Emploi et politique d’emploi dans l’Union Européenne
Guy Tchibozo, LISEC UR 2310, Université de Strasbourg
Le 19 janvier 2001, le Conseil européen a adopté les Lignes directrices et Recommandations aux États pour leurs politiques d’emploi en 2001. En Mai, les États membres ont soumis leurs Plans nationaux d’action pour l’emploi. Publiés à l’automne 2001, le Rapport de la Commission sur l’exercice 2000 et les Plans 2001, les Recommandations aux États pour 2002 et les Lignes Directrices pour 2002 permettent de caractériser les grandes tendances de l’emploi et des politiques suivies ainsi que les ajustements à effectuer pour l’ensemble de la période 2000-2002.
Mots-clefs : emploi et chômage, politique et stratégie de l’emploi.
Citer cet article
Guy Tchibozo « Emploi et politique d’emploi dans l’Union Européenne », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 5, 5 - 8, Hiver 2001.
L’emploi en 2000
Trois points forts, tout d’abord, caractérisent l’évolution de l’emploi en 2000.
En premier lieu, l’Union enregistre une forte croissance de l’emploi : le taux de croissance de l’emploi en 2000 dans l’Union européenne se situe au niveau le plus élevé atteint depuis 1992 (Tableau 1). Cette performance est sans doute liée à la forte croissance économique (3,3%).
Le deuxième point fort est la prédominance et la progression de la part des emplois à temps plein dans la création totale d’emplois. Pour la troisième année consécutive, les marchés du travail de l’Union européenne ont créé plus d’emplois à temps plein que d’emplois à temps partiel. Les emplois à temps plein ont représenté près de 70% de la création nette d’emplois contre 60% en 1999 et 54% en 1998.
Enfin, le chômage a baissé de façon notable. Le taux de chômage global et le taux de chômage de longue durée ont atteint, en 2000, leurs niveaux les plus bas depuis 1993 (Tableau 1).
1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | 1997 | 1998 | 1999 | 2000 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Taux de croissance nette de l’emploi | -1,2 | -1,5 | -0,1 | 0,7 | 0,5 | 1,0 | 1,7 | 1,6 | 1,7 |
Taux d’emploi | - | - | - | 59,8 | 59,9 | 60,1 | 61,0 | 62,1 | 63,3 |
Taux de chômage global | - | 10,7 | 11,1 | 10,7 | 10,8 | 10,6 | 9,9 | 9,1 | 8,2 |
Taux de chômage de longue durée | - | 4,7 | 5,3 | 5,2 | 5,3 | 5,2 | 4,7 | 4,2 | 3,7 |
Source : Eurostat
La situation n’est cependant pas, pour autant, satisfaisante. Le chômage se maintient à un niveau supérieur à celui des États-Unis et du Japon (4% et 4,7% respectivement en 2000), et les inégalités de genre dans l’emploi persistent. De façon générale, les performances réalisées sont encore loin des objectifs que l’Union s’est assignés (tableau 2).Dans ce contexte et s’appuyant sur l’analyse des politiques mises en œuvre en 2000 ainsi que sur les Plans pour 2001, la Commission Européenne propose plusieurs Recommandations pour 2002.
1996 | OBJECTIFS | 2000 | |
---|---|---|---|
EMPLOI | Objectifs 2010, Sommet de Lisbonne | ||
Taux d’emploi global | 60,1 | 70 | 63,3 |
Taux d’emploi des 55-64 ans | 36,2 | 50 | 37,7 |
Taux d’emploi des femmes | 50,2 | 60 | 54,0 |
CHOMAGE | Moyenne des 3 meilleures performances nationales | ||
Taux de chômage global | 10,8 | 2,9 (L, NL, A) | 8,2 |
Taux de chômage de longue durée | 5,2 | 0,8 (L, NL, DK) | 3,7 |
Ratio de chômage des jeunes | 10,2 | 2,9 (L, AT, IRL) | 7,8 |
Taux de chômage des femmes | 12,4 | 3,8 (L, NL, IRL) | 9,7 |
Évaluation 2000-2001 et Recommandations pour 2002Q
L’analyse des politiques mises en œuvre s’appuie sur les indicateurs usuels d’activité, d’emploi et de chômage par genre, âge, branche d’activité et statut professionnel et sur 13 indicateurs spécifiques désormais bien identifiés (Tableau 3). Chaque indicateur peut être calculé de façon globale ou catégorielle (par genre, âge, secteur d’activité, etc.).
OBJECTIFS | INDICATEURS | DÉFINITIONS |
---|---|---|
INSERTION PROFESSIONNELLE | Indicateur d’effort | Proportion de chômeurs entrés en suivi individualisé avantd’atteindre le chômage de longue durée* |
Taux de non respect | Proportion de chômeurs entrés en chômage de longue durée* sans être encore passés en suivi individualisé | |
Indicateur de résultat | Proportion de chômeurs entrés en chômage de longue durée* | |
Taux d’activation | Proportion de chômeurs participant à des programmes actifs** | |
Participation à l’éducation et à la formation | Pourcentage de la population d’âge actif participant à des programmes d’éducation ou de formation | |
Taux d’abandon scolaire prématuré | Pourcentage des 18-24 ans n’ayant participé à aucun programme d’éducation ou de formation au-delà du cycle inférieur de l’enseignement secondaire | |
Accès Internet dans les écoles | Pourcentage des établissements scolaires primaires et secondaires disposant d’un accès à Internet | |
ENTREPRENEURIAT ET CREATION D’EMPLOIS | Taux d’activité indépendante | Proportion de non-salariés dans l’emploi total |
Taux d’emploi dans les services | Proportion des 15-64 ans en emploi dans les services | |
Taux marginal d’imposition | Rapport entre variation des prélèvements obligatoires*** et variation de la rémunération brute, par situation familiale et niveau de rémunération | |
Taux d’imposition moyen pour un célibataire à faible revenu | Rapport entre prélèvements obligatoires*** et rémunération brute pour un célibataire à faible revenu | |
MODERNISATION DU MARCHE DU TRAVAIL | Emploi atypique | Effectif et proportion des salariés en emplois atypiques |
ÉGALITÉ HOMMES-FEMMES | Écart de rémunération entre les sexes | Rapport entre indices de rémunération horaire nette des femmes et des hommes travaillant plus de 15h par semaine* |
* Chômage de longue durée : au-delà de 6 mois (16-25 ans) ou 12 mois (adultes).
** Les programmes actifs associent à l’indemnisation des actions de formation, des emplois aidés, ou des incitations à l’offre de travail ou à la création d’entreprise.
*** Impôt sur le revenu + cotisations de sécurité sociale.
L’analyse de la Commission souligne les faiblesses des politiques nationales et fonde l’élaboration des lignes directrices et des recommandations. Par rapport à 2001, le principal changement des lignes directrices réside en l’introduction d’un quatrième objectif horizontal consistant à « rehausser la qualité de l’emploi ». La Stratégie européenne marque ainsi encore un peu plus sa différence par rapport à l’expérience américaine. Les Recommandations pour 2002 permettent de mettre en lumière les priorités et le palmarès des pays (Tableau 4).
Au premier rang des priorités pour 2002 figurent l’entrée en suivi individualisé avant l’échéance du chômage de longue durée (ligne directrice 1), les incitations à l’offre de travail (LD 2), et surtout l’égalité des chances entre hommes et femmes (LD 17 et 18). Sur ce dernier point, quasiment tous les pays paraissent éprouver des difficultés à réformer les comportements et les structures. L’accent est également mis sur deux objectifs horizontaux non assortis toutefois d’indicateurs précis : la mise en place de stratégies nationales globales et cohérentes de formation tout au long de la vie (objectif C) et le renforcement de l’intervention des partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des Plans nationaux (objectif D). D’autres objectifs, au contraire, semblent avoir déjà fait l’objet de mesures satisfaisantes et ne paraissent plus présenter de caractère prioritaire dans l’immédiat : la connexion des établissements scolaires à Internet (LD 5), le soutien à la création d’entreprises (LD 8 et 9), ainsi que l’exploitation des gisements d’emplois dans les services, la connaissance et l’environnement (LD 10).
Quant au palmarès des pays, Pays-Bas d’abord, Danemark ensuite, puis le groupe Autriche – Finlande – Luxembourg – Suède paraissent les plus proches des objectifs de la politique communautaire d’emploi. À l’opposé, l’Italie surtout, mais aussi le groupe Allemagne – Espagne – Grèce, et peut-être le Royaume-Uni semblent avoir moins bien pris en compte en 2000-2001 les objectifs de la Stratégie européenne. La France occupe une position moyenne.
Au total, le bilan en 2001 apparaît assez différent du précédent. Parmi les priorités, seule l’inégalité entre genres apparaissait déjà l’année dernière. Dans le palmarès des pays, Danemark, Finlande et Suède se maintiennent au premier rang. La position de l’Italie et de l’Allemagne se détériore. Enfin, France, Belgique Irlande et Portugal semblent avoir mieux intégré les objectifs de l’Union.
Annexe au tableau 4
Est indiqué entre parenthèses le numéro de ligne directrice.
PILLIER 1 CAPACITE D’INSERTION PROFESSIONNELLE
- Lutte contre le chômage des jeunes et le chômage de longue durée (1)
- Moderniser les services publics de l’emploi (2)
- Politique de prolongation de la vie active (3)
- Politique de qualification et d ‘apprentissage tout au long de la vie (4)
- Développer l’e-learning (5)
- Lutte contre les goulots d’étranglement (6)
- Combattre la discrimination et l’exclusion (7)
PILLIER 2 ESPRIT D’ENTREPRISE
- Améliorer l’environnement des entreprises (8 et 9)
- Création d’emploi en secteur tertiaire (10)
- Action régionale et locale en faveur de l’emploi (11)
- Emploi et fiscalité (12)
PILIER 3 CAPACITÉ D’ADAPTATION
- Modernisation de l’organisation du travail : initiatives des partenaires sociaux (13)
- Modernisation de l’organisation du travail : cadre réglementaire (14)
- Education et formation tout au long de la vie (15)
PILIER 4 EGALITÉ DES CHANCES
- Intégration de la dimension du genre (16)
- Lutte contre la discrimination hommes femmes (17)
- Conciliation entre la vie professionnelle et familiale (18)
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