Les relations économiques entre l’UE et la Chine

Meixing Dai, Université de Strasbourg (BETA) et CNRS

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Meixing Dai « Les relations économiques entre l’UE et la Chine », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 7, 22 - 25, Hiver 2002.

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L’état actuel de l’économie chinoise.

Après plus de 20 ans de réformes et d’ouverture économiques, la Chine est devenue une puissance économique mondiale et se situe en termes de PIB (qui passe de $216,2 mds en 1980 à $1157,8 mds en 2001) derrière les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni. Selon une étude du FMI en 1998, son PIB, en termes de pouvoir d’achat, est même passé devant celui du Japon. Les échanges extérieurs ont été multipliés par plus de 20 avec un ratio exportations / PIB atteignant 25%. La réserve de devises a atteint $212,7 mds fin 2001 et $260 mds en novembre 2002, soit la 2e plus importante du monde. Après une moyenne de 9% sur plus de 20 ans, la Chine vise une croissance de 7% jusqu’en 2005. Quelques économistes polémiquent récemment sur l’exactitude des statistiques chinoises en arguant que les données officielles surévaluent la croissance car les responsables locaux ont tendance à avancer des chiffres meilleurs que la réalité. Cependant, l’existence croissante des entreprises privées peut conduire à une sous-évaluation de la croissance car ces dernières ont intérêt à sous-estimer leur production afin de réduire des impôts. On estime d’ailleurs l’économie souterraine au tiers du PIB.

Les investissements directs étrangers (IDE) en Chine ne cessent de croître depuis 20 ans. Ils ont augmenté très fortement ces dernières années dans l’anticipation de l’adhésion de la Chine à l’OMC. En 2001, la Chine est placée au deuxième rang des pays d’accueil après les États-Unis en attirant $49 mds promis dont $32 mds utilisés. En 2002, une enquête américaine révèle que la Chine est devenue la destination la plus attractive pour les IDE. La Chine est devenue ainsi le premier pays d’accueil des IDE. La hausse des IDE s’est accompagnée de la libéralisation d’un nombre croissant de secteurs (y compris
les services tels que la distribution, la banque, les assurance, le tourisme, etc.).

Les IDE, avec le transfert de technologies et de savoir-faire qui en résultent, ont permis en 20 ans à la Chine de devenir un important centre de fabrication industrielle au niveau mondial.

Le système financier développé sous l’égide de l’État reste fragile. Le marché boursier, sur lequel sont cotées surtout les sociétés contrôlées par l’État, est extrêmement spéculatif et souvent manipulé par des opérateurs peu scrupuleux. Le système bancaire, à force d’accorder des crédits aux entreprises étatiques déficitaires, est susceptible de crouler sous le poids de créances douteuses lorsque le secteur est ouvert à la concurrence étrangère ou/et privée.

La Chine adopte un système de change fixe par rapport au dollar américain avec des mesures de contrôle de change qui s’assouplissent de plus en plus. Le taux de change est sous-évalué en termes de pouvoir d’achat, ce qui permet à la Chine de rester compétitive mais limite le pouvoir d’achat des biens étrangers des consommateurs chinois. Les excédents commerciaux et les entrées de capitaux étrangers permettent à la Chine de constituer de confortables réserves de devises en dollars. Ces différents éléments expliquent pourquoi la Chine est à l’abri de la crise asiatique en 1997 et des crises économiques et financières qui sévissent actuellement dans le monde, à l’exception de la bourse chinoise qui dégonfle.

Derrière ces données globales, les observateurs constatent qu’il y a un développement inégal important entre les régions côtières et intérieures, entre les villes et les zones rurales. Par ailleurs, l’inégalité sociale est de plus en plus manifeste. A côté des enrichissements spectaculaires, le chômage de masse commence à se développer sans que le système de protection sociale ne soit prêt pour y faire face.

Les relations économiques entre l’UE et la Chine

L’Union européenne (UE) occupe la 3e place, juste après le Japon et les États-Unis, dans le commerce extérieur de la Chine. L’UE a vu son faible excédent commercial des années 1980 se transformer en déficit dans les années 1990. En 2001, les importations de l’UE en provenance de la Chine se chiffrent à $67,3 mds et les exportations de l’UE vers la Chine à $26,5 mds. Il en résulte un solde négatif de $40,8 mds pour l’UE. Ce déficit est dû à la nature des produits européens et chinois. La Chine exporte des biens de consommation grand public bon marché et l’Europe exporte vers la Chine essentiellement des biens d’équipement. La demande chinoise est faible pour les biens de consommation européens, chers pour les consommateurs moyens. Par ailleurs, la politique qui consiste à encourager les entreprises chinoises et étrangères à exporter et à substituer les importations par la production locale continuera à exercer ses effets dans le proche avenir.

Au niveau d’IDE, en 2000, l’UE était le plus gros investisseur direct étranger (en excluant Hong Kong), avec $4,5 mds réalisés. En 2001, les flux d’IDE européens réalisés étaient de $2,9 mds (juste derrière les États-Unis avec $3,4 mds et le Japon avec $3,0 mds). En effet, les entreprises européennes anticipent des perspectives de développement important des relations économiques sino-européennes après l’entrée de la Chine dans l’OMC. L’admission effective de la Chine dans l’OMC à la fin 2001 a conforté les investisseurs étrangers et a donné un nouvel élan aux IDE européens qui augmentent sensiblement durant les trois premiers trimestres de 2002 par rapport à 2001. Les IDE de l’UE en Chine ne représente néanmoins que 3% de ce que l’UE fait à l’étranger. Il reste donc un potentiel important dans ce domaine.

Pour combler les retards technologiques avec les pays développés, la Chine se fixe comme priorité, d’une part la modernisation des industries et des infrastructures de base et d’autre part le développement des nouvelles technologies (les technologies de l’information, la micro-électronique, la biotechnologie, les nouveaux matériaux et les technologies aérospatiales, etc...). Dans des secteurs traditionnels tout comme ceux de nouvelles technologies, l’UE a des cartes importantes à jouer. Les IDE de l’UE en Chine aident et vont aider encore la Chine dans ses efforts de restructuration et de modernisation. Le gouvernement chinois cherche d’ailleurs à établir avec le Conseil de l’UE un mécanisme de dialogue en faveur des investissements et il se tient prêt à renforcer les échanges d’information en matière juridique, réglementaire et politique pour faciliter les investissements dans les deux sens et les coopérations au niveau des entreprises en recherche et développement (R&D). Il faut noter que les IDE chinois dans l’UE sont anecdotiques et les coopérations en R&D rares.

Les opportunités et les défis pour l’UE

La Chine est un marché important et en croissance pour les produits européens. Après l’adhésion de la Chine à l’OMC, des obstacles à l’importation des produits européens seront progressivement levés et cela favorisera l’accroissement des exportations de l’UE vers la Chine. En contrepartie, les obstacles aux exportations chinoises vers l’UE seront également réduits en nombre et en importance. Par conséquent, l’impact sur le solde de la balance commerciale de l’UE ne sera pas connu a priori. Sur le plan des IDE, la Chine doit ouvrir des secteurs qui étaient auparavant fermés (notamment, la distribution, la banque, l’assurance etc.) aux sociétés européennes. Les IDE européens réussis sont de plus en plus nombreux. Une source d’inquiétude pour les entreprises européennes est que certaines entreprises chinoises peu scrupuleuses produisent des produits de contrefaçon et violent des droits de propriété industrielle. La Chine s’efforce actuellement de lutter contre ces phénomènes. Ces luttes nécessitent du temps et des moyens humains et financiers immenses d’autant que les fraudeurs sont mobiles et volatiles. Des progrès restent à faire.

Il résulte, en partie, des IDE européens en Chine, la désindustrialisation, les pertes d’emplois et l’alourdissement des charges pour le système de sécurité sociale dans l’UE. Bien que les entreprises deviennent plus compétitives en se délocalisant et captent une part plus grande de la valeur ajoutée pour les actionnaires et des salariés privilégiés, les autres risquent de payer le prix. Si les entreprises délocalisent trop vite sans développer suffisamment d’activités à valeur ajoutée plus élevée dans l’UE, le marché du travail de l’UE risque de se trouver sous pression, d’autant que les délocalisations en Chine pourraient ne pas concerner que des industries traditionnelles, mais aussi les industries les plus récentes tant au niveau de fabrication qu’au niveau de R&D. Il y a un nombre croissant de produits dont la production chinoise est excédentaire et occupe une place prépondérante sur le marché mondial. L’UE dispose des mesures de protection, telles que la politique anti-dumping, l’imposition de quotas ou le relèvement des normes techniques pour empêcher l’importation massive de certains produits, mais avec le risque de voir la Chine appliquer des mesures de rétorsion. En effet, beaucoup de cas d’antidumping sont discutables du point de vue chinois car les prix des produits concernés sont réellement bas en Chine. Ces mesures ne constituent que des moyens de protection temporaires car elles seront contestées par les sociétés chinoises. À plus long terme, le déficit commercial de l’UE ne peut être absorbé que grâce à l’élévation des salaires et l’amélioration de la sécurité sociale en Chine, ce qui augmentera les coûts de production et la demande pour les produits européens.

En tant que grand pays, la Chine cherche à développer tous les secteurs. Elle est un partenaire indispensable et un concurrent potentiel pour l’UE. La Chine produit non seulement des biens de faible teneur en technologie (textiles, jouets) mais aussi des produits de haute technologie (ordinateurs, téléphones mobiles) en les exportant sur le marché mondial. En effet, les IDE en 20 ans (d’un montant total cumulé à plus de $600 mds) ont permis de former des ouvriers et ingénieurs chinois, devenus compétitifs et payés à des salaires peu élevés. En outre, à la différence des autres pays asiatiques, qui abandonnent des secteurs à faible valeur ajoutée, la Chine ne délaisse aucun secteur. L’inégalité entre les régions fait que, lors de l’introduction de nouveaux secteurs, deux solutions se présentent pour les anciens : soit ils se délocalisent vers des régions moins développées, soit ils attirent des employés d’origine paysanne pour continuer à fonctionner à bas coûts. Une expansion débridée des capacités de production à bas coût entraîne depuis des années des surproductions et une importante pression sur les prix intérieurs chinois. Cette dernière se transmet via des exportations à des pays développés et contribue à la lutte contre l’inflation dans les années 1980 et au maintien de la stabilité des prix dans les années 1990 dans l’UE avec le risque d’entraîner la déflation dans le futur.

La politique de l’UE en matière de relations économiques avec la Chine

Les relations économiques entre la Chine et l’UE s’inscrivent dans une stratégie globale qui vise à accroître les échanges économiques entre l’Europe et l’Asie. Le développement de ces échanges est capital pour maintenir le rôle leader de l’économie européenne dans l’économie mondiale et il devrait être assuré, selon la Commission Européenne, par une présence forte et coordonnée au niveau institutionnel et au niveau des entreprises afin de garantir l’intérêt de l’UE soient pleinement pris en compte dans cette région.

Les relations économiques entre l’UE et la Chine débutent véritablement en 1978 avec la signature du premier accord de commerce entre l’UE et la Chine. Il s’ensuit un second accord, plus étendu, de commerce et de coopération en 1984. L’UE a établi sa délégation permanente en Chine en 1988. Un an après, l’UE a conclu un accord sectoriel dans le domaine du textile avec la Chine. Les relations d’échange ne cessent de se développer dans le cadre du soutien de l’UE à l’adhésion de la Chine à l’OMC et maintenant dans celui de la mise en œuvre des engagements de la Chine après son adhésion à l’OMC. En 20 ans, l’UE soutient constamment les efforts de réformes et d’ouverture économiques de la Chine. L’accent actuel de l’UE est mis sur la libéralisation du commerce avec la Chine et l’ouverture du marché chinois pour les entreprises européennes. Ayant une population active importante et des sociétés étatiques peu compétitives, la Chine a peu d’intérêt à ouvrir tous les secteurs à la concurrence étrangère plus vite que n’exigent ses engagements vis-à-vis de l’OMC. De son côté, l’UE, soucieuse de préserver des emplois et protectrice de ses industries traditionnelles, pourra continuer à utiliser les armes de protection (anti-dumping, quotas ou auto- restriction des exportations). En exigeant l’abolition des barrières pour entrer sur le marché chinois, il est nécessaire pour l’UE de donner une contrepartie , c’est-à-dire ouvrir davantage les marchés des produits manufacturés traditionnels.

Au niveau monétaire, les coopérations et les dialogues entre la BCE et la Banque Centrale chinoise devraient continuer à se développer. Dans le futur, la Chine n’a pas intérêt à attacher sa monnaie au dollar US, et il est de l’intérêt de l’UE de convaincre la Chine sur la solidité de l’euro afin de faire convertir une part importante de sa réserve de devises en euro. Cela confortera l’euro dans son rôle de monnaie internationale.

Dans une perspective de long terme, les relations économiques entre l’UE et la Chine sont étroitement liées aux relations politiques. De bonnes relations politiques et des dialogues fructueux sur divers sujets importants (l’environnement, les droits de l’homme, l’immigration clandestine,....) seront propices au développement des relations économiques entre les deux parties. Il existe des sujets sur lesquels la position de l’UE diverge sensiblement de celle de la Chine. Cette divergence peut impacter défavorablement les relations économiques lorsque l’une ou l’autre partie veut peser sur celles-ci pour faire valoir son point de vue.

Les coopérations en sciences et technologies au niveau des universités et des entreprises ainsi que les échanges de personnes (étudiants, chercheurs, hommes d’affaires, ...) vont permettre d’amplifier et d’intensifier les relations économiques entre l’UE et la Chine sur le long terme. Ces échanges constituent un vecteur de communication de l’UE pour promouvoir l’image moderne de l’UE en Chine. D’autres efforts de communication de longue haleine et active sont nécessaires pour dynamiser l’image de l’UE en Chine et la rendre plus attractive.

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