L’Euro : huit ans après
Gilbert Koenig, Université de Strasbourg (BETA)
Au cours de ses huit années d’existence, l’euro s’est imposé au sein de l’union monétaire en tant que monnaie supranationale et dans le système monétaire international en tant que rival du dollar et du yen. Dans la zone euro, il remplit les mêmes fonctions que les monnaies nationales qu’il remplace, mais, du fait de sa nature supranationale, il possède quelques caractéristiques spécifiques. Dans les relations entre l’Europe et le reste du monde, l’euro remplit les principales fonctions d’une monnaie internationale sans toutefois évincer ses rivaux.
Mots-clefs : euro et les autres monnaies, les fonctions de la monnaie, Monnaie unique , taux de change, taux de change euro/dollar, zone euro.
Citer cet article
Gilbert Koenig « L’Euro : huit ans après », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 16, 3 - 9, Eté 2007.
Les premières propositions officielles d’une monnaie européennes remontent au plan Werner commandé par les chefs d’État et de gouvernement en 1970. Ce plan prévoit l’instauration d’une monnaie commune en plusieurs étapes se terminant en 1980. Mais les désordres monétaires des années 70 provoqués par l’écroulement du système monétaire international et par le premier choc pétrolier ont conduit à des solutions de stabilisation monétaire moins ambitieuses. C’est ainsi que, pour limiter les fluctuations des taux de change, on crée le serpent monétaire européen remplacé en 1979, après son échec, par le système monétaire européen et on instaure l’ECU représentant un panier de monnaies européennes dont la valeur moyenne est mécaniquement plus stable que ses composantes. La stabilité monétaire obtenue à partir de la fin des années 80 et la libéralisation des mouvements de capitaux rendent difficiles le maintien de l’autonomie des politiques monétaires nationales. Pour résoudre ce problème qui constitue le triangle d’incompatibilité de Mundell, le rapport Delors (1989) propose la création d’une union monétaire européenne. Après l’adoption de cette proposition, le traité de Maastricht (1992), complété par le traité d’Amsterdam (1997) définit le cadre institutionnel de l’union. Le Conseil européen de Madrid (1995) attribue à la monnaie européenne le nom d’euro. L’euro se substitue aux monnaies nationales européennes en janvier 1999 et il devient une monnaie à part entière en janvier 2002 avec l’émission de pièces et de billets. À la différence de la plupart des expériences monétaires de ce genre, l’instauration de l’euro ne s’est pas accompagnée de l’apparition d’un pouvoir politique sous la forme d’un État européen représenté par un gouvernement. Cette particularité n’a pas empêché l’euro de s’imposer au cours de ses huit années d’existence au sein de l’union monétaire en tant que monnaie supranationale et dans le système monétaire international en tant que rival du dollar et du yen.
1.L’euro en tant que monnaie supranationale au sein de l’union monétaire
L’euro est émis au sein de l’union monétaire par une institution supranationale, le Système Européen des Banques Centrales (SEBC). De ce fait, les pays composant l’union abandonnent leur souveraineté monétaire et renoncent à utiliser les taux de change intra-européens comme instruments d’ajustement en cas de chocs d’offre ou de demande. L’euro remplit les mêmes fonctions que les monnaies nationales qu’il remplace, mais, du fait de sa nature supranationale, il possède quelques caractéristiques spécifiques.
L’euro en tant qu’instrument d’échanges et de réserve de valeur
Sur le plan purement économique, l’euro, en tant qu’instrument d’échange permet de réduire les coûts de transactions grâce à l’existence d’un réseau intra-européen de diffusion plus important que celui de chacune des anciennes monnaies nationales. En effet, l’extension du réseau d’utilisateurs accroît la probabilité de chaque citoyen de disposer de la monnaie désirée au moment voulu et à un moindre coût.
Les avantages hors réseaux de l’euro résultent essentiellement de l’élimination des taux de change entre les pays européens. En effet, cette élimination permet de réduire l’instabilité des marchés financiers en évitant des spéculations sur les variations des taux de change intra-européens. Cet avantage pourtant très important ne semble pas être perçu par les Européens si l’on se réfère aux résultats de l’enquête d’opinions de Eurobaromètre (2005) [1]. Par contre l’avantage le plus important attribué par les citoyens à l’élimination des taux de change intra-européens est l’économie de commissions de change qu’elle entraîne. Or cet avantage ne touche qu’un quart de la population qui se déplace à l’intérieur de l’Europe.
On espère également que l’absence de taux de change intra-européens stimule la croissance économique et l’emploi en écartant le risque de change. Mais les travaux empiriques montrent que l’incidence de la stabilité des taux de change sur la croissance économique est faible. De toutes façons, ce facteur ne semble pas avoir doper la croissance européenne qui est restée inférieure à celle des grandes économies, comme celle des États-Unis.
L’utilisation de l’euro, comme instrument d’échanges peut aussi favoriser le développement d’un sentiment d’identité européenne [2]. En effet, l’euro délimite l’espace européen par rapport à ceux définis par d’autres monnaies. Une telle délimitation peut intensifier le sentiment d’appartenance à l’Europe. De plus, en facilitant les échanges à l’intérieur de l’Europe, l’euro permet de faire prendre conscience à ses utilisateurs qu’ils font partie d’une même communauté. En effet, les échanges de biens et de services qui sont effectués par l’intermédiaire de l’euro entre les agents d’un même pays ou de pays européens différents se réalisent dans un cadre juridique européen commun. De plus, le développement des transactions entre les pays européens qu’engendre l’utilisation de l’euro favorise les relations sociales entre les citoyens de divers pays. Par contre, la capacité de l’euro d’exprimer des droits et des obligations des citoyens envers une puissance publique européenne est limitée au stade actuel de la construction de l’Europe. Elle pourrait être étendue, même en l’absence d’un État européen, grâce à l’instauration d’un système européen d’imposition des citoyens qui se substituerait, au moins partiellement, aux contributions directes des États au budget européen et qui permettrait à l’euro d’exprimer les dettes fiscales des agents envers les autorités européennes.
On admet généralement que l’euro peut contribuer, en tant que réserve de valeur, au développement d’un sentiment identitaire s’il assure un pouvoir d’achat stable et si sa valeur externe est forte. On espère ainsi que la monnaie européenne assurera, comme l’ancien mark, une prospérité économique conduisant au progrès social et à une organisation de la société dont le caractère démocratique correspond aux aspirations des citoyens.
L’espoir que l’euro devienne un vecteur d’identité européenne ne s’est pas réalisé jusqu’ici. En effet, selon l’enquête de l’Eurobaromètre près de 80 % des citoyens sondés affirment que l’instauration de l’euro n’a exercé aucun effet sur leur sentiment d’identité européenne [3].
L’euro comme instrument de compte commun aux pays de l’UEM
La substitution de l’euro aux monnaies nationales comme instrument de compte permet d’exprimer les prix des biens produits dans des pays différents dans la même unité, ce qui favorise la comparaison internationale. Il peut en résulter, au moins dans certains secteurs, une intensification de la concurrence internationale favorable à des baisses de prix. Mais, cette concurrence par les prix peut conduire à des regroupements en vue de réduire les coûts et d’exercer un pouvoir sur le marché. Les mouvements importants de ce type qui se sont produits ces dernières années ne sont cependant pas dus nécessairement à l’euro.
En fait, l’instauration de l’euro est considérée en 2005 par près de 80 % des citoyens européens comme une source d’inflation [4] alors que selon les statistiques officielles le taux d’inflation européen est resté assez stable de 1999 à 2006. Ce décalage entre l’inflation mesurée et l’inflation perçue peut s’expliquer notamment par le fait que les perceptions inflationnistes des consommateurs se fondent sur les produits à prix faibles et fréquemment achetés et que les prix de ces produits ont augmenté plus que ceux d’autres biens. C’est ainsi que les produits de grande consommation ont augmenté en France de 13 % de 1998 à 2004 [5]. Ce décalage peut également être dû à une sous-estimation de certains postes de dépenses, comme le logement, dans l’indice des prix.
L’utilisation de l’euro, comme instrument de compte facilite également la comparaison internationale des salaires et des charges sociales. Or, ces coûts peuvent différer d’une façon importante selon la localisation des salariés dans l’espace européen. À cause de sa mobilité nettement plus importante que celle du travail, le capital productif a tendance à se concentrer dans les zones à faibles coûts salariaux et à faible protection sociale, ce qui engendre du chômage dans les autres régions. Du fait de ses effets économiques, ce développement inégal n’est pas propice à l’extension d’un sentiment d’identité européenne chez les salariés. Mais, il peut susciter des mouvements sociaux sur le plan européen qui favorisent ce sentiment. De tels mouvements ont d’ailleurs déjà eu lieu.
Pour éviter les effets néfastes de la concurrence des salaires et des charges sociales, il conviendrait notamment d’harmoniser les législations sociales. Mais les décisions qui devraient être prises dans ce domaine nécessitent l’unanimité des partenaires européens.
2. L’euro dans les relations entre l’Europe et le reste du monde
Depuis 1999, la valeur externe de l’euro a subi des fluctuations importantes. Mais ces variations n’ont pas empêché la monnaie européenne de s’affirmer sur le plan international, notamment face au dollar.
L’évolution de la valeur externe de l’euro
La valeur nominale externe de l’euro est mesurée par son taux de change nominal effectif qui est défini comme une moyenne pondérée des taux de changes bilatéraux d’une vingtaine de pays partenaires les plus importants de la zone euro. Sa valeur réelle mesurée par le taux de change effectif réel permet d’apprécier la compétitivité de l’Europe par rapport au reste du monde.
Les variations de ces taux sont dues en grande partie à celles du taux de change bilatéral euro/dollar. On va donc privilégier l’analyse de ce taux. Cela se justifie d’autant plus que le principal couple de devises échangées est celui de l’euro/dollar qui représente environ 30 % des transactions alors que les couples yen /dollar et dollar/livre sterling constituent respectivement 17 % et 14 % des transactions.
Au moment de l’instauration de l’euro la plupart des opérateurs avait anticipé une appréciation forte de l’euro par rapport au dollar. Or l’euro s’est déprécié d’une façon presque continue en termes nominaux d’environ 20 % depuis le début 1999 jusqu’à la fin de 2000. En 2001, cette dépréciation s’est nettement ralentie en moyenne annuelle et l’on se trouve dans une phase de stabilisation avec des fluctuations.
Cette phase de dépréciation est due essentiellement à des sorties nettes importantes de capitaux européens vers les États-Unis. Ces mouvements semblent déconnecter des variables fondamentales. Ils peuvent s’expliquer par la nature spécifique de certaines sorties de capitaux et par une reconsidération de la rationalité des comportements des opérateurs sur les marchés d’actifs financiers et monétaires [6].
En 2002 commence une période d’appréciation de l’euro qui se poursuit en 2003 et qui fait place à une stabilisation en 2004. Cette phase est suivie par une reprise de l’appréciation amenant le cours à plus de 1,3 dollar pour un euro en janvier 2005. Puis la valeur externe de l’euro diminue pour reprendre son ascension en 2006 et pour atteindre un pic de 1,35 dollar pour un euro en avril 2007. Malgré ces fluctuations, le taux de change nominal euro /dollar est resté, depuis 2004, au-dessus de sa valeur de 1999.
L’évolution du taux de change réel est parallèle à celle du taux nominal, ce qui est normal dans des économies à faible inflation.
Bien que l’appréciation de 60 % de la valeur de l’euro par rapport au dollar de 2000 à 2006 ne favorise par les exportations européennes, elle peut être perçue par l’opinion comme une affirmation de la souveraineté monétaire de l’Europe par rapport au reste du monde. L’attachement à une telle souveraineté peut aussi se traduire par le désir de posséder une monnaie qui est susceptible d’occuper une place importante dans le système monétaire international.
Euroland | USA | |
Nombre d’habitants | 290 000 000 | 265 000 000 |
% du PIB mondial | 19 % | 19 % |
Ouverture : Exportations/importations | 11,6 % | 9,5 % |
% du commerce international | 18 % | 16,5 % |
Le rôle de l’euro dans le système monétaire international
Dès l’introduction de l’euro on a considéré que la monnaie européenne deviendra un concurrent sérieux du dollar en tant que monnaie internationale. En effet l’Euroland initial des 11 pays comporte un poids économique et démographique comparable à celui des USA.
Depuis 1999, l’euro remplit les principales fonctions d’une monnaie internationale [7]. Ces fonctions sont définie par Krugman qui transpose celles remplies par une monnaie dans son espace national au plan international en introduisant une distinction entre l’usage par le secteur privé et celui du secteur public (gouvernement, banque centrale).
- La fonction de moyen de paiement international
En tant qu’intermédiaire d’échange et de moyen de paiement dans le secteur privé, une monnaie internationale est acceptée en règlement des opérations sur biens et services et des opérations financières en dehors de son pays d’émission. Le tableau 2 compare le rôle de l’euro, des monnaies européennes remplacées par l’euro et du dollar en tant que moyens de paiements internationaux.
Monnaies Nationales | Euros | Dollars | |
1999 | 2004/2005 | 2004/2005 | |
Facturation des exportations hors zone euro | 33 %-50 % | 45 %-63 % | nd |
Billets à l’étranger en % du total des billets | nd | 10 % | 60 % |
Part des opérations de changes | 53 % | 37,2 % | 89 % |
Source : BCE, mars 2006
À la différence du dollar, l’euro est peu utilisé dans les échanges entre des agents résidents dans des pays situés en dehors de la zone euro. Cette monnaie est surtout utilisée dans les règlements des échanges bilatéraux entre la zone euro et l’extérieur. La facturation en euros peut ainsi représentée entre 45% et 63% des exportations de la zone selon les pays de destination, ce qui est supérieure aux facturations en monnaies nationales des exportations des pays de la zone avant 1999.
L’euro est également utilisée comme monnaie parallèle dans certains pays situés hors de la zone euro. C’est ainsi que les billets en euros circulant en dehors de la zone représentent environ 10 % des billets émis, alors que les billets en dollars forment 60 % des billets émis. L’utilisation de l’euro sous cette forme ou sous une autres, parallèlement à la monnaie nationale ou à sa place, constitue le phénomène d’euroIsation qui concerne toutes les fonctions de la monnaie et qui se manifeste notamment dans les pays de l’Europe de l’Est et du Sud-Est.
Sur le marché des changes, l’euro est utilisé dans 37,2 % des transactions en 2004 contre 89 % pour le dollar. Sa part est plus faible que celle de l’ensemble des monnaies que l’euro a remplacé du fait de l’élimination mécanique des transactions intra-européennes de change.
- La fonction d’instrument de compte international
L’utilisation de l’euro pour exprimer les prix sur les marchés internationaux, comme ceux des matières premières et de l’énergie, reste très modeste en comparaison avec le dollar. Par contre, comme le montre le tableau 3, l’euro s’est imposé sur le marché des créances internationales. En effet, en 2005, 31,5 % de ces créances sont libellés en euros contre 44 % exprimés en dollar. La part de l’euro est nettement plus importante que celle des anciennes monnaies nationales (20 %). Elle tend à s’accroître. En effet, en 2006 les émissions nettes en euros représentaient environ la moitié des émissions d’obligations internationales dans le monde et plus de 80 % de celles effectuées eu Europe centrale et dans les pays baltes.
Monnaies Nationales | Euros | Dollars | |
1999 | 2004/2005 | 2004/2005 | |
Titres de créances internationales[^(1)^] | 20 % | 31,5 % | 44 % |
Monnaie ancre | 56 pays | 50 pays | 75 pays |
[^(1)^] Titres émis en euros ou en dollars par les non-résidents en Europe ou aux USA.
Source : BCE, mars 2006
Dans le secteur public, l’euro est devenu une monnaie d’ancrage, c’est-à-dire un actif auquel différentes monnaies nationales se rattachent avec des engagements des autorités à limiter ou à supprimer les fluctuations du taux de change nominal par rapport à cet actif. Ce rattachement est décidé pour réduire le danger de l’inflation importée et de favoriser les relations commerciales et financières avec le pays-ancre. Il est retenu par 50 pays, alors que 75 pays prennent le dollar comme monnaie de référence. Cette fonction de l’euro s’est notamment développée avec l’entrée de nouveaux pays dans le mécanisme de change européen (MCE2) qui doit leur permettre d’accéder à la zone euro. De plus, certains pays, comme la Chine, ont décidé d’accroître la part de l’euro dans le panier de devises auquel se rattache leur monnaie.
- La fonction internationale de réserve de valeur
Le développement de l’euro en tant que réserve de valeur internationale résulte du soucis de réduire les risques de change par une diversification des structures de portefeuilles internationaux, et de la confiance dans la puissance économique de l’Europe et dans sa capacité financière.
Monnaies Nationales | Euros | Dollars | |
1999 | 2004/2005 | 2004/2005 | |
Part des obligations de 9 Fds d’I. inter. | 28 % | 30 % | 50 % |
Part des réserves mondiales | 18 % | 24,9 % | 65,9 % (69,4 % en 1999) |
Part des devises des banques non résid. | 18 % | 24 % | 56 % |
Part de la capitalisation boursière mondiale | nd | 16 % | 44 % |
Source : BCE, mars 2006
Il n’existe que des informations partielles sur la part des actifs en euros dans les portefeuilles d’actifs internationaux. C’est ainsi qu’en 2005, les obligations en euros représentaient 30 % des titres de créances détenus par 9 grands fonds d’investissement internationaux, alors que les titres en dollars constituaient 50 % de ces portefeuilles. La part des euros dans les avoirs en devises détenus par les banques non européennes est passée de 18 % à 24 % de 1999 à 2004. La part du dollar est de 56 % en 2004. La part de l’euro dans les dépôts des non-résidents auprès des banques de la zone euro est d’environ 50 % entre 1999 et 2005.
Dans le secteur public, l’euro est devenu un moyen de diversifier les réserves officielles des banques centrales. En effet, de 1999 à 2005, les réserves mondiales de change ont augmenté de 125 %, alors que les réserves en euros ont crû de 190 %. La part des euros dans les réserves mondiales représentait 24,9 % en 2005, alors que celle des anciennes monnaies nationales européennes était de 18 % en 1999. Cette évolution semble s’être effectuée en partie au détriment du dollar. En effet la part de cette monnaie dans les réserves mondiales, tout en restant prédominante, est passé de 69,4 % en 1999 à 65,9 % en 2005.Dans les pays en développement la part des réserves de changes en euros est plus importante que dans les pays industriels, notamment à cause de la prépondérance de l’euro en Afrique francophone.
Au cours de ses huit années d’existence, l’euro s’est affirmé comme une monnaie internationale susceptible de concurrencer le dollar et le yen. Mais malgré cette évolution, le rôle international de l’euro est encore nettement moins important que celui du dollar, notamment comme moyen de paiement et de réserve officielle. Dans le domaine financier, la puissance du dollar se traduit par la part nettement plus importante des titres en dollars dans la capitalisation boursière mondiale (44 %) que celles des titres en euros (16 %). L’euro s’est cependant imposé par rapport au dollar sur le marché des créances internationales. Il est probable que l’euro ne se substituera pas au dollar et au yen comme dans le passé le dollar a remplacé la livre sterling, mais qu’il confortera sa place dans un système monétaire international tripolaire.
Conclusion
Au cours de ses huit années d’existence l’euro a réussi à s’imposer sur le plan européen comme un facteur de stabilisation interne et en dehors de la zone euro en tant que monnaie internationale. Mais l’instauration de l’euro n’a pas permis d’obtenir les résultats économiques promis en 1999 en matière de croissance et d’emploi. De plus, le succès essentiel revendiqué par la Banque Centrale Européenne en matière d’inflation est contesté par une grande partie des citoyens. De ce fait ces derniers peuvent éprouver un sentiment de déception et attribuer cet échec à l’euro au lieu d’en chercher la cause éventuelle dans la gestion de cette monnaie et dans les politiques économiques qui en résultent. Cette confusion risque de susciter un sentiment de rejet de la monnaie unique. Une telle réaction est d’autant plus concevable que les citoyens semblent considérer l’euro comme une simple innovation monétaire à laquelle ils pourraient renoncer si ses inconvénients devenaient plus importants que ses avantages. Elle est à craindre tant que l’euro ne deviendra pas, comme les autres monnaies, un vecteur d’identité nationale. Mais une telle évolution nécessite probablement l’émergence d’un pouvoir politique européen.
[1] Voir Koenig G.(2006), « La perception de l’euro par les ménages européens en 2005 », Bulletin de l’OPEE, n°14.
[2] Voir Koenig G. (ed.) (2002), L’euro vecteur d’identité européenne, PUS.
[3] Flash Euro Baromètre 175, L’euro, 4 ans après l’introduction des billets et des pièces, Rapport, novembre 2005.
[4] Flash EB 175, op cit.
[5] Les Echos, 3 avril 2007.
[6] Voir Koenig G.(2002), « La valeur de l’euro par rapport au dollar et les marchés financiers et monétaires », Bulletin de l’OPEE, n°7
[7] Pouvelle C. (2006), « Le rôle international de l’euro depuis 1999 : facteurs et enjeux », Bulletin de la Banque de France, n°147, p.39-56.
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