Les voies de réforme du budget de l’UE
Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).
L’Union vient d’entreprendre, à travers un texte de la Commission de septembre 2007, un réexamen en profondeur de son budget. C’est une opportunité considérable pour rapprocher l’Europe de ses citoyens. D’ailleurs, une discussion publique est officiellement ouverte. Mais une chose est sûre, un budget reflète toujours des choix politiques fondamentaux.
Mots-clefs : budget de l’Union européenne, cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, discipline budgétaire.
Citer cet article
Michel Dévoluy « Les voies de réforme du budget de l’UE », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 17, 6 - 11, Hiver 2007.
Le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont conclu le 17 mai 2006 un accord interinstitutionnel « sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière » de l’Union européenne. On y trouve notamment l’exposé complet du cadre financier pour la période 2007-2013 décidé au Conseil européen de décembre 2005.
Mais ce n’est pas tout. Cet accord nous projette au-delà de 2013 en présentant une « Déclaration relative au réexamen du cadre financier ». Précisément, cette Déclaration n° 3 jointe en annexe à l’accord (voir le texte en encadré ci-dessous), fait suite à une demande du Conseil européen de décembre 2005 invitant la Commission à entreprendre une révision exhaustive des dépenses et des recettes de l’Union et à en faire rapport en 2008-2009.
« Déclaration relative au réexamen du cadre financier
- Dans les conclusions de Conseil européen [de décembre 2005], la Commission a été invitée à entreprendre un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l’UE, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni, et à faire rapport en 2008-2009. Ce réexamen devrait s’accompagner d’une évaluation du fonctionnement de l’accord
interinstitutionnel. (…) - Dans le cadre du processus de consultation et de réflexion conduisant à l’élaboration du réexamen, la Commission s’engage à tenir compte de l’échange de vues approfondi qu’elle mènera avec le Parlement européen lors de l’analyse de la situation. La Commission prend également acte de l’intention du Parlement européen de convoquer une conférence pour dresser le bilan du système des ressources propres, à laquelle
participeront les parlements nationaux. Les résultats de cette conférence seront considérés comme une contribution dans le cadre dudit processus de consultation. Il est entendu que les propositions de la Commission seront présentées sous l’entière responsabilité de celle-ci. »
Source : JO de l’UE C 139/15 du 14.6.2006.
Aux origines du réexamen
À la suite d’un accord interinstitutionnel de 1988, l’Europe communautaire effectue une programmation pluriannuelle de ses budgets. Ce sont les perspectives financières (PF). Les PF, qui recouvrent une période de 5 à 7 années, sont proposées par la Commission et décidées, à l’unanimité, par le Conseil européen. Les PF ont un double objet : marquer les priorités en définissant les grandes enveloppes financières annualisées sur la période considérée ; discipliner les dépenses en fixant un plafond pour les ressources propres représenté par un certain pourcentage de la production annuelle de l’Union (l’agrégat RNB est pris comme référence).
L’Europe a connu des changements majeurs depuis 1988. Elle a accru son hétérogénéité en passant de 12 à 27 membres dans un contexte de globalisation croissante ; elle a augmenté l’interdépendance des États en instaurant un marché unique et l’euro. Pourtant, ces évolutions n’ont pas affecté, sur le fond, le budget de l’UE.
L’accord pour la période 2000-2006 (nommé l’Agenda 2000) avait déjà était assez difficile à conclure. C’était une première alerte. Les PF 2007-2013 furent quant à elles le résultat de longs et âpres compromis entre les chefs d’États et de gouvernements. Les tensions furent nombreuses et l’accord final fut très laborieux à atteindre. D’ailleurs, le Conseil européen de juin 2005 avait dû se séparer sur un constat d’échec en la matière. Et il a fallu attendre le Conseil des 16 et 17 décembre pour converger vers un résultat [1]. Le compromis de décembre 2005 révèle trois problèmes de fond.
1. Les tensions sur les priorités politiques
Le titre donné par la Commission au projet de PF 2007-2013 « construire notre avenir commun -défis politiques et moyens budgétaires de l’Union élargie » affiche l’ambition de mettre en place la stratégie de Lisbonne. Rappelons que celle-ci est fondée sur la promotion de la recherche et des nouvelles technologies afin d’assurer une croissance soutenable. Les quatre grandes rubriques qui structurent ces PF 2007-2013 traduisent ce projet collectif : 1. Croissance durable, 2. Conservation et gestion des ressources naturelles, 3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice, 4. L’UE acteur mondial (voir le tableau ci- après). Formellement, cette classification s’écarte assez radicalement de celle qui a caractérisée les PF successives depuis le début en 1988 : 1. Agriculture, 2. Actions structurelles, 3. Politiques internes, 4. Actions extérieures. Mais dans les faits, il n’y a pas eu de grands bouleversements. En particulier, la place de la PAC, que l’on retrouve dans le poste « Conservation et gestion des ressources naturelles », reste centrale, même si elle est en diminution.
1. Croissance durable | 382 139 |
2. Conservation et gestion des ressources naturelles | 371 344 |
3. Citoyenneté, liberté, sécurité et justice | 10 770 |
4. L’UE acteur mondial | 49 463 |
5. Administration | 49 800 |
6. Compensations | 800 |
Total crédits d’engagement
En % du RNB |
864 316
1,048 % |
Total crédits de paiement
En % du RNB |
20 780
1,00 % |
Marge disponible en % RNB
Plafond des ressources propres en % RNB |
0,24 %
1,24 % |
Source : Commission européenne.
Au total, les choix définitifs d’affectation des dépenses a provoqué une adhésion de circonstance et fragile. Il semble acquis qu’il faudra revisiter le poids relatif des priorités budgétaires de l’UE.
2. La question récurrente du « juste retour »
La question du rabais britannique, et plus généralement celle dite du « juste retour », a traversé les discussions budgétaires depuis de nombreuses années. Ce système, introduit en 1984, corrige le déséquilibre budgétaire que subit le Royaume-Uni. Pour renoncer à cette compensation, les anglais exigent une révision de la structure des dépenses, et notamment une reconsidération radicale de la PAC. Lors des PF 2007-2013, ils ont finalement accepté une réduction d’environ 1/5 de leur compensation. Mais la question de fond demeure. En outre, d’autres États membres ont réclamé un plus juste retour. Et ils l’ont obtenu. Il s’agit de l’Allemagne, de l’Autriche, des Pays-Bas et de la Suède [2].
Le problème du juste retour continue d’empoisonner les discussions budgétaires. Il pose frontalement un enjeu politique : est-on prêt à appartenir à un espace marqué par des formes de solidarités financières ?
Du point de vue de la pure logique économique, le rabais est difficilement mesurable, et donc justifiable. Le juste retour se fonde en effet sur le concept de ressources nettes. Il s’agit de calculer la balance comptable entre l’Union et un État membre [3]. Mais cette logique néglige tous les effets positifs qui découlent de la forte interdépendance des économies nationales. D’une part, les recettes d’un État membre en provenance de l’Union induisent des demandes de biens et de services qui profitent à l’ensemble du marché unique, et en particulier aux États contributeurs nets. D’autre part, les dépenses sur fonds européens sont susceptibles de générer, au cours du temps, des externalités positives au profit de chaque État, quelle que soit sa balance comptable avec l’Union. Au total, la comptabilité du juste retour est insuffisante pour mesurer les impacts économiques de l’appartenance à l’Union.
3. Le problème des ressources propres pour l’UE
Les PF fixent un plafond des ressources du budget évalué comme un pourcentage du revenu national brut de l’UE. Les dernières discussions n’ont pas baissé ce plafond (1,24 % du RNB). Mais les crédits de paiement, qui représentent les dépenses effectivement prévues, sont en diminution à 1,00 % du RNB. Ces chiffres marquent la volonté de ne pas augmenter, en fait de réduire, les dépenses de l’UE. On observe ainsi une situation assez paradoxale. D’un côté, on souhaite une Europe plus forte et plus efficace et de l’autre, on observe une forme de défiance qui se traduit par une réduction des moyens financiers mis à sa disposition.
La question des ressources renvoie également à celle de la structure des recettes de l’Union. On entre alors sur un terrain qui interpelle et qui divise dans la mesure où il ouvre le débat sur l’impôt européen.
Naturellement, les trois problèmes évoqués pour expliquer le besoin d’une réforme du budget de l’UE sont liés. En particulier, de nouvelles ressources ne seront justifiées qu’à travers la démonstration de l’intérêt de confier à l’Union de nouvelles dépenses.
La stratégie de la Commission
Conformément à la demande initiale du Conseil européen et à la déclaration de l’accord interinstitutionnel, la Commission a entrepris de conduire la réforme du budget en plusieurs étapes. Le processus de réexamen a été lancé à travers un Communication de la Commission rendue publique le 12 septembre 2007.
1. Les étapes prévues
Jusqu’au 15 avril 2008, la Commission organisera une vaste consultation où tous les acteurs intéressés par le sujet pourront intervenir. Par conséquent, l’ensemble des niveaux locaux, régionaux, nationaux et européens sont concernés. La Commission, avec l’aide de ces représentations dans les États membres, va accompagner et encourager les discussions.
Une adresse courriel est spécialement prévue à cet effet [4]. Elle est disponible pour tous. Par ailleurs, la Commission tiendra un site où seront publiés les points de vue, dès lors que les auteurs en donnent l’autorisation [5]. Le débat est donc largement ouvert, comme le montre le contenu de la conclusion de cette Communication (voir encadré ci-dessous).
Conclusion de la Communication de la Commission
« Le réexamen du budget constitue une opportunité réelle pour l’Union européenne de réfléchir sur la manière d’user de l’un des outils les plus importants, lequel a une incidence directe sur les européens en tant que citoyens, en tant que consommateurs des services financés par l’Union européenne et en tant que contribuables. La Commission européenne invite tous les acteurs au niveau, local, régional, national et européen à participer à ce débat et à répondre aux questions énoncées dans le présent document afin de contribuer à réformer le budget communautaire et à changer l’Europe.
Les résultats de cette vaste consultation représenteront une contribution majeure aux propres réflexions de la Commission conduisant à la présentation du réexamen du budget » (p. 14).
La Commission bénéficiera pendant cette période d’échanges avec des experts et demandera des études sur des domaines qu’elle jugera utile d’explorer.
La substance de tous ses points de vue et propositions sera présentée et analysée dans une conférence politique à grande échelle à la fin de la période de consultation, au printemps 2008.
Après cet ensemble de consultations et de réactions, la Commission proposera des voies pour des réformes applicables à partir de 2014.
Il appartiendra alors au Parlement et au Conseil, après le printemps 2008, de fixer les choix définitifs.
2. Les voies ouvertes par la Commission
Le titre de la Communication de la Commission annonce l’ambition de la tâche : « Réformer le budget, changer l’Europe » (Bruxelles, le 12.9.2007 SEC (2007) 1188 final). Ce document de 14 pages envisage un réexamen complet des dépenses et des ressources « sans tabou » pour reprendre l’expression utilisée (p. 3).
Les développements rassemblés sous le thème « l’élaboration du futur budget communautaire : la valeur ajoutée des dépenses communautaires », éclairent les voies de réformes possibles et méritent une attention particulière. L’Europe, souligne la Commission, est confrontée à de nombreux défis. Il lui appartient de préserver ses valeurs en acceptant la diversité et la solidarité, tout en étant confrontée au vieillissement des populations et aux flux migratoires. Elle doit également réactiver et prolonger la stratégie de Lisbonne en construisant une économie fondée sur la connaissance et les changements technologies, qui respecte l’environnement et l’équilibre climatique et qui dispose de sources d’énergie sûres.
Pour amorcer les discussions concernant une mise en œuvre efficiente et rigoureuse des politiques de l’Union à travers son budget, la Commission liste quelques pistes. Nous les résumons ci-après car elles décrivent la stratégie à suivre pour les réformes (p. 11 et 12 de la Communication).
- Le respect d’un équilibre entre l’octroi d’un soutien à diverses activités et la concentration des fonds disponibles permet de combiner l’avantage des économies d’échelle au niveau de l’union avec la nécessité de soutenir certains secteurs.
- Le respect d’un équilibre entre la gestion centralisée et décentralisée permet d’optimiser les méthodes de gestion financières des fonds européens.
- La simplification des instruments utilisés conduit à mieux gérer les programmes de dépenses.
- La mobilisation de ressources supplémentaires peut renforcer le rôle du budget européen. Il pourrait être fait appel à la Banque européenne d’investissement, à d’autres dépenses publiques, ou même à des contributions du secteur privé.
- La gestion des fonds et la mise en œuvre des programmes pourraient être confiées, dans certains cas, à des agences privées.
- La promotion du cofinancement entre l’Union et les États ou les régions participe à optimiser des dépenses publiques.
- La légitimité politique du budget passe par une plus grande lisibilité, une plus grande transparence, et au final par une pleine responsabilité dans la gestion de ce budget.
- L’évaluation de la valeur ajoutée des dépenses européennes doit s’appuyer sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité. « Dans le budget comme ailleurs, écrit la Commission, l’action de l’Europe doit procurer des avantages supplémentaires clairs par rapport aux mesures prises par chaque Etat membre séparément dans l’exercice des politiques qui promeuvent l’intérêt commun en Europe » (p. 10).
Pour ce qui concerne le volet financement (p. 12 à 14), la Commission reste très prudente. Ni elle remet en cause les plafonds actuels, ni elle aborde le thème de l’impôt européen. Par contre, elle soulève le problème des mécanismes compensatoires et elle pose une question : « Quelle devrait être la relation entre les citoyens européens, les priorités politiques et le financement du budget communautaire ? » (p. 14).
Les propositions de la Commission en vue d’améliorer le budget de l’Union sont intéressantes, mais de nature surtout technique. Il s’agit de rendre le budget plus efficient, plus rigoureux et plus transparent [6]
Cette démarche contourne la question politique. En démocratie, le budget traduit des choix collectifs issus d’une majorité. Or l’Union, au niveau de son budget, reste très largement intergouvernementale. La Commission a donc naturellement proposé son réexamen dans un cadre contraint par les traités et sous la tacite vigilance des États membres soucieux de leurs souverainetés.
Par ailleurs, la Commission continue de marquer fortement son attraction pour les mécanismes de marché. Ainsi, l’idée de mobiliser des ressources complémentaires en faisant appel à des contributions du secteur privé pour renforcer l’impact du budget européen ouvre la voie à des mécanismes qui risquent d’opposer les intérêts privés et collectifs. De même, le recours à des agences exécutives pour assurer une bonne gestion des fonds peut conduire à des formes de retrait du politique des affaires publiques.
Pour un budget plus politique
Le budget est bien plus qu’un simple instrument. Il incarne un système politique et des choix de société. Si, comme le propose la Commission, on envisage de changer l’Europe en réformant le budget, on ne peut pas se contenter d’aménagements techniques.
Pour aller à l’essentiel, le budget de l’Union a trois caractéristiques fondamentales : Les PF sont votées à l’unanimité ; il n’existe pas d’impôt européen ; les dépenses européennes peinent à fédérer l’ensemble des citoyens des 27 États membres. Cette situation explique trois difficultés majeures que rencontre l’Union : le flou sur l’identité européenne ; le scepticisme sur la réalité d’une Europe protectrice ; les débats politiquement funestes sur le « juste retour ».
La question de fond n’est ni la faiblesse du budget de l’Union, ni celle de la réallocation optimale des dépenses dans le cadre d’un budget contraint. L’Europe a besoin d’un budget politique. De fait, la construction européenne a abouti à développer une dichotomie entre la politique et l’économie. Certes, l’Europe communautaire a su ancrer la paix de l’après guerre grâce à des « solidarités de fait », pour reprendre l’expression de Robert Schuman. Certes, elle s’est ouverte aux nouveaux États en participant à la sédimentation de la démocratie et à la pacification du continent. Mais le projet européen est de plus en plus devenu, en avançant, celui d’un grand marché. L’ambition commune, largement illustrée depuis 2000 à travers la stratégie de Lisbonne et la méthode ouverte de coordination consiste à s’appuyer sur la concurrence entre les entreprises, les salariés, les régions et les États afin de promouvoir la croissance. Pour ce qui concerne la zone euro, la monnaie unique facilite les échanges et élimine les crises de changes internes, ce qui est excellent. Mais elle reste un faible vecteur d’identité européenne. Et, surtout, le pacte de stabilité et de la politique de la BCE placent les États dans un contexte de coordination coercitive qui entame l’efficacité des politiques économiques nationales et qui, en définitive, érode les solidarités intergouvernementales.
Au total, l’Europe a besoin d’un nouveau souffle qui passe par un budget politique. Pour avancer dans cette direction, il est souhaitable de promouvoir deux concepts et de réactiver les finalités du projet européen.
1. Deux concepts utiles : juridiction optimale et bien public européen
La mobilisation des concepts de juridiction optimale et de bien public européen permet d’injecter du politique dans l’Union.
La notion de juridiction optimale
L’Union n’est ni un État, ni une fédération. Pourtant, il faut trouver une méthode pour répartir les compétences en fonction des problèmes posés. L’Europe utilise les principes de subsidiarité et de proportionnalité. L’approche en termes de juridiction optimale, issue des théories du fédéralisme, peut être également opérationnelle. Une juridiction est ici définie comme une entité à la fois administrative et politique. Elle est qualifiée d’optimale pour traiter un problème économique si elle remplit deux critères : la maîtrise des instruments nécessaires pour mener la politique et la capacité d’être en résonance démocratique avec des préférences collectives suffisamment homogènes. Cette notion a l’avantage de lier l’économique et le politique.
À titre d’exemple, on peut observer que la zone euro n’est pas optimale pour ce qui concerne la stabilisation conjoncturelle. D’une part, l’architecture actuelle ne permet pas de piloter un policy mix européen. D’autre part, les mécanismes d’ajustement qui lissent automatiquement les écarts de conjoncture entre les États membres sont absents. La zone euro serait optimale, du point de vue de la stabilisation conjoncturelle, si elle présentait trois caractéristiques : une BCE plus attentive à la variété des besoins collectifs, un vrai budget de nature fédérale et une forme de système social redistributif au niveau de l’Union.
La notion de bien public européen
Selon la définition traditionnelle, un bien public a une double caractéristique : la non exclusion par les prix et la non rivalité dans la consommation. Ceci posé, l’approche des biens publics s’est considérablement élargie. Désormais, des objectifs collectifs comme la stabilité des prix, le bon fonctionnement du marché unique ou même la croissance et l’emploi entrent dans les biens publics. Cette notion élargie, appliquée à l’Europe, ouvre des perspectives en ce qui concerne la constitution d’une identité européenne.
Au total, les biens publics européens peuvent devenir un levier politique considérable pour légitimer l’Europe du point de vue des citoyens et des Etats membres, mais à deux conditions. D’une part, le bien public doit être reconnu comme utile par chaque européen. D’autre part, le poids de son financement doit être lisible et équitablement réparti. Pour finir, remarquons que la question de la légitimité démocratique de l’Union se retrouverait posée si ces biens publics européens devaient être pris en charge par des agences indépendantes du pouvoir politique.
2. Un projet porteur de cohésion et d’adhésion citoyenne
Le budget est un acte politique majeur. Changer le budget c’est changer l’Europe, et réciproquement. Les dépenses doivent être acceptées comme autant de vecteurs de valeurs ajoutées individuelles et collectives. Chaque citoyen adhèrera s’il est convaincu de l’impérieuse nécessité de participer à l’élaboration d’une Union forte et protectrice. Il sera alors prêt à apporter directement sa contribution à travers l’impôt.
La paix installée entre les anciens pays belligérants, l’Union ne s’est pas assez imposée comme une entité politique indispensable au bien être collectif. Elle est, comme on le dit souvent, trop « lointaine » et « complexe ». La réforme du budget est un puissant moyen de faire avancer l’Europe. Encore faut-il que les acteurs du changement s’accordent pour lier l’économique et le politique. Si les points de vue devaient diverger, il existe une solution : accepter une Europe à plusieurs vitesses.
Éléments de bibliographie
Fitoussi J.-P. et Le Cacheux J. (2007), L’Etat du l’Union européenne 2007 : L’Europe des biens publics, Fayard et les Presses de Science Po.
Guihéry L. (2001), Economie du Fédéralisme – Quelle constitution pour l’Europe, L’Harmattan.
Von Hagen J. et Pisani-Ferry J. (2003), pourquoi l’Europe ne ressemble-t-elle pas à ce que voudraient les économistes ? Revue économique, n°3, mai, pp. 477-487.
Lechantre M et Schajer D. (2003), Le budget de l’Union, Collection réflexe Europe, La Documentation française.
Tulkens H. (2003), Pourquoi le Fédéralisme ? Revue économique, n°3, mai, pp469-476.
Sites internet
Centre d’analyse stratégique, Actes du Séminaire du 11 juillet 2007, Quel budget pour l’Union européenne ?
La Commissaire à la programmation financière et au budget Dalia Grybauskaite : http://ec.europa.eu/commission_barroso/grybauxkaite/index_en.htm
[1] Les perspectives financières 2007-2013 : un échec programmé ?, Bulletin N°13 de l’OPEE, Automne 2005.
[2] La correction britannique représente 66 % de son solde net théorique, les quatre autres États bénéficient d’une réduction sur le taux d’appel de la contribution TVA. Pour plus de détails nous renvoyons aux conclusions du Conseil européen des 16 et 17 décembre 2005 sur les Perspectives financières 2007-2013, et notamment au document 15915/05.
[3] Les dépenses relavant de l’administration de l’Union sont exclues de cette comptabilité.
[4] budget-review ec.europa.eu
[6] On peut lire p. 13 « Les sources et mécanismes de financement du budget… doivent être jugés sur la base de principes convenus en commun tels que l’efficacité économique, l’équité, la stabilité, la visibilité et la simplicité, la rentabilité administrative, l’autonomie financière et le caractère suffisant. »
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