Le détachement des travailleurs dans l’Union Européenne : A travail égal, salaire égal ?
Damien Broussolle, Institut d'Etudes Politiques, Université de Strasbourg (LaRGE),
La Commission européenne a proposé en mars 2016 une modification de la directive détachement des travailleurs. L’application de cette directive, ainsi que ses principes fondateurs, font en effet l’objet de critiques, notamment depuis l’adoption de la célèbre directive « Bolkestein » en 2006. Si un groupe de pays soutient l’initiative de la Commission, un deuxième groupe s’y oppose. Cet article fait le point sur les enjeux de cette modification.
Mots-clefs : Directive services (directive Bolkestein), droits du travail et sociaux, intégration des marchés du travail, libéralisation du marché du travail, Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO).
Citer cet article
Damien Broussolle « Le détachement des travailleurs dans l’Union Européenne : A travail égal, salaire égal ? », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 34, 19 - 25, Eté 2016.
Le détachement de travailleurs à l’intérieur de l’Union Européenne (UE) est organisé par une directive de 1996 (CF. Bibliographie). Elle prévoit que le travailleur détaché, c’est-à-dire effectuant une mission temporaire dans un autre état membre [1], doit au moins bénéficier d’un « noyau dur » minimal de condition de travail, composé de règles qui s’appliquent aux nationaux et qui s’imposent aux entreprises. Dans le cas de la France, il comprend au moins le SMIC pour la durée légale du travail, ainsi que les congés obligatoires.
Le système mis en place par cette directive permet de réduire les coûts de production en mettant en concurrence sur le même territoire, des travailleurs qui, tout en effectuant une activité similaire, sont employés à des conditions potentiellement très différentes (Graphique 1). Il tend donc à favoriser le dumping social et cela d’autant plus que les cotisations sociales sont payées dans le pays d’origine [2] et que le non-respect des dispositions de la directive est source de nombreux abus ou de fraudes. Dans un univers abstrait et sans friction (par exemple, sans discontinuités linguistiques, ni coûts de transport), donc conforme aux hypothèses du marché du travail néoclassique et où, de surcroît, l’offre de travail serait abondante pour de nombreux niveaux de qualification, un tel système conduirait à brève échéance à ce que les salaires convergent vers le salaire minimum de chaque pays pour les qualifications concernées.
Graphique 1 : Salaires minimum et salaires moyens dans l’UE en 2013 (salaires mensuels bruts)
*Pas de données pour la Croatie et Chypre.
Source : De Wispelaere et Pacolet (2015a p.6).
Le détachement pèse sur les salaires dans les pays de destinations, mais par un effet de substitution, il peut aussi réduire l’emploi local permanent. Ce dernier phénomène est notamment sensible dans la construction. Le fait, par exemple, qu’en Belgique en 2012, la croissance de l’investissement en bâtiment-travaux publics (+3,2 %) se soit traduite à la fois par une diminution de l’emploi dans ce secteur (-0,2 %) et par une hausse du nombre de travailleurs détachés (+0,1 %), illustre cette éventualité (De Wispelaere et Pacolet 2016). Par ailleurs, la progression du nombre de travailleurs détachés comporte aussi des conséquences en termes de balance commerciale (importation de services pour les pays destinataires) et de pertes de ressources financières pour la sécurité sociale du pays de destination. Ces différents éléments doivent évidemment être appréciés en relation avec l’ampleur du phénomène, qui pour être encore modéré, n’en connaît pas moins une progression très rapide.
1. Une croissance très rapide dans l’Union Européenne
Les sources statistiques disponibles sont des sources dérivées dont la fiabilité et la représentativité sont discutées. En particulier, parce que le document administratif utilisé (déclaration A1) n’est pas destiné à mesurer le travail détaché, mais le paiement des charges sociales (Dhéret et al. 2016). Il faut ajouter que les chiffres publiés ne correspondent pas à des personnes, mais à des détachements. Il faudrait ainsi leur appliquer un coefficient réducteur de 60 % pour obtenir le nombre de personnes détachées. Quoiqu’il en soit, si les chiffres sont modestes, leur augmentation est rapide (graphique 2) et leur concentration assez forte, aussi bien du point de vue des pays destinataires, que de celui des pourvoyeurs.
Graphique 2 : Évolution du nombre de détachements dans l’UE entre 2010 et 2014 (par catégorie)
Source : De Wispelaere et Pacolet (2015b).
En 2015 le nombre de travailleurs détachés a atteint environ 1,92 millions dans l’UE (SWD 2016). Contrairement aux idées reçues, l’UE 15 représente la majorité des flux entrants et sortants, avec une prépondérance d’échanges transfrontaliers, même si les Nouveaux États Membre (NEM) sont nettement mieux représentés en tant que pays pourvoyeurs (Graphique 3 ; UE13). Les travailleurs proviennent essentiellement de Pologne, d’Allemagne et de France, et se rendent principalement en Allemagne, en France et en Belgique. Compte tenu de son poids économique, les flux bilatéraux les plus importants conduisent des travailleurs polonais, slovènes et slovaques vers l’Allemagne. Pour ce qui concerne la France, les travailleurs détachés proviennent d’abord du Portugal, puis de la Pologne, de l’Espagne, de l’Allemagne et enfin de la Belgique. Les travailleurs détachés représentent 0,7 % des travailleurs des États membres, le chiffre est identique dans le cas de la France.
Graphique 3 : Travailleurs détachés selon l’État d’origine et de destination, en 2014
Source : De Wispelaere et Pacolet (2015b).
Une croissance surtout consécutive à l’élargissement de 2004
Entre 2010 et 2014, la progression du nombre de travailleurs détachés a été de 8,3 % par an (Graphique 2). Leur total pourrait atteindre 3 millions en 2018, soit un doublement en quatre ans (SWD 2016). La croissance la plus rapide a concerné les travailleurs polonais et slovènes.
S’agissant de la France, le nombre de travailleurs détachés déclarés a fait un bond depuis 2004 (graphique 4). Selon des chiffres provisoires, publiés fin mai 2016 par la Commission Nationale de Lutte Contre le Travail Illégal (CNLTI), le nombre de travailleurs détachés a même augmenté de 25 % en 2015, par rapport à l’année précédente. Une partie de cette hausse serait due à une meilleure déclaration de la part des employeurs en réaction à des contrôles plus efficaces [3]. Le ministère du travail estimait qu’en 2013 près de 300 000 travailleurs détachés, étaient présents sur le territoire français sans avoir été déclarés (Bocquet 2013 p.18).
Graphique 4 : Nombre de salariés détachés déclarés en France entre 2000 et 2015
Source : Données CNLTI.
Des flux différents entre les anciens et nouveaux États membres
En termes d’activités économiques, les flux représentent une sorte de chassé-croisé à trois dimensions : pays, secteurs, qualifications. Les travailleurs détachés des Nouveaux États Membres (NEM) le sont essentiellement dans la construction et l’industrie, alors que ceux des 15 sont plus souvent employés dans des activités de services. Ces flux recoupent des différences dans les qualifications (graphique 5).
Graphique 5 : Travailleurs détachés, par secteurs, niveaux de salaires et groupes de pays destinataires (en 2014)
Source : SWD 2016 p. 67.
La durée moyenne des détachements (pondérée par le PIB) était de 103 jours en 2014. Elle présente des différences marquées selon les pays d’origine. La durée est nettement plus longue pour les travailleurs issus des NEM. Ainsi, par exemple, les missions des travailleurs tchèques sont en moyenne de 154 jours, celles des français de 33 jours. Si pour les NEM la balance nette des entrées et sorties de travailleurs détachés est positive et contribue ainsi favorablement au commerce extérieur, elle est négative chez les 15, par exemple de -0,3 % pour la France.
La croissance rapide du nombre de travailleurs détachés, surtout celle des flux Est–Ouest, a suscité des réactions de plus en plus fortes.
2. Un débat européen de plus en plus polarisé
Le débat européen s’est essentiellement centré sur deux enjeux. Le premier concerne la mise en œuvre de la directive : le respect de ses dispositions est difficile à contrôler, son domaine d’application est source de contentieux, par exemple, sur le contenu du salaire minimum dû. Le deuxième enjeu touche à la philosophie du système mis en place : la directive d’origine ne prévoit pas que les travailleurs détachés soient nécessairement rémunérés à l’égal de leurs collègues nationaux effectuant les mêmes tâches. Le débat est relancé par la récente proposition de modification.
Les difficultés de mise en œuvre
Même si la première version de la directive services (dite Bolkestein, 2004) avait tenté d’inverser la démarche, le contrôle reste effectué par le pays de destination. Pour faire face aux problèmes qu’il pose, par exemple le besoin d’être informé à temps d’un détachement, une directive d’exécution a été prise en 2014 [4]. Elle facilite l’intervention des autorités nationales, accélère la coopération administrative et limite le risque de création de sociétés fictives dans les pays d’origine, appelées société « boites aux lettres ». Elle prévoit également des sanctions et, dans la construction, permet de rendre le donneur d’ordre et son exécutant conjointement responsables des éventuels manquements. C’est en s’appuyant sur une démarche de ce type que le promoteur Promogim a été condamné à Chambéry en 2013, pour l’action d’un de ses sous-traitants qui employait des travailleurs polonais, payés au salaire polonais.
Pour ce qui est des compléments de salaire (primes et indemnités diverses), l’étendue du noyau dur salarial a aussi posé un problème d’application. C’est ainsi qu’en 2015, dans un différend opposant le syndicat de l’électricité finlandais à une entreprise polonaise, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a dû confirmer que devaient y être incorporées les indemnités diverses (de congés, de sujétion…), alors que le remboursement de dépenses effectives (logement, repas…) pouvait en être exclu. Cependant, compte tenu de la diversité des situations nationales, un certain flou sur le contour exact du salaire à payer subsiste (SWD 2016).
L’application de la directive a aussi fait face à un problème d’un ordre très différent. Il provient du fait que les modèles de relations professionnelles et salariales varient dans l’UE. En simplifiant, on peut distinguer deux modèles. Dans le premier, les conditions de travail relèvent essentiellement du code du travail ou de conventions collectives rendues d’application générale. Dans le deuxième, elles relèvent surtout de la négociation collective directe, l’intervention étatique se bornant essentiellement à l’arbitrage des conflits. La France appartient au premier modèle, alors que l’Allemagne ou bien la Suède appartiennent au deuxième (SWD 2016 p. 30). Les rédacteurs de la directive de 1996 avaient surtout à l’esprit le premier modèle. Pour être opposable aux entreprises détachant des travailleurs, le « noyau dur » doit donc être d’application générale et contraignante, à la manière d’une loi ou bien de conventions collectives rendues d’ordre public. Encore faut-il souligner que dans la directive originelle, la dernière situation concerne une liste restrictive d’activités qui relèvent de la construction (annexe à l’art.1).
Les conséquences de cette situation sont apparues au grand jour en 2007 à l’occasion de différends entre syndicats et employeurs, portant sur le salaire que devaient recevoir des travailleurs détachés. Le premier (Viking Line) concernait la délocalisation du personnel d’un ferry finlandais, le second (Laval un Partneri Ltd) la tentative du syndicat suédois de la construction de faire appliquer à des travailleurs détachés de Lettonie, le salaire conventionnel Suédois. Dans les deux cas, la CJUE a jugé l’action des syndicats contraire au droit de l’UE. Une action collective destinée à imposer une convention collective (non obligatoire) d’un pays de destination, à une entreprise d’un autre État membre, constitue ainsi une entrave aux libertés d’établissement ou de prestation. De nombreux commentateurs ont alors considéré que les libertés économiques avaient été jugées supérieures aux droits reconnus par ailleurs aux travailleurs (Supiot 2008). L’enjeu et l’étendue du problème ont largement augmenté avec l’élargissement de 2004. L’Allemagne s’est aussi trouvée concernée par plusieurs affaires de ce type, notamment avec le cas Ruffert en 2008 [5].
Cette situation a suscité deux types de réaction, d’un côté les pays à modèle conventionnel dominant ont commencé à adapter leurs pratiques de relations professionnelles. Ils l’ont fait, soit en adoptant des salaires minimum légaux (Au Royaume Uni et en Allemagne par exemple), soit en tentant de modifier leur système de conventions collectives (Suède). D’autre part une coalition d’États, associant les pays à relations professionnelles conventionnelles et les pays largement destinataires (Allemagne, Autriche, Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas, et Suède), a agi pour une modification de la directive de 1996. Il faut souligner que cette démarche a le soutien des PME et de l’artisanat.
La proposition de modification de la directive
C’est dans le contexte précédemment évoqué que la Commission a publié en mars 2016 une proposition de modification de la directive détachement. L’objectif affiché est double : « lutter contre les pratiques déloyales » et « promouvoir le principe selon lequel le même travail effectué au même endroit devrait être rémunéré de manière identique » (COM 2016a).
Cette démarche représente un renversement des traditions du marché unique sur deux points. D’une part, elle confirme un certain retour au concept de concurrence loyale, également appelée non faussée [6] (« conditions de concurrence équitables aux entreprises » (COM 2016a), telle qu’elle apparaissait dans la tradition de la CEE et du traité de Rome. Alors que, depuis le traité de Maastricht, la référence dominante est la libre concurrence [7]. D’autre part, si la directive originelle ne s’opposait pas au principe du salaire égal, elle avait surtout consacré celui du minimum salarial pour les travailleurs détachés. Dans sa proposition, même si cela ne se traduit pas de façon concrète, la Commission popularise de façon fort novatrice pour un texte communautaire, l’équivalent du principe à travail égal, salaire égal. Faut-il y voir l’influence de la Charte des droits fondamentaux, annexées aux traités depuis 2009 ? Elle souligne même le fait que « dans un marché intérieur très concurrentiel, la concurrence est fondée sur la qualité des services, la productivité, les coûts (dont les coûts de main-d’œuvre ne constituent qu’une composante) et l’innovation » (COM 2016a). L’accent mis sur les différentes dimensions de la compétitivité mérite d’être salué.
La proposition de modification s’attache à clarifier l’étendue du noyau dur salarial, notamment en substituant les termes « rémunération minimale » à « taux de salaire minimal ».
Elle rend les conventions collectives généralisées applicables aux travailleurs détachés dans quasiment tous les secteurs. Elle permet d’obliger les entreprises à ne sous-traiter qu’avec des entreprises qui appliquent certaines conditions de rémunération, même si celles-ci sont supérieures au minimum légal. Cette disposition introduit la possibilité de restreindre les appels d’offre aux seules entreprises qui respectent ces conditions et répond ainsi au problème posé par le cas Ruffert évoqué plus haut. En outre, elle précise que les conditions d’emploi des travailleurs détachés dans le cadre d’une prestation d’intérim transfrontière, doivent être celles de leurs homologues nationaux de destination.
Pourtant si ces éléments constituent un réel progrès, il reste des insuffisances. Le principe du salaire égal, que défend la Commission dans ses attendus n’est pas celui qui est opposable ; le texte continue de s’intéresser au « noyau dur ». Du reste, il ne pourra pas être respecté tant que les conventions collectives régionales ou locales ne seront pas prises en compte. La proposition de modification gagnerait également à ajouter dans le « noyau dur » la nécessité de garantir des conditions dignes d’hébergement. La proposition ne s’applique pas aux transports, qui sont renvoyés à une future directive. Pourtant c’est l’un des secteurs les plus concernés par le détachement, voire par un contournement des règles officielles [8]. Elle ne règle pas totalement le cas de sociétés ad hoc, non fictives, qui seraient créées uniquement pour détacher des salariés à l’étranger. Le rapport Bocquet (2016), dont est tiré l’essentiel des remarques précédentes, propose, afin d’éviter ce cas, de fixer une limite au chiffre d’affaires extérieur de ces sociétés. Il s’agirait de s’assurer que leur production est d’abord destinée à leur marché intérieur. Une telle mesure semble toutefois délicate à concevoir, elle serait sans objet si le principe à travail égal, salaire égal, était vraiment mis en œuvre. L’amélioration des moyens de vérification que les cotisations sociales sont effectivement versées dans le pays d’origine est aussi souhaitable.
L’opposition à la modification
Malgré le fait que la modification de la directive se borne surtout à améliorer la mise en œuvre de l’opposabilité du « noyau dur » des conditions de travail, elle se heurte à une forte résistance. Un groupe de pays, principalement des NEM pourvoyeurs de main d’œuvre, (Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Danemark) ne veut pas de réforme. Il est intéressant de constater que ce groupe est soutenu à Bruxelles par la coalition des Grandes Entreprises. En conséquence, le 10 mai 2016, la Commission Européenne a reçu les avis motivés de 11 Parlements nationaux opposés à la révision de la directive sur le détachement des travailleurs. Ces avis dépassant le seuil pondéré des 19 voix, la Commission est obligée de réexaminer sa proposition.
L’opposition à la réforme repose sur deux arguments principaux. Le premier s’appuie sur le fait que la directive d’exécution n’est pas encore totalement appliquée, il demande donc de surseoir à la réforme. Cet argument cache surtout en deuxième lieu un refus du principe qui sous-tend la proposition. Les onze pays font valoir que « le principe d’une rémunération identique pour un même travail au même endroit peut être incompatible avec le marché unique, étant donné que les différences de taux de rémunération constituent un élément légitime de l’avantage concurrentiel pour les prestataires de services » (COM 2016a). On retrouve ici l’opposition doctrinale signalée plus haut entre libre concurrence et concurrence non faussée ou loyale. Mais il s’agit en l’état d’un faux procès, puisque sous couvert du principe du salaire égal, la proposition de modification ne fait que généraliser et rendre plus effectif celui du noyau dur minimal. Autrement dit, d’un côté cette controverse s’apparente à un jeu d’ombres qui reste au niveau des apparences. De l’autre, les pays opposants refusent en réalité que leurs ressortissants puissent, avec certitude, au moins bénéficier du salaire minimum du pays de destination. Ils défendent donc une forme de concurrence salariale sans entrave, en jouant sur les importants écarts de niveau des prix qui existent dans l’UE. Au-delà de l’étonnement que cela peut susciter du point de vue éthique, ce faisant ils se comportent en passagers clandestins opportunistes. En outre leur démarche est myope et non soutenable. En effet, compte tenu du contexte politico-institutionnel dans l’UE, ils favorisent le rejet des autorités publiques des pays de destination, qui apparaissent incapables d’agir (pour un exemple récent voir le cas du cabotage dans le Transport Routier de Marchandises, Cf. note 8), ainsi que les animosités nationales à leur encontre. On voit mal quel avantage ils pourraient en tirer à long terme.
Conclusion
Connaissant une croissance grandissante, surtout relative à des flux provenant des NEM, le détachement des travailleurs pose des problèmes aigus dans certains secteurs économiques. Sous couvert de vouloir appliquer un équivalent du principe à travail égal, salaire égal, la Commission a déposé une proposition de modification de la directive de 1996, qui consiste surtout à rendre vraiment applicable le « noyau dur » des conditions de travail. Cette proposition est pour l’instant contrée par onze pays. Il faut espérer que la Commission pourra maintenir sa réforme, qui paraît le minimum de ce qui devrait exister dans une Union Européenne dont l’ambition et les textes fondateurs défendent la dignité humaine et celle des travailleurs.
Références bibliographiques :
Bocquet, E. (2013) « Rapport d´information fait au nom de la commission des affaires européennes sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs », Sénat n° 527, 18 avril.
Bocquet, E. (2016), « Proposition de résolution européenne, au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du Règlement, sur la proposition de révision ciblée de la directive 96-71-CE relative au détachement des travailleurs », Sénat n° 644, 26 mai.
COM (2012), « Directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) nº 1024/2012 »
COM (2016a), « Proposition de directive du parlement européen et du conseil modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. »
COM (2016b), « Transports : La Commission entame des procédures contre l’application systématique des législations française et allemande sur le salaire minimum dans le secteur des transports », Communiqué de Presse, 16 juin, IP/16/2101.
De Wispelaere, F. & Pacolet, J. (2015a) “Posting of workers : the impact of social security coordination and income taxation law on welfare states”, HIVA-KU Leuven research institute for work and society WP November.
De Wispelaere, F. & Pacolet, J. (2015b), “Posting of workers Report on A1 portable documents issued in 2014”, HIVA-KU Leuven December 2015, European Commission.
De Wispelaere, F. & Pacolet, J. (2016), “An ad hoc statistical analysis on short term mobility – economic value of posting of workers The impact of intra-EU cross-border services, with special attention to the construction sector”, Ku Leuwen HIVA research institute for work and society, WP. 2016.
Dhéret, C. and Ghimis, A. (2016) “The revision of the Posted Workers Directive : towards a sufficient policy adjustment ?” European Policy Centre, Discussion paper Bruxelles, 20 April 2016.
Directive 96/71/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.
Supiot, A. (2008) « L’Europe gagnée par ‘‘l’économie communiste de marché’’ » Journal du MAUSS.
SWD (2016) « Commission staff working document impact assessment Accompanying the document Proposal for a Directive of the European Parliament and the Council amending Directive 96/71/EC concerning the posting of workers in the framework of the provision of services », SWD(2016) 52 final.
[1] Dans le cas standard, au maximum deux ans.
[2] En 2014, les taux de cotisations sociales patronales varient de 26 % (Estonie) à 7 % (Malte) pour un employé percevant 67 % du salaire national moyen (De Wispelaere et Pacolet, 2016).
[3] Jusqu’en 2011 entre 1 400 et 2 100 contrôles avaient eu lieu dans l’année, alors qu’actuellement ces chiffres peuvent être atteints par mois.
[4] Sa date limite de transposition est fixée au 18 juin 2016.
[5] Ruffert RFA CJCE 3 avril 2008, C-346/06, Dirk Rüffert c./Land Niedersachsen.
[6] Dans la version anglaise des traités européens, la concurrence « non faussée » est traduite par fair competition.
[7] Même si l’expression concurrence loyale apparaissait fugacement dans les attendus de la directive détachement.
[8] A proprement parler le Transport Routier international de Marchandises ne relève pas du détachement, mais d’une problématique proche. La loi Macron sur les transports prévoyait qu’au 1er juillet 2016 les routiers des États membres pratiquant le cabotage en France (transport national de marchandises, effectué de façon temporaire par des transporteurs d’un autre État membre), devaient pour la durée de ce cabotage, être rémunérés au salaire minimum. Cette disposition s’inspirait à la fois de la démarche applicable aux travailleurs détachés et d’une mesure similaire décidée par l’Allemagne en 2015. Le 16 juin 2016, la Commission, soutenue par un groupe de NEM mené par la Pologne, a ouvert une procédure d’infraction aux règles du marché unique contre la France et l’Allemagne. Selon elle cette disposition « crée des obstacles administratifs disproportionnés au bon fonctionnement du marché intérieur ». (COM 2016b).
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