoins, les OMD ont permis non seulement de remettre la question du développement au cœur de l’agenda des institutions internationales sous l’impulsion de l’ONU mais aussi d’orienter l’APD vers les objectifs énoncés, qu’elle soit bilatérale ou multilatérale.

2. Les contributions de l’aide européenne aux OMD

Les pays membres de l’UE fournissent à eux seuls plus de la moitié de l’APD des pays membres du Comité d’Aide au Développement de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (CAD/OCDE). Sans entrer dans le détail de leur utilisation, ces fonds ont contribué aux OMD en appuyant des projets visant la réduction de la pauvreté grâce à des appuis à l’agriculture, à la sécurité alimentaire et aux infrastructures sociales (accès à l’eau, la santé, l’éducation etc.), ce dernier domaine représentant une priorité au vu du pourcentage des financements qui y sont dédiés (Graphique ; Balleix, 2010 : 120-130).

Graphique : Répartition des dépenses européennes d’aide au développement en 2014

Infrastructures sociales : éducation et santé, eau, administration et société civile, autre. Infrastructure et Services Economiques : transport, communications, énergie, autres services. Production : agriculture, sylviculture et pêche, industrie, exploitation minière et construction, commerce et tourisme. Destination Plurisectorielle / Transversale : environnement, autre.

Source : CAD/OCDE

La majeure partie de l’aide aux pays les plus vulnérables est distribuée grâce à deux outils spécifiques : le fonds européen de développement (FED) destiné aux pays ACP et l’instrument de coopération au développement (ICD) destiné aux pays d’Amérique latine, d’Asie, du Moyen Orient et d’Afrique australe. L’UE se démarque des autres donateurs en octroyant essentiellement des dons. La politique de l’UE adhère aux engagements internationaux qui visent à accroître l’APD et à renforcer son efficacité : Conférences de Monterrey (2002) et d’Addis Abeba (2015) sur le financement du développement ; Déclaration de Paris (2005) et Forum de Busan (2011). La coopération internationale de l’UE ne se résume pas à son APD. Par exemple, l’ouverture de ses marchés aux pays les moins avancés (PMA) dans le cadre de l’initiative « Tout Sauf les Armes » (TSA) est considérée comme un moyen essentiel de contribuer au développement sur le long terme.

La Commission européenne met régulièrement en avant à la fois les particularités de son APD mais aussi ses atouts en tant que premier donateur et donc le rôle prépondérant que l’UE peut jouer dans les pays du Sud. Ce rôle est cependant amoindri par un éparpillement des lieux de décision, chaque pays gardant la main sur son APD bilatérale alors qu’une autre partie de l’APD est distribuée par l’intermédiaire d’autres canaux multilatéraux.

L’UE met tout particulièrement l’accent sur la coordination, la complémentarité et la cohérence de son APD. Il semble que l’Union européenne soit la seule à se poser explicitement la question de la cohérence de ses politiques [2]. Mais des progrès en la matière sont encore nécessaires, comme l’exemple de la politique commerciale menée dans le cadre des accords de partenariat économiques (APE) le montre. En effet, ces négociations, qui se déroulent dans le cadre de l’accord de Cotonou signé en juin 2000 sont longues et difficiles. Les PMA bénéficient de l’initiative TSA et donc de l’ouverture du marché européen à tous leurs produits sans avoir à faire de même vis-à-vis des produits européens. La mise en œuvre d’une zone de libre-échange avec l’UE, dans le cadre d’un APE, aurait pour conséquences : une augmentation de la concurrence pour leurs produits manufacturés qui risque d’accroître le chômage ; une réduction des taxes internationales qui représentent souvent un tiers des recettes budgétaires dans ces pays et qui aurait pour effet de réduire les moyens des Etats notamment pour financer l’éducation ou encore la santé.

A cet égard, l’accord de Cotonou qui régit les relations de coopération des pays ACP et de l’UE, peut ainsi sembler aller à l’encontre des ODD [3]. Les négociations concernant l’accord qui succèdera à celui de Cotonou en 2020, démarreront au plus tard en août 2018 et seront une opportunité pour prendre en compte les ODD tout en renouvelant la coopération UE-ACP, dans un contexte international qui a beaucoup changé depuis le début des années 2000, et l’adoption des OMD (European Commission, 2016).

L’accord sur les ODD en septembre 2015, lors de l’AG de l’ONU, a ouvert la voie à une conception encore plus ambitieuse en mettant le développement durable au cœur des nouveaux objectifs. Certes, cette ambition nous éloigne de la simple mesure du recul de la pauvreté mais les ODD vont désormais s’appliquer à tous les pays et à tous les acteurs [4]. Ils deviennent une charte de bonne conduite et de bonnes pratiques que les Etats comme les acteurs privés se devront de mettre en œuvre sur la période 2015-2030. L’UE est-elle en mesure de relever ce défi ? A quelles conditions et avec quels moyens financiers, c’est ce que nous allons traiter dans la troisième partie.

3. La mobilisation des moyens par de nouveaux types de financement des ODD

Les pays de l’UE sont les premiers pays donateurs de l’OCDE. En 2015, sur 131 586 millions de dollars d’APD des pays de l’OCDE, 56% venaient des pays à la fois membres du CAD et de l’UE [5]. Le montant de l’aide octroyée par les institutions de l’UE était d’environ 10% du total. Les pays membres de l’UE figurent au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE en accordant 0,47% de leur PIB à l’APD (0,41% pour l’OCDE) [6].

Jusqu’en 2015, ces fonds avaient pour objectif de contribuer aux OMD. Du fait que les ODD soient à portée universelle et avec la fusion des agendas du développement et du développement durable, les besoins de financement se sont démultipliés, d’autant que les OMD eux-mêmes n’étaient pas encore tous atteints en 2015.

Le CIEFDD (Comité intergouvernemental d’experts sur le financement du développement durable) donne des ordres de grandeurs généraux pour évaluer les besoins en chiffrant par exemple à 66 milliards de dollars par an le montant nécessaire pour faire disparaître l’extrême pauvreté. Ces estimations posent bien entendu des questions sur les modalités de calculs qui sont mentionnées par le rapport (CIEFDD 2014). Au-delà des aspects méthodologiques, l’ampleur des montants est rarement contestée [7]. L’attention se focalise désormais sur la diversification des sources et des modalités de financement ainsi que sur les orientations de ces fonds pour atteindre les ODD.

En effet, de tels montants dépassent largement les possibilités de financement par l’APD, qui ne fait l’objet que d’une faible progression dans un contexte de restriction budgétaire. Entre 2000 et 2015, la période d’application des OMD, l’APD a augmenté de 83% en termes réels. En 2015, elle n’augmente que de 1,7% en termes réels si on exclut l’aide aux réfugiés (OCDE 2016b).

Au moment de la conférence d’Addis Abeba sur le financement du développement en juillet 2015, l’UE a annoncé vouloir mobiliser 100 milliards d’euros par an d’ici 2020 grâce à des mécanismes reposant sur des prêts et subventions. [8]

Alors que l’Europe n’arrive pas à imposer des financements innovants et que les instruments de lutte contre l’évasion fiscale ne donnent pas encore toute leur mesure, les financements mixtes, types publics-privés ou prêts-dons, ce qu’on appelle le blending, semblent avoir le vent en poupe.

Des financements innovants

La piste des financements dits « innovants » reste à approfondir. En 2007, une taxe sur les billets d’avion a été mise en place en France et diverses autres possibilités continuent à être envisagées, notamment pour augmenter les montants alloués au développement, à l’instar d’une taxe sur les conteneurs. Une taxe sur les transactions financières a été mise en place en France en 2012 et l’UE cherche également un accord de ce type entre les pays membres. Une taxe issue d’une coopération renforcée entre 11 Etats membres, devait rapporter jusqu’à 55 milliards d’euros par an. Dans un premier temps, elle avait pour but d’éviter la fragmentation du marché intérieur qui aurait pu résulter de différentes initiatives nationales, d’assurer une contribution du secteur de la finance aux budgets nationaux et de décourager des transactions financières ne contribuant pas « à l’efficacité des marchés financiers ou aux économies réelles »9. Les craintes de concurrence pour les pays qui la mettraient en œuvre ont ralenti son adoption jusqu’à ce qu’elle réapparaisse en 2015, au moment de la COP21, comme une source possible de financement des dépenses liées au climat. [9] Cette taxe devait entrer en vigueur en 2016 mais la décision a été, une fois de plus, repoussée à septembre [10]. Un projet devait être rédigé par la commission avant fin 2016. Les débats portent sur ses effets quant à la volatilité des marchés financiers, liés au niveau qu’elle pourrait atteindre, sur son impact sur la liquidité de ces marchés ou encore sur les coûts de sa collecte. [11]

La lutte contre l’évasion fiscale

Selon le Rapport européen sur le développement (ODI et al. 2015), parmi les ressources pour financer les ODD, les ressources publiques des pays en développement sont celles qui ont le plus augmenté ces dernières années bien que leur part dans le PIB reste encore faible, notamment en raison de l’évitement fiscal.

Un rapport de l’OCDE (2015), montre que la moyenne des prélèvements obligatoires est de 35% dans les pays de l’OCDE et d’environ 15% dans les pays d’Afrique subsaharienne. Ces pays, qui accueillent de nombreux investisseurs étrangers dans le but d’exploiter leurs ressources naturelles, sont victimes de pratiques d’optimisation fiscale qui les privent de ressources qui pourraient contribuer aux ODD. Des pressions de plus en plus fortes s’exercent sur ces firmes au niveau international pour qu’elles publient leurs bénéfices pays par pays. Les montants en jeu pour l’ensemble des pays en développement seraient en moyenne trois à quatre fois supérieurs à ceux de l’APD sur la période 2002 à 2011 selon le rapport de Global Finance Integrity (Kar et Leblanc 2013). L’OCDE, leader sur ce sujet, a publié des principes applicables en matière de prix de transfert [12] et l’Union européenne s’est également intéressée à cette question pour les pays en développement : elle a par exemple financé une étude qui met en évidence le manque de législation concernant les prix de transfert dans les pays en développement (Europaid, PWC 2011). Un soutien spécifique aux pays en développement afin d’adapter leur législation et de donner des indications claires sur les pratiques à adopter serait un complément à la démarche internationale en cours qui vise à ce que les firmes multinationales publient leurs bénéfices pays par pays.

Le blending

Le Rapport européen sur le développement (ODI et al. 2015), comme d’autres acteurs de l’APD (AFD-PNUD 2016), étudie les moyens d’articuler différentes formes de financement pour tenter de démultiplier les possibilités de l’APD et d’en faire ainsi un levier pour attirer des investissements de montants beaucoup plus élevés. Les estimations de ces effets de levier sont très variables selon les méthodes de calcul et dépendent fortement de la nature de projets et des interventions réalisées. L’effet multiplicateur calculé suite à des expériences de l’Union européenne pourrait être de 1 à 30 mais aussi bien moindre. Une étude du World Economic Forum (WEF 2013) avance des ratios très variables allant de 1:44 à 1:1,6 selon les projets.

La méthode consiste à associer des partenaires publics et privés sur un même projet où les financements pourraient s’effectuer sous forme de dons et de prêts. L’APD peut, par exemple, permettre de financer des études de faisabilité d’infrastructures souvent coûteuses mais aussi de fournir des garanties et des assurances pour des investissements risqués dans des pays instables.

Au-delà de ce rôle qui vise à compenser des défaillances de marché ou une qualité insuffisante des institutions, l’APD peut aussi permettre aux agences de développement de jouer un rôle d’intermédiation financière entre les entreprises dont elles achèteraient les titres et les épargnants (Voituriez et al, 2015). Les émetteurs s’engagent à utiliser les fonds ainsi levés à des projets d’énergie renouvelable ou encore d’efficacité énergétique. Des institutions telles que la Banque européenne d’investissement ou la Banque mondiale ont joué un rôle précurseur quant à ce type de financement (Claquin 2015).

4. Conclusion

Les OMD avaient réussi à faire converger les politiques d’aide et à mobiliser les financements de l’APD sur des secteurs sociaux spécifiques en fonction des objectifs affichés. A partir de 2015, l’ambitieux projet des ODD mise sur la cohérence en proposant un véritable projet universel, pour un développement économique et social qui respecte l’environnement, en prenant spécifiquement en compte la lutte contre le réchauffement climatique (ODD 13). Les ODD concernent désormais les pays du Nord comme du Sud et s’adressent à tous les acteurs, publics comme privés. Les acteurs des pays du Nord doivent s’assurer que ces objectifs seront atteints dans leur propre pays mais également appuyer les efforts des pays du Sud. En effet, d’une part les écarts avec les objectifs sont beaucoup plus éloignés pour les pays du Sud et d’autre part, leurs moyens disponibles pour les atteindre sont insuffisants alors que les besoins sont démultipliés.

Dans la continuité des OMD, il est probable que ce programme des Nations unies mobilisera la communauté des bailleurs de fonds mais qu’en sera-t-il des autres acteurs ? Le blending permettra-t-il d’attirer suffisamment de fonds vers la réalisation des ODD, condition indispensable à leur réussite vu l’ampleur des financements nécessaires ?

Ces nouveaux outils de financement doivent encore faire leurs preuves : tout d’abord car les risques sont importants en cas de défaillance d’un des partenaires ; puis il n’est pas certain qu’ils attirent beaucoup de ressources vers les pays les plus pauvres où les besoins sont importants. De plus, ces financements de formes et d’origines multiples risquent d’accroître le manque de visibilité de l’aide européenne déjà critiqué par la Commission développement du Parlement européen (2016).

Par ailleurs, l’importance des montants que permet d’atteindre l’implication des acteurs privés telles que les banques ou entreprises, ne doit pas faire oublier que leurs horizons sont à plus courte échéance (profits, rentabilité) que ceux pertinents pour les biens publics mondiaux que constituent la plupart des ODD. Un des enjeux sera de trouver des incitations et des politiques adéquates pour rendre compatibles ces temporalités différentes.

Le Rapport européen sur le développement de 2015 insiste également sur la nécessité d’accompagner les financements des ODD par de «  meilleurs cadres politique et réglementaire au niveau national et international  » (ODI et al. 2015 :28). En effet, selon les auteurs du rapport, dans le cas des pays vulnérables, ce sont parfois moins les financements qui manquent que les capacités à proposer des projets et un contexte favorable à leur mise en œuvre.

In fine, la question de la cohérence reste à l’ordre du jour, celle des politiques de l’Union européenne en particulier. Si la conception de l’Union européenne met la priorité sur le pilier économique du développement durable comme certains auteurs l’affirment (Kahn 2015), on peut aussi craindre pour le maintien et la cohérence de sa politique vis à vis des pays du Sud : par exemple, les milliards d’euros qu’on peut réussir à mobiliser pour faire progresser vers la réalisation des ODD ne doivent pas voir leurs effets sur la pauvreté amoindris par des politiques commerciales européennes vis-à-vis du Sud basées sur une politique d’ouverture inadéquate.

La renégociation de l’Accord de Cotonou dès 2018 pourra permettre à l’Union européenne d’assurer la cohérence de ses politiques et d’asseoir son leadership au niveau international en faisant converger l’APD dont elle est le premier bailleur mondial avec la réalisation des ODD à l’horizon 2030.

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[1Voir le rapport des Nations unies (2015) pour un bilan et Hugon (2016 : 19) pour une synthèse.

[2Voir le rapport de la Commission du développement du Parlement européen (2016).

[3« Le parlement tanzanien recommande au gouvernement de ne pas signer l’APE avec l’UE », ICTSD, 18 novembre 2016, http://fr.ictsd.org/bridges-news/passerelles/news/le-parlement-tanzanien-recommande-au-gouvernement-de-ne-pas-signer-l (consulté le 12 décembre 2016).

[4Les 17 ODD sont déclinés en 169 cibles concrètes.

[5Source des statistiques : CAD/OCDE. Certains pays de l’UE ne sont pas membres du CAD. https://data.oecd.org/fr/oda/apd-nette.htm

[6Pour mémoire, l’objectif fixé par les Nations unies est de 0,7% du PIB.

[7Voir les pages du site de l’OCDE consacrées au financement du développement durable. http://www.oecd.org/fr/cad/financementpourledeveloppementdurable/ et (OECD 2016a)

[8European Commission - Fact Sheet, Third International Conference on Financing for Development, 13-16 July 2015, Addis Ababa, Brussels, 06 July 2015, http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-5311_fr.htm (page consultée le 7 décembre 2016).

[9Centre d’Information sur l’Europe, « Le projet de taxe sur les transactions financières », Toute l’Europe, http://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeennes/fiscalite/synthese/le-projet-de-taxe-sur-les-transactions-financieres.html (page consultée le 15 décembre 2016).

[10La taxe sur les transactions financières, cet impôt que l’Europe n’ose pas enterrer, Le Monde, 17 juin 2016.

[11Les conditions d’efficacité d’une taxe sur les transactions financières, Le Monde.fr, 18.08.2011, Olivier Damette.

[12Voir la page du site web de l’OCDE sur les prix de transfert. http://www.oecd.org/fr/fiscalite/prix-de-transfert/

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