Le Traité constitutionnel et les régions

René Kahn, Université de Strasbourg (BETA)

Le traité constitutionnel n’apporte pas d’éléments nouveaux sur la place des régions dans la construction européenne et sur l’avenir de la politique régionale de l’Union. Il confirme le rôle institutionnel du Comité des régions et il réaffirme l’objectif de cohésion territoriale. L’absence de précisions supplémentaires quant aux moyens financiers accordés et aux orientations générales de la politique régionale, laissent cependant craindre une réduction drastique des fonds structurels voire même, la disparition à terme de la politique régionale européenne au profit d’un rééquilibrage au seul bénéfice des États en retard de développement, comme le préconisait le rapport Sapir.

Mots-clefs : Traité Constitutionnel , développement régional, politique régionale, traités européens.

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René Kahn « Le Traité constitutionnel et les régions », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 12, 38 - 39, Printemps 2005.

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1. La visibilité renforcée de l’échelon régional

Le Traité constitutionnel est un texte à la fois très technique (du point de vue juridique) et très général dans sa présentation des futures politiques économiques et sociales de l’Union. En ce sens, les évolutions probables de la politique régionale européenne sont moins conditionnées par ce que dit le Traité que par ce qu’il ne dit pas. Si l’on s’en tient au texte lui-même (les préambules, les quatre parties et les protocoles annexés), peu de changements sont envisagés en apparence sauf la confirmation de la place spécifique des régions et en particulier du Comité des régions dans la construction européenne : le statut de l’échelon régional en sortirait par conséquent plutôt renforcé. L’Article 132, relatif aux organes consultatifs de l’Union, affirme en effet :

  1. Le Parlement européen, le Conseil et la Commission sont assistés d’un Comité des régions et d’un Comité économique et social, qui exercent des fonctions consultatives.
  2. Le Comité des régions est composé de représentants des collectivités régionales et locales qui sont soit titulaires d’un mandat électoral au sein d’une collectivité régionale ou locale, soit politiquement responsables devant une assemblée élue.

La répartition nationale précise des membres du Comité des régions est donnée par l’Article 6 des dispositions concernant les organes consultatifs dans le protocole 34 sur les dispositions relatives aux institutions et organes de l’Union.

Il est également précisé dans la 3ème partie du Traité consacré aux politiques de l’union que le Conseil statut ou que chaque loi ou loi cadre européenne est adoptée « après consultation du Parlement européen, du Comité des régions et du Comité économique et social ».

De fait, l’ARE (Assemblée des régions d’Europe) dès octobre 2003, commentant le projet de Traité constitutionnel, se félicitait qu’à différents endroits du texte, il soit fait référence aux régions. Les compétences et les missions du niveau régional sont davantage reconnues qu’elles ne l’étaient dans les Traités précédents. Selon l’ARE, les régions sont désormais « actrices actives de la définition d’un ordre européen ». Elle enregistre avec satisfaction la prise en compte des régions et de leurs aspirations. Elle établit la liste des éléments positifs de son point de vue (par exemple, la réaffirmation de l’autonomie régionale et communale, ou l’application explicite au niveau régional du principe de subsidiarité) mais pointe également quelques points jugés négatifs. L’ARE souhaite préserver la diversité des modalités nationales et régionales d’intervention des pouvoirs publics, elle redoute en particulier que l’action locale soit entravée par le principe de décision majoritaire concernant les « domaines d’action d’appui de l’Union » et formule sa préférence pour une décision à l’unanimité en ce qui concerne par exemple les accords commerciaux dans le domaine de la culture, principe qui de son point de vue garantit mieux le respect de toutes les sensibilités.

2. Le Traité reste vague sur les moyens et les orientations de la future politique régionale de l’union

Cependant le point important demeure sur ces questions la réaffirmation de l’objectif de « cohésion économique, sociale et territoriale » de l’union, rappelé dans la première partie et qui fait l’objet du protocole n°29. Plus précisément, l’union « promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres. Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. » Le protocole correspondant énumère l’ensemble des dispositions antérieures et nouvelles qui orientent l’action de l’Union. Certains éléments méritent d’être relevés :

  • la création d’un fonds de cohésion ;
  • le renforcement du rôle de la Banque européenne d’investissement ;
  • l’intention des États membres de faire preuve d’une plus grande flexibilité dans l’octroi des crédits ainsi qu’une modulation des niveaux de participation de l’Union dans son action structurelle afin « d’éviter des augmentations excessives des dépenses budgétaires dans les États membres les moins prospères ». Cette remarque fait implicitement référence au principe de cofinancement ou d’additionnalité qui veut que tout euro apporté par l’Union soit complété par un apport national équivalent.

Si le principe général de la cohésion économique, sociale et territoriale est bien réaffirmé dans le Traité, si les aides « destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l’article III-424, compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale » sont déclarées compatibles avec le marché intérieur, les craintes de voir remis en cause l’ancienne formule des fonds structurels sous leur forme actuelle (programmation : 2000 - 2006) subsiste. Cependant, les perspectives financières européennes actuelles font peser sur les moyens et les orientations de la politique régionale des risques sérieux (cf. Rapport Marc Laffineur pour la période 2007-2013) [1]. En clair, est-ce avec l’adoption du Traité, la fin de l’actuelle politique régionale européenne avec ses fonds spécifiques (FEDER, FSE, FEOGA) ses objectifs (1, 2 et 3) et ses transferts importants de fonds au profit des régions qui répondaient aux critères d’éligibilité et rentraient ainsi dans ces objectifs ?

On peut le penser car ni les différentes parties du Traité, ni le protocole 29 ne mentionnent les objectifs régionaux de l’actuelle politique régionale européenne. La seule référence concerne en effet la création d’un fonds de cohésion destiné au renforcement du développement des Etats membres dont le PIB / habitant est inférieur à 90% de la moyenne de l’Union (soit l’actuel objectif 1). L’application stricte du contenu du Traité pourrait par conséquent correspondre à la disparition progressive de la politique régionale au profit d’un soutien aux seuls Etats en retard de développement, notamment, aux nouveaux pays adhérents, tels que le préconisait le rapport SAPIR dès 2003 [2].

En définitive le Traité confirme l’échelon régional dans ses fonctions d’acteur du développement économique et social et de niveau institutionnel partenaire de la construction européenne sans nécessairement continuer à lui apporter des moyens financiers importants destinés à soutenir les initiatives régionales et locales, comme c’est actuellement encore le cas.


[1M. Marc LAFFINEUR & Serge VINÇON (2004), « Les perspectives financières européennes 2007 - 2013 », Rapport au premier ministre, Ed. La documentation française. Également disponible en document électronique

[2SAPIR A. (2003) dir., An Agenda for a Growing Europe, Report to the president of the European Commission, Brussels

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