L’emploi féminin en Europe

Isabelle Terraz, Université de Strasbourg (BETA)

Les taux d’emploi féminin sont en constante augmentation dans l’ensemble des pays de l’UE. Soutenue par les politiques communautaires, cette hausse n’est pas sans conséquences sur les structures familiales et la répartition du temps entre conjoints. Cependant, on constate que cette hausse varie ou est modulée d’un pays à l’autre en fonction des politiques plus ou moins favorables à l’accueil de la petite enfance.

Mots-clefs : emploi des femmes, emploi et chômage, marché du travail.

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Isabelle Terraz « L’emploi féminin en Europe », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 20, 16 - 21, Été 2009.

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En mars 2000, le Conseil européen de Lisbonne affichait son ambition de faire de l’économie européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Cette ambition s’accompagnait d’objectifs chiffrés1 pour les pays européens, en laissant toute latitude aux gouvernements sur les moyens à utiliser pour y parvenir. A un an de l’échéance, il est clair que de nombreux objectifs ne seront pas atteints et que la crise économique majeure qui secoue l’ensemble des pays du monde n’est pas de nature à favoriser leur accomplissement.
En revanche, des progrès sensibles ont été réalisés dans le domaine de l’emploi fémi­nin sans que la récession ne vienne pour l’instant remettre en cause ces acquis. Les taux d’emploi des femmes ont progressé durant ces dernières décennies et, ce qui peut paraître paradoxal en temps de crise, l’écart entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes ne s’est pas creusé. Dans le contexte actuel, ce sont les hommes qui souffrent le plus des réduc­tions d’effectifs, principalement con­centrées dans le secteur industriel, alors que les femmes, plus souvent employées dans les services, sont encore moins touchées. Mais au-delà de cette configu­ration particulière, la hausse de l’emploi féminin relève d’un mouvement de fond qui pose de nombreuses questions à nos sociétés. Quelles sont les causes et les implications de ces changements ? Les pays européens se sont-ils dotés des institutions nécessaires pour porter ces changements sociétaux ?
 
Accroissement de l’emploi féminin en Europe 
 
Lors du Conseil européen de Lisbonne, le marché du travail européen était jugé trop étroit. Pour reprendre les termes employés à l’époque : «  le marché du travail est caracté­risé par un taux d’emploi trop faible et par une participation insuffisante des femmes et des travailleurs âgés ». Par la suite, le Conseil européen s’est donc fixé pour objectif d’augmenter le taux d’emploi de l’ensemble de la population et d’accroître en particulier celui des femmes et des séniors. Plus précisé­ment, l’ambition affichée était que le taux d’emploi des femmes soit porté à 60% en 2010, objectif qui aujourd’hui est en passe d’être atteint dans l’UE-27 et a été dépassé par de nombreux pays européens.
La Commission européenne2 se félicite de ces progrès et note que la progression de l’emploi féminin est une pré-condition à la croissance et à la cohésion sociale. De manière générale, au-delà des arguments d’égalité, la Commission souligne que dans un contexte de vieillissement de la popu­lation, l’implication croissante des femmes sur le marché du travail est susceptible d’augmenter la croissance potentielle et la viabilité des systèmes de protection sociale. Esping-Andersen et Palier3 (2008) ajoutent que la hausse de l’emploi féminin permet de diminuer le taux de pauvreté des enfants, et par ce biais, d’améliorer leur productivité future.
Mais la hausse de la participation des femmes au marché du travail n’est pas un phénomène récent et constitue un mouve­ment qui a été amorcé bien avant le début de la décennie. Il a notamment été porté par des facteurs aussi divers que le développement de la contraception (Goldin et Katz4 2002), la généralisation des appareils ménagers (Greenwood, Seshadri et Yorukoglu5 2005) ou le progrès technologique biaisé (Goldin6 1990, Galor et Weil7 1996). En effet, ces derniers auteurs soutiennent que le développement du secteur des services a pu offrir des possibilités d’emploi aux femmes qui souhaitaient travailler. On peut également ajouter que, si l’accroisse­ment des taux d’emploi des femmes a parfois été qualifié de révolution féminine, l’augmentation de leur niveau d’éducation constitue un autre fait marquant qui a contribué à leur implication croissante sur le marché du travail. De plus en plus de femmes sont diplômées du supérieur, et ces dernières occupent plus souvent un emploi que celles qui ont des qualifica­tions moins élevées.
1 Un ensemble d’indicateurs ont été définis suite au sommet de Lisbonne, liste qui a été restreinte à 14 indicateurs en 2003.
3 Esping-Andersen G., Palier B. (2008), “Trois leçons sur l’Etat-providence”, La république des idées, Seuil.
4 Goldin, Claudia, and Katz Lawrence (2002). “The power of the pill : oral contraceptives and women’s career and marriage decisions”, Journal of Political Economy, C:730-770.
5 Greenwood, Jeremy, Seshadri, Ananth, and Yorukoglu Mehmet (2005). “Engines of liberation”, Review of Economic Studies, 72(1), p.109-133.
6 Goldin, Claudia, (1990). “Understanding the wage gap:an economic history of american women”, New-York, Oxford University Press.
7 Galor, Oded, Weil, David (1996). “The gender gap, fertility and growth”, American Economic Review, LXXXVI : 374-387.

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