Les plans d’action nationaux pour l’Emploi
Guy Tchibozo, LISEC UR 2310, Université de Strasbourg
Le processus d’adoption des LDE pour l’emploi en 2000 confirme le souci de pérenniser la stratégie européenne pour l’emploi en limitant à la marge les ajustements. Sur le fond, les recommandations communautaires expriment sans ambiguïté une conception néo-keynésienne – traditionnellement caractéristique de l’Europe continentale – du marché du travail et des politiques d’emploi.
Mots-clefs : droits du travail et sociaux, emploi et chômage, intégration des marchés du travail, marché du travail, politique et stratégie de l’emploi.
Citer cet article
Guy Tchibozo « Les plans d’action nationaux pour l’Emploi », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 2, 5 - 6, Été 2000.
À l’automne 1999, le Conseil européen d’Helsinki a adopté, sur proposition de la Commission, les Lignes directrices pour l’emploi pour l’année 2000. Le principe général d’élaboration des LDE est désormais bien défini : l’objectif n’est pas de renouveler systématiquement l’ensemble des recommandations, mais bien au contraire, dans un souci de cohérence et de continuité, d’ajuster à la marge les LDE, en tenant compte des progrès accomplis ainsi que des éventuelles faiblesses constatées à l’issue de chaque exercice.
L’architecture d’ensemble en quatre piliers et 22 Lignes directrices est donc maintenue. Par rapport à 1999, les LDE pour 2000 confirment en particulier la focalisation du pilier IV (égalité des chances) sur la réduction des discriminations de genre sur les marchés du travail. Des adaptations et clarifications apparaissent cependant,la principale innovation consistant à mettre l’accent sur la modernisation de l’organisation du travail, notamment par la formation, la reconversion,l’introduction de technologies nouvelles, le développement de nouvelles formes de travail et l’aménagement – réduction du temps de travail. Le rapport global sur l’intégration de ces LDE dans les Pan et sur leur mise en œuvre devrait intervenir à l’automne 2000. L’ensemble de cette politique se met en œuvre sous la responsabilité de la nouvelle Commissaire Anna DIAMANTOPOULOU, dans le cadre de la DG Emploi et affaires sociales réorganisée. Les principaux objectifs sont un peu mieux précisés.
Améliorer la capacité d’insertion professionnelle
Ce pilier vise essentiellement trois objectifs.
Le premier objectif consiste à améliorer l’employabilité et à réduire le chômage de longue durée (lignes directrices 1, 2, 4,5 et 6). Les recommandations sur ce point consistent d’abord à mettre en place des dispositifs d’orientation, de formation et d’acquisition d’expérience vers lesquels les chômeurs peuvent se tourner avant d’avoir atteint 6 mois (jeunes) ou 12 mois (adultes) de chômage. Les recommandations consistent ensuite à encourager la formation tout au long de la vie, en vue de permettre au travailleur d’entretenir son employabilité.
Le deuxième objectif important du premier pilier est de rendre plus actives les politiques d’emploi (lignes directrices 3 et 4). Les mesures recommandées ici consistent, d’une part, à étendre le champ d’application des politiques actives(formation professionnelle,stages en entreprises, aides à l’embauche) à un plus grand nombre de chômeurs ; et d’autre part à réformer les systèmes d’indemnisation du chômage et les systèmes fiscaux, de façon à éviter la création de trappes à chômage, et de façon à inciter les chômeurs au travail.
En troisième lieu, le premier pilier vise à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes. Les lignes directrices 5, 7 et 8 préconisent, en ce sens, de mettre en place des dispositifs d’amélioration de la formation et d’acquisition d’expérience professionnelle ; de réduire les sorties sans diplôme du système éducatif ; et d’adapter les contenus de formation aux mutations technologiques.
Deux autres objectifs peuvent encore être relevés. D’une part, la ligne directrice 9 recommande d’améliorer l’insertion professionnelle des catégories défavorisées, et notamment des personnes handicapées et des minorités ethniques. D’autre part,enfin, les lignes directrices 5 et 6 insistent sur la nécessité de faire relayer l’action de l’Etat par des initiatives convergentes des partenaires sociaux.
Développer l’esprit d’entreprise
Trois objectifs caractérisent ce pilier.
En premier lieu, cet aspect de la politique communautaire de l’emploi cherche à encourager la création d’entreprises (lignes directrices 10 à 13). Les mesures recommandées consistent d’abord à alléger les charges administratives, fiscales, sociales et financières liées à la création d’entreprises. Du point de vue financier, sont notamment préconisés le développement du capital-risque et l’élargissement de l’accès au marché boursier. La politique communautaire recommande ensuite de développer la formation des futurs chefs d’entreprises.
Le deuxième objectif (lignes 12 et 13) consiste à favoriser la création de nouveaux emplois. L’influence de l’expérience française est ici clairement perceptible. La recommandation consiste à favoriser la création d’emplois dans des secteurs caractérisés par l’émergence de nouveaux besoins : développement local, économie sociale, environnement et nouvelles technologies de l’information et de la communication. Enfin, le deuxième pilier recommande d’alléger la fiscalité de l’emploi (lignes 14 et 15). L’objectif est de réduire le coût du travail, en particulier s’il est peu qualifié. La recommandation porte notamment sur la réduction du taux de TVA sur les services à forte intensité de main d’œuvre.
Développer les capacités d’adaptation des agents aux évolutions du marché du travail
Les lignes directrices 16 à 18 envisagent deux séries de mesures.
En premier lieu, la politique communautaire préconise de développer la flexibilité du marché du travail par l’introduction de nouvelles modalités de travail (par exemple annualisation), et de nouveaux contrats de travail. Bien que non explicitement citée, la multi-activité pourrait illustrer cette catégorie.
En second lieu, les États sont incités à encourager, par l’allégement fiscal et la libéralisation réglementaire, l’investissement en formation et l’adaptation aux mutations du marché.
Favoriser l’égalité des chances entre hommes et femmes sur le marché du travail
Enfin, les recommandations du quatrième pilier sont centrées sur la réduction des discriminations de genre. Sur ce point la politique communautaire de l’emploi recommande essentiellement, outre le développement des politiques d’aide à la famille, un principe de discrimination positive : les Etats membres sont incités à accorder aux femmes, dans les politiques d’emploi, une place d’autant plus importante que les femmes sont proportionnellement plus touchées par le chômage que les hommes.
L’inspiration et la cohérence de la politique communautaire de l’emploi apparaissent finalement assez clairement. De façon très nette, les lignes directrices pour l’emploi ne font aucune place à des mesures néo-classiques du type réduction de l’intervention publique et des salaires, suppression du salaire minimum ou démantèlement des syndicats. En revanche, le programme communautaire reprend assez abondamment des recommandations caractéristiques de la réflexion néo-keynésienne des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, privilégiant plutôt le développement de la formation professionnelle et de l’employabilité, le partage du travail et l’implication des syndicats. Sans doute la politique d’emploi marque-t-elle ainsi une certaine maturité de la construction communautaire.
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