Les enjeux de pouvoir dans l’Europe élargie
Valérie Malnati, Commissariat général à l’Investissement
L’élargissement de l’Union européenne (UE) favorise les réformes politiques et institutionnelles des pays adhérents. Il obligera également les institutions communautaires à réformer le mode de décision au sein de l’UE.
Mots-clefs : construction européenne, élargissement de l’UE, gouvernance économique et financière en Europe, Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO).
Citer cet article
Valérie Malnati « Les enjeux de pouvoir dans l’Europe élargie », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 10, 29 - 37, Été 2004.
Le cinquième élargissement de l’Union européenne présente des caractéristiques sans commune mesure avec les élargissements précédents par le nombre des pays concernés. Treize pays ont en effet soumis leur candidature afin de devenir membre de l’UE. Dix de ces pays - Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la République slovaque et la Slovénie – ont rejoint l’UE le 1er mai 2004. On les désigne sous le nom de “pays adhérents”. La Bulgarie et la Roumanie espèrent pouvoir faire de même en 2007, tandis que la Turquie ne négocie pas pour l’instant son adhésion.
Ces nouveaux états membres se sont engagés, ces quinze dernières années, dans un processus de transition de l’économie planifiée à l’économie de marché.
Dans le cadre de ce processus, ils ont mis en place de nouveaux cadres institutionnels et juridiques, ils se sont ouverts aux échanges commerciaux et aux marchés internationaux des capitaux et ils ont réorganisé leurs structures de production.
À l’aube de leur entrée dans l’UE, ces pays adhérents sont parvenus à un stade avancé du processus de transition et satisfont actuellement aux conditions économiques et politiques – connues sous le nom de “critères de Copenhague”– requises pour adhérer à l’Union. Ces conditions indiquent que le pays candidat doit :
- être une démocratie stable, respectueuse des droits de l’homme, de la règle de droit et de la protection des minorités ;
- se doter d’une économie de marché effective ;
- adopter les règles, normes et politiques communes qui constituent le corps législatif de l’UE.
Sur le plan monétaire, les pays adhérents participeront à l’Union Economique et Monétaire (UEM) en bénéficiant d’une dérogation. Cela signifie que, bien qu’ils n’adoptent pas encore la monnaie unique, ils s’engagent à rejoindre la zone euro dans une phase ultérieure, sous réserve du respect des critères de convergence définis par le Traité de Maastricht.
L’Union soutient ces pays dans leurs efforts d’adoption des règles de l’UE, et leur apporte son assistance financière afin de développer leurs infrastructures et leurs économies.
Il convient ici d’évoquer quelques unes des caractéristiques de chacun des pays adhérents (cf pages suivantes). En effet, avec près de 75 millions d’habitants, dont 38 millions pour la seule Pologne, ils représentent 20 % de la population de l’Union. Quant au produit intérieur brut (PIB) de l’UE, il augmentera – du fait de leur adhésion – de moins de 5 %. Le PIB total dans ces pays, au taux de change courant, s’élève à quelques 440 milliards d’euros, contre 9 200 milliards d’euros dans l’Union européenne à 15 (UE-15). Cette asymétrie résulte d’un écart encore important en termes de revenus par habitants, entre les états de l’UE-15 et les nouveaux membres. Ainsi, le PIB par tête moyen de l’ensemble pays adhérents (exprimé selon la parité de pouvoir d’achat) représente 45 % de celui de l’UE-15 (soit 10 700 contre 23 210 euros).
Par ailleurs, il semble nécessaire de rappeler qu’au-delà de ses nouvelles perspectives, l’élargissement en cours avivera sans aucun doute le débat sur l’assouplissement et la mise en place d’une différenciation de l’intégration au sein de l’UE. Enfin et surtout, il relancera les discussions relatives à la réforme des institutions et au déplacement du centre de gravité politique et économique de l’Union. L’Europe reste en effet une organisation relativement bien équilibrée, mais elle est encore loin de représenter une identité politique.
La nouvelle répartition des voix au sein du Conseil des ministres
Le Conseil des ministres est l’institution de l’Union dans laquelle sont représentés les gouvernements des Etats membres. Il est, avec le Parlement européen, le législateur communautaire et l’une des deux branches de l’autorité budgétaire. Il est l’institution prépondérante pour prendre des décisions en matière de politique étrangère et de sécurité commune ainsi que de coopération policière et judiciaire en matière pénale.
Le Conseil prend ses décisions – selon ce que prévoient les traités – à l’unanimité de ses membres, à la majorité qualifiée des voix, ou à la majorité simple pour les décisions de procédure. Dans une Union élargie, un accord unanime est très difficile à atteindre, il importe donc de réduire les cas où un Etat membre peut imposer son veto. Dans ce contexte, l’un des objectifs majeurs du projet de Constitution européenne recalé à Bruxelles en décembre dernier, est d’éviter les risques de blocage :
- en dotant le Conseil d’une présidence plus stable (un Président élu pour 2 ans et demi par le Conseil européen [1] à la majorité qualifiée) ;
- en resserrant la Commission (ramenée à un collège de 15 membres) ;
- en modifiant les règles de la majorité qualifiée.
Le Traité de Nice, conclu en décembre 2000, a déjà modifié les règles de vote au sein du Conseil avec les atermoiements que l’on sait.
Le texte de la Constitution entend introduire une rupture radicale avec ce système complexe en supprimant les votes pondérés et en ne laissant subsister que deux critères : la majorité simple du nombre d’états et 60 % de la population.
Une fois fixés les niveaux des seuils de majorité pour chacun des critères, aucun autre degré de liberté ne permet d’ajuster le pouvoir de chacun des Etats.
Malgré une relative rigidité, cette nouvelle règle a trois vertus importantes : elle ne se prête pas au marchandage des droits de vote, ne nécessite pas de renégociation à chaque entrée de nouveaux membres et elle a l’atout de la transparence.
Au total, cette nouvelle répartition maintient l’équilibre entre la dimension fédérale, incarnée par la Commission et le Parlement, et la dimension intergouvernementale, représentée par le Conseil européen et le Conseil des ministres.
Pays | Traité de Nice | Constitution | |
---|---|---|---|
Nb Voix | % | % | |
Allemagne | 29 | 8,4 | 16,9 |
Autriche | 10 | 2,9 | 1,7 |
Belgique | 12 | 3,5 | 2,1 |
Danemark | 7 | 2 | 1,1 |
Espagne | 27 | 7,8 | 8,2 |
Finlande | 7 | 2 | 1,1 |
France | 29 | 8,4 | 12,7 |
Grèce | 12 | 3,5 | 2,2 |
Irlande | 7 | 2 | 0,8 |
Italie | 29 | 8,4 | 11,9 |
Luxembourg | 4 | 1,1 | 0,1 |
Pays-Bas | 13 | 3,8 | 3,3 |
Portugal | 12 | 3,5 | 2,1 |
Royaume-Uni | 29 | 8,4 | 12,4 |
Suède | 10 | 2,9 | 1,8 |
Total UE à 15 | 237 | 68,7 | 78,5 |
Chypre | 4 | 1,1 | 1,4 |
Estonie | 4 | 1,1 | 0,3 |
Hongrie | 12 | 3,5 | 2,1 |
Lettonie | 4 | 1,1 | 0,5 |
Lituanie | 7 | 2 | 0,7 |
Malte | 3 | 0,9 | 0,1 |
Pologne | 27 | 7,8 | 8 |
Rép.tchèque | 12 | 3,5 | 2,1 |
Slovaquie | 7 | 2 | 0,4 |
Slovénie | 4 | 1,1 | 1,1 |
Total UE à 25 | 321 | 93,1 | 93,9 |
Bulgarie | 10 | 14 | 2,9 |
Roumanie | 4 | 1,6 | 4,5 |
Total nouveaux membres | 108 | 31,2 | 21,4 |
Total UE à 27 | 100 | 345 | 100 |
Source : Eurostat.
Présentation des dix nouveaux pays adhérents
CHYPRE (KYPROS – KIBRIS)
- Superficie : 9 251 km2
- Population : 765 000 hbs (dont 650 000 dans la partie grecque de l’île)
- Capitale : Nicosie (200 500 hbs)
- Langues officielles : grec et turc
-*Religion principale : orthodoxe
-*Monnaie : Livre chypriote (1 CP = 1,74 €) - PIB par habitant : 17 180 euros
-*Régime politique : république - Chef d’Etat : M. Tassos Papadopoulos (depuis février 2003 – mandat de 5 ans)
- Chef de gouvernement : pas de premier ministre dans la Constitution.
L’ile reste coupée en deux secteurs séparés par une ligne de démarcation de 180 km. La zone grecque au Sud, qui entre dans l’UE, représente 63 % du territoire.
Chypre tire ses plus importants revenus de l’activité touristique en attirant chaque année sur l’île près de 2 700 000 touristes.
ESTONIE (ESSTI)
- Superficie : 45 227 km²
- Population : 1,37 millions hbs
- Capitale : Tallinn (408 329 hbs)
- Langue officielle : estonien
-*Religion principale : protestante - Monnaie : Couronne estonienne (1 EEK =0,006 €)
- PIB par habitant : 9 240 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : M. Arnold Rüütel (depuis septembre 2001 - mandat
de 5 ans) - Chef de gouvernement : M. Juhan Parts (depuis 2003).
L’Estonie compte 1524 îles sur son petit territoire.
La fréquentation des théâtres est remarquable en Estonie : près de 800 000 places sont vendues chaque année.
HONGRIE (MAGYARORSZA’G)
- Superficie : 93 036 km²
- Population : 10,2 millions hbs
- Capitale : Budapest (2 millions hbs)
- Langue officielle : hongrois
- Religion principale : catholique
- Monnaie : Forint hongrois (1 HUF = 0,003 €)
- PIB par habitant : 12 250 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : M. Ferenc Màdl (depuis août 2000 - mandat de 5
ans)
Chef de gouvernement : M. Péter Medgyessy (depuis 2002)
A Budapest roule en 1886 le premier métro d’Europe continentale, le plus ancien au
monde, après le réseau sous-terrain de Londres mis en service en 1986.
Le Rubik’s cube est l’invention de l’architecte Erno Rubik en 1974. Dans les années 1980, l’engouement pour ce jeu est tel qu’il donne lieu à l’organisation d’un championnat du monde.
LETTONIE (LATVIJA)
- Superficie : 64 589 km²
- Population : 2,37 millions hbs
- Capitale : Riga (800 000 hbs)
- Langue officielle : letton
- Religion principale : protestante
- Monnaie : Lats (1LVL= 1,49 €)
- PIB par habitant : 7 750 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : Mme Vaira Vike-Freiberga (depuis juillet1999, réélue en 2003 – mandat de 4 ans)
- Chef de gouvernement : M. Indulis Emsis depuis 2003
Mme Vaira Vike Freiberga est la première femme d’Europe centrale et orientale à avoir été élue à la tête d’un Etat.
C’est la chanteuse lettone Marija Naumova qui a remporté le concours de l’Eurovision 2002 avec sa chanson intitulée « I wanna ».
LITUANIE (LIETUVA)
- Superficie : 65 300 km²
- Population : 3,7 millions hbs
- Capitale : Vilnius (580 000 hbs)
- Langue officielle : lituanien
- Religion principale : catholique
- Monnaie : Litas (1 LTL = 0 ,28 €)
- PIB par hb : 8 960 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : M. Rolandas Paksas (depuis janvier 2003 - mandat de 5 ans)
- Chef de gouvernement : M. Algirdas Brazauskas (depuis 2001)
Un alphabet de 32 lettres, 7 cas et 5 groupes de déclinaisons font du lituanien une perle linguistique et l’une des langues les plus archaïques de la famille des langues indo-européennes.
Non, l’Alsace n’est pas le seule terre de prédilection de la cigogne en Europe ! La cigogne blanche est un oiseau admiré et protégé en Lituanie. En outre, 15 millions d’oiseaux migrateurs font étape chaque année sur la péninsule de Courlande, côte lituanienne de la Baltique
MALTE (MALTA)
- Superficie : 316 km² pour les 3 îles (Malte, Gozo, Comino)
- Population : 390 000 hbs
- Capitale : La Valette (7 029 hbs)
- Langues officielles : maltais et anglais
- Religion principale : catholique
- Monnaie : Lire maltaise (1Lm = 0,40 €)
- PIB par habitant : 11 700 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : M. Edward Fenech Adami (depuis mars 2004 - mandat de 5 ans)
- Chef de gouvernement : M. Lawrence Gonzi (depuis 2004)
A Malte, on roule à gauche (héritage britannique) et les vitesses sont limitées à 64 km/h sur les routes et à 40 km/h dans les agglomérations.
Dans le jeu d’échecs maltais, la reine ne porte pas de couronne.
POLOGNE (POLSKA)
- Superficie : 312 685 km²
- Population : 38,6 millions hbs
- Capitale : Varsovie (2,2 millions hbs)
- Langue officielle : polonais
- Religion principale : catholique
- Monnaie : Zloty (1 PLZ = 0,21 €)
- PIB par habitant : 9 410 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : M. Alexsander Kwasniewski (depuis décembre 1995, réélu en 2000 – mandat de 5 ans)
- Chef de gouvernement : M. Marek Belka (depuis 2004)
Au lendemain de son adhésion à l’Union européenne, la Pologne s’est munie d’un nouveau gouvernement dirigé par un économiste respecté, Marek Belka, mais qui doit encore être approuvé par le Parlement.
La soupe nationale polonaise est le barszcz (prononcez bortsch). Ce potage de betteraves a pour particularité de fermenter trois jours avant d’être assaisonné et servi chaud.
REPUBLIQUE TCHEQUE (CESKA REPUBLIKA)
- Superficie : 78 866 km²
- Population : 10,3 millions hbs
- Capitale : Prague (1,2 millions hbs)
- Langue officielle : tchèque
- Religion principale : catholique
- Monnaie : Couronne tchèque (1 CZK= 0,032 €)
- PIB par hb : 11 200 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : M. Vaclav Klaus (depuis mars 2003 - mandat de 5 ans)
- Chef de gouvernement : M. Vladimir Spidla (depuis 2002)
C’est le chimiste tchèque Otto Wichterle qui met au point les premières lentilles de contact souples hydrophiles en 1963. La majorité des lentilles souples sont encore faites à base du matériau découvert par Wichterle.
La république tchèque a « divorcé » à l’amiable en 1993 de la Slovaquie avec laquelle elle formait la Tchécoslovaquie.
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SLOVAQUIE (SLOVENSKA REPUBLIKA)
- Superficie : 49 035 km²
- Population : 5,4 millions hbs
- Capitale : Bratislava (471 000 hbs)
- Langue officielle : slovaque
- Religion principale : catholique
- Monnaie : Couronne slovaque (1 SKK= 0, 023€)
- PIB par habitant : 11 200 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : M. Ivan Gasparovic (depuis avril 2004 - mandat de 5 ans)
Chef de gouvernement : M. Mikulas Dzurinda (depuis 1998, réélu en 2002)
Le slovaque Stefan Banic a sauté du 41 ème étage d’un immeuble de Washington en 1913, à l’occasion de la première expérimentation de son invention … le parachute.
Connaissez vous le célèbre mannequin aux jambes les plus longues du monde ? Il s’agit de la slovaque Adriana Sklenarikova, plus connue sous le nom d’Adriana Karembeu.
SLOVENIE (SLOVENIJA)
- Superficie : 20 256 km²
- Population : 2 millions hbs
- Capitale : Ljubljana (278 000 hbs)
- Langue officielle : slovène
- Religion principale : catholique
- Monnaie : Tolar slovène (1 SIT= 0,004€)
- PIB par hb : 16 210 euros
- Régime politique : république
- Chef d’Etat : M. Janez Drnovsek (depuis décembre 2002 - mandat de 5 ans)
- Chef de gouvernement : M. Anton Rop (depuis 2002)
La Slovenie est appelée « le Trésor vert de l’Europe », les forêts couvrent en effet plus de la moitié de son territoire.
Le kozolec, abri en bois permettant le séchage et le stockage du foin, est un style architectural rural qu’on ne trouve qu’en Slovénie.
Source : Commission européenne. (Le PIB par habitant est exprimé en PPA ).
[1] Le Conseil européen est actuellement composé des chefs d’Etat et de gouvernement des états membres, ainsi que du Président de la Commission.
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