Stiglitz 2016 : Un regard intransigeant sur l’euro
Michel Dévoluy, Université de Strasbourg (BETA).
Dans son dernier livre, The Euro – How a Common Currency Threatens the Future of Europe (Norton, August 2016) [1], Joseph Stiglitz ausculte l’euro avec l’appareillage analytique d’un keynésien engagé. Il faut l’écouter pour sa clarté pédagogique et son diagnostic au scalpel. Ses propositions sont radicales, soit on change vraiment la donne, soit on abandonne une partie trop mal engagée. Ce livre est sans concessions. Mais son regard d’outre-Atlantique minimise sans doute le poids de l’histoire européenne et les risques politiques liés à l’éclatement de la zone euro.
Mots-clefs : Avenir de l’Europe, construction européenne, gouvernance économique et financière en Europe, Traité de Maastricht, zone euro, zone monétaire optimale.
Citer cet article
Michel Dévoluy « Stiglitz 2016 : Un regard intransigeant sur l’euro », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 35, 45 - 49, Hiver 2016.
Stiglitz nous dit en substance : Quel gâchis ! Quels malentendus ! Quelle impréparation ! Quelle naïveté ! L’euro a été conçu et proclamé comme le point d’appui pour construire une économie plus forte et pour servir de levier à un processus d’intégration politique. Le résultat est inverse. L’économie va mal et les européens se défient de plus en plus de l’Europe. Pourquoi un tel bilan ? Que peut-on faire pour avancer ?
Le diagnostic posé par Joseph Stiglitz dans son dernier ouvrage sur l’état de la zone euro est alarmant et sans concessions. Il propose trois voies pour s’extraire de cette impasse : aller résolument de l’avant grâce à une réforme de fond, sortir à l’amiable de la zone euro ou retourner à une forme de Système monétaire européen (le SME d’avant 1999).
Les analyses de Joseph Stiglitz sur le fonctionnement et les performances de la zone euro ne portent pas à l’enthousiasme. Le tableau était déjà assez sombre depuis la création de la monnaie unique en 1999 jusqu’à la crise qui s’est déversée sur l’Europe à partir de 2008. Mais, depuis, rien ne va plus, et la sagesse commande de régler les problèmes de fond. Pour l’auteur, les réparations à la marge ne feraient que différer les difficultés économiques et sociales et augmenter le désamour des citoyens pour l’Europe.
Le privilège d’un prix Nobel (précisément ici, du prix de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel) est d’être écouté ou, à tout le moins, lu. En réalité, Stiglitz reprend et synthétise beaucoup des arguments avancés par de nombreux auteurs sur les faiblesses congénitales de la construction monétaire européenne [1]. Faiblesses, hélas, clairement mises à jour et amplifiées avec la crise. Selon lui, la solution n’est pas dans le recours à des politiques économiques punitives imposées à des Etats pris individuellement, mais à des changements en profondeur au niveau de l’ensemble de la zone euro. Comme il l’écrit à plusieurs reprises, ce n’est pas aux victimes -qu’il s’agisse des Etats ou des individus- à payer au prix fort les mauvaises conceptions de la zone euro. Et, là encore, les propos du prix Nobel font échos à de nombreuses critiques déjà formulées dans ce sens.
Stiglitz déroule son analyse en 394 pages de texte (hors préface et remerciements), dont 67 pages de notes en fin d’ouvrage. Les trois premières parties s’étendant sur 236 pages, relèvent du diagnostic, d’où les trois titres : « L’Europe en crise, Défectueuse dès le départ, Des politiques erronées ». La quatrième partie propose en 70 pages « La marche à suivre ».
Stiglitz commence donc par dresser un état des lieux très décevant. Nous retiendrons ici, à titre d’exemples, la stagnation et le chômage. Le PIB réel de la zone euro en 2015 dépasse de seulement 0,6% celui enregistré en 2007. Sur cette période, le PIB de la Grèce a pratiquement baissé d’un quart et son taux de chômage a atteint un sommet de 27,9% en 2013. En bref, la zone euro se caractérise par « une décennie perdue », une situation catastrophique pour certains pays comme la Grèce et la perte de confiance des citoyens dans l’Europe. L’auteur compare les cures d’austérité imposées aux pays victimes de la crise à celles prescrites dans les années 1980-2000 par le FMI, alors dominé par le Consensus de Washington. A l’époque, les victimes étaient des États sud-américains, africains et asiatiques. « Le monde a payé un prix très élevé, écrit-il (p. 24), pour sa dévotion à la religion du fondamentalisme du marché, appelée aussi néolibéralisme, et maintenant c’est au tour de l’Europe. » Cette phrase résume le thème principal du livre : la vision néolibérale de l’économie a largement contribué à façonner l’architecture et les politiques de la zone euro depuis sa création. Incapable d’apprendre de ses erreurs, l’Europe est restée exactement sur la même trajectoire pour sa gestion de la crise. Il faut donc changer la donne.
Défauts et limites de l’architecture de la zone euro.
Pour Stiglitz, la construction de la zone euro fait apparaître, dès son origine, un ensemble de problèmes majeurs : des erreurs d’analyses économiques, un parti pris idéologique, une absence de solidarité, un déficit démocratique, une sous-estimation criante de l’hétérogénéité des structures économiques, sociales et politiques des États concernés.
La théorie des zones monétaires optimales initiée par Robert Mundell nous a appris les conditions minimales à remplir en vue d’abandonner les taux de change et de passer à une monnaie unique. Les mécanismes sont connus des économistes : mobilité des facteurs de production (main d’œuvre et capital), diversification des productions dans tous les pays concernés, homogénéité des préférences en matière de biens publics et d’objectifs des politiques économiques et sociales, une vraie coordination fiscale pour les impôts dont les assiettes sont mobiles, un budget centralisé afin de permettre des compensations entre les pays. Face à ces exigences fortes, l’Europe a répondu en imposant une convergence nominale sur les déficits, les dettes publiques, les taux d’inflation et les taux d’intérêt à long terme. C’était nécessaire, mais notoirement insuffisant. Il aurait aussi fallu, en plus, une convergence réelle en matière de structures économiques et sociales. Ici, les politiques n’ont pas assez écouté les économistes.
Le parti pris idéologique est d’avoir surestimé le rôle autorégulateur des marchés et de croire que la concurrence libre et non faussée faciliterait la convergence des économies. L’efficience des marchés financiers éviterait tous risques de crise majeure. L’indépendance d’une BCE axée sur l’inflation l’empêcherait d’envisager des politiques monétaires déstabilisantes. Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) encadrerait de façon salutaire les marges de manœuvre des politiques budgétaires en liant les mains des gouvernements trop enclins aux dépenses. Or, nous rappelle Stiglitz, les imperfections des marchés sont la norme et les politiques macroéconomiques sont indispensables pour réguler l’économie. Présenté autrement, le parti pris idéologique représente ici l’adhésion à l’idée selon laquelle il n’y aurait pas d’autre alternative que le néolibéralisme décomplexé à la Margareth Thatcher incarné dans le fameux TINA (There Is No Alternative). Ici, les politiques ont trop écouté les économistes néolibéraux.
La faible solidarité se dévoile doublement. D’abord, par l’absence d’un vrai mécanisme de redistribution (le budget européen est insignifiant par rapport au budget d’un État fédéral). Ensuite, par la présence de la clause de non renflouement (no bail out) en cas de difficulté financière d’un pays membre.
Le déficit démocratique se révèle à plusieurs titres. L’indépendance de la BCE est le cas le plus visible. Mais surtout, le traité de Maastricht ne prévoit aucun gouvernement économique européen qui choisirait des politiques au nom de tous. En guise de gouvernement, la zone euro est soumise à des règles inscrites dans le traité. Par ailleurs, toutes les grandes décisions en matière fiscale et sociale exigent l’unanimité, autant dire que rien ne peut vraiment avancer en la matière. Enfin, il aurait fallu que s’exprime clairement dans le traité et dans les discours des responsables nationaux un désir partagé d’Europe politique.
La sous-estimation de l’hétérogénéité des Etats s’identifie d’abord dans la diversité des structures économiques et sociales. Mais elle se marque aussi par la variété des systèmes politiques et des préférences collectives telles qu’elles se manifestent dans les élections nationales.
En somme, la construction de la zone euro a été fondée sur un néolibéralisme dur et sur un fonctionnalisme mou qui pense que la monnaie unique va immanquablement pousser vers la convergence des économies et le désir d’union politique. C’était bien candide, surtout en présence d’un personnel politique qui préfère toujours préserver les pouvoirs nationaux.
La crise n’a rien changé, au contraire
Avec la crise, soutient Stiglitz, toutes les insuffisances de la construction européenne ont été accentuées. On observe un regain du néolibéralisme, des règles plus dures, une démocratie bafouée, et tout cela au nom de TINA. Son jugement est sans complaisance, surtout au regard du sort fait à la Grèce. Selon lui, le traitement de la crise ressemble à un agenda politique construit pour discréditer et éliminer les gouvernements de gauche.
Les Etats lourdement endettés et présentant des balances commerciales déficitaires sont traités comme s’ils avaient été les initiateurs de leur mauvaise situation. D’où la justification des sévères cures d’austérité en contrepartie d’aides financières : baisses des salaires, des prestations sociales et des retraites, coupes budgétaires, hausse des impôts, privatisations.
Stiglitz souligne la place exorbitante de la Troïka (FMI, Commission européenne, BCE) dans le choix des mesures imposées aux Etats en difficultés. L’auteur, après d’autres, affirme que le comportement de la Troïka vis à vis de la Grèce représente un déni de démocratie, encore accentué par un mépris à peine voilé pour les résultats des élections. Mais l’attitude et les choix de la Troïka n’ont, en définitive, rien de surprenants. Cette institution ad hoc n’a fait que traduire dans les faits les exigences des règles européennes et l’intransigeance des États « vertueux », avec l’Allemagne en tête.
Et malgré tout cela, ou plutôt, à cause de cela, les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Les dévaluations internes (baisses des salaires et des charges) ont été très coûteuses pour la société et pour les plus fragiles. Les privatisations imposées à des conditions léonines ont surtout bénéficié aux acquéreurs. La détérioration des services publics (éducation, santé) et l’émigration de la jeunesse entraînent une redoutable baisse du capital humain sur le long terme. Au-delà du cas emblématique de la Grèce, on assiste, pour toute la zone euro, à un renforcement de la logique des règles d’inspiration néolibérales. Il suffit ici de les citer : Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), Paquet de six et Paquet de deux. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourrait laisser penser qu’une forme de solidarité financière européenne est en marche. Ce serait vrai si les prêts consentis par le MES n’étaient pas assortis de conditionnalités draconiennes en matière d’austérité. Stiglitz admet que la BCE s’est un peu émancipée de la chape européenne avec la mise en place de ses mesures dites « non conventionnelles ». Mais elle aurait dû faire plus encore pour soutenir les économies. De même, il salue la mise en place d’une union bancaire européenne (UBE), mais en regrettant que cela n’aille pas jusqu’à vraiment collectiviser les risques.
Résumé du bilan
Le bilan critique de Stiglitz peut se résumer à quelques idées clés :
Il fallait une convergence économique, sociale et fiscale, on a eu une consolidation des divergences et une concurrence délétère.
Il fallait instaurer des politiques économiques flexibles et réactives, on a eu des règles.
Il fallait une solidarité effective, on a eu le chacun pour soi. Et si des aides ont été concédées, c’était en contrepartie d’exigences exorbitantes pour les États les plus fragiles.
Il fallait une volonté politique commune pour aller dans la même direction et construire un projet politique, on a eu des États arc-boutés sur leurs souverainetés.
Curieusement, Stiglitz n’évoque jamais la place de la doctrine ordo-libérale dans les choix européens.
Trois solutions possibles
Parmi les trois issues qu’il envisage, Stiglitz marque sa préférence pour une refonte de la zone euro. Sinon, il faudrait se résoudre à un divorce à l’amiable. La troisième solution, à laquelle il semble le moins croire (mais il ne le dit pas) instaurerait un euro flexible qui s’apparente au SME qui fonctionna entre 1979 et 1999.
1. Pour un nouveau départ
La meilleure solution, souligne Stiglitz, nécessite vraiment plus d’Europe. Très concrètement, elle implique à la fois des réformes structurelles et des mesures de court terme. L’auteur développe longuement chacune d’entre elles.
Sept réformes structurelles
1. Une vraie union bancaire qui irait au-delà des réformes proposées par la nouvelle UBE. Rappelons que celle-ci fonctionne depuis 2014 grâce à ses trois piliers : une supervision unique pour les grands établissements, un système de résolution des banques défaillantes, une garantie homogène des dépôts, mais gérée au niveau de chaque État. Stiglitz veut aller plus loin en instaurant un système de garantie au niveau de toute la zone euro.
2. Une mutualisation des dettes publiques nationales, grâce notamment à la création de bons européens.
3. Un mécanisme commun de stabilisation des économies plus souple et plus efficace que le système actuel (PSC et TSCG) que Stiglitz qualifie d’ailleurs de mécanisme de « déstabilisation »(p. 244). Plus généralement, Stiglitz préconise que l’on sorte en matière budgétaire de la logique de la « ménagère souabe » pour rentrer enfin dans la modernité (p. 245). Petit rappel ici pour éclairer le choix de la ménagère de Stiglitz : Wolfgang Schäuble, le très rigoureux ministre allemand de l’économie, est né et habite en Souabe (précisément la région qui correspond à l’ancien duché de Souabe). Stiglitz recommande également la création d’un fonds de solidarité et la mise en place d’un système de stabilisateurs automatiques au niveau de l’union (par exemple un fonds d’aide aux chômeurs).
4. Un système d’encouragement et de contrôle de la convergence des économies réelles qui empêcherait notamment la formation des déséquilibres des balances courantes, qu’elles soient déficitaires ou excédentaires. Notons ici qu’un système analogue est déjà à l’œuvre dans le cadre de la nouvelle supervision macroéconomique contenue dans le Paquet de six opérationnel depuis 2012.
5. Des politiques macroéconomiques pour encourager la croissance. Stiglitz souhaite ardemment une BCE qui élargirait ses objectifs au soutien de l’économie, comme la Fed peut le faire aux Etats-Unis.
6. Des réformes structurelles pour assurer le plein emploi et la croissance. L’auteur défend en particulier des politiques industrielles et environnementales ambitieuses au niveau de la zone euro. Il souhaite aussi donner plus de pouvoirs aux salariés dans la gouvernance des entreprises. Il verrait également comme une avancée utile une loi facilitant un nouveau départ pour les entreprises défaillantes (semblable à ce qui est appelé le « Chapitre 11 » aux Etats-Unis).
7. Un engagement pour partager la prospérité qui passe par une harmonisation fiscale et sociale. L’enjeu est d’éviter une concurrence délétère entre les circonscriptions administratives qui prélèvent l’impôt. Il suffit ici de penser aux dégâts provoqués par la course au moins disant fiscal entre les États membres.
Deux réformes immédiates pour gérer la crise
1. Quitter au plus vite la logique de l’austérité pour celle de la croissance. Même le FMI a reconnu que les politiques macroéconomiques impulsées par la Troïka n’avaient pas atteint leur but. Il est grand temps, dit Stiglitz, de recourir aux multiplicateurs budgétaires dans une logique keynésienne.
2. Restructurer les dettes pour redonner de l’air aux économies. Stiglitz s’appuie sur l’exemple positif de l’Argentine en 2002. Plusieurs méthodes sont envisageables pour étaler les remboursements et/ou pour réduire l’endettement. L’auteur semble séduit par l’idée de transformer des titres publics existants afin de pouvoir indexer leur rythme de remboursement au taux de croissance du pays débiteur.
Au total, Stiglitz propose des réformes qui mettent l’accent sur la convergence économique et l’exercice de la solidarité. Mais il sait pertinemment que cela ne suffit pas. Et la lecture des pages 267 à 271 est à cet égard éclairante. Il faut aussi, dit-il, promouvoir largement l’Europe, notamment à l’école en diffusant ses valeurs et la richesse de son histoire. Au bout du compte, poursuit-il, l’avenir de l’Europe repose beaucoup trop sur ceux qui préfèrent le confort « d’être des gros poissons dans de petits étangs » plutôt que d’accepter de perdre une partie de leurs pouvoirs. Il est naïf de penser, nous assène Stiglitz, que partager la même monnaie induit automatiquement une dynamique politique suffisante pour surpasser la force d’attraction des souverainetés nationales.
2. Un divorce à l’amiable est-il possible ?
A partir du moment où le cap de l’Europe politique est inatteignable, Stiglitz pense qu’un divorce à l’amiable est souhaitable. L’auteur se concentre sur le cas de la Grèce. Quatre défis sont à relever : Introduire techniquement la nouvelle monnaie, éviter l’explosion d’une dette désormais libellée en une monnaie dévaluée, rééquilibrer la balance commerciale et relancer l’économie. Ses quatre réponses sont les suivantes : avec un certain optimisme, Stiglitz pense qu’un mécanisme de e-monnaie, conforme à un système bancaire digne du 21° siècle, permettrait d’éviter les questions techniques de création de billets et pièces et, de plus, faciliterait le contrôle des mouvements de capitaux. La restructuration des dettes est incontournable et les modalités dépendront en partie de l’attitude des créanciers. Pour empêcher les déséquilibres extérieurs, l’auteur envisage un système de coupons (Trade chits), obtenus grâce aux exportations, qui devraient être indispensables pour effectuer des importations. L’idée est séduisante, mais peu compatible avec une économie de marché. Enfin, le soutien à l’économie passerait par un système de distribution de crédit axé sur les secteurs porteurs. Stiglitz termine sur ce thème en indiquant que, finalement, le mieux serait un départ de l’Allemagne, et de certains pays du Nord, de la zone euro. Cette solution aurait l’avantage d’éviter de faire porter l’essentiel des coûts du divorce sur les pays les plus fragiles. Sur ce thème, l’auteur mesure insuffisamment tous les dégâts collatéraux, de nature politique et géopolitique que provoquerait la fin de la zone euro. D’une certaine manière, le choix des grecs de ne pas abandonner la monnaie unique est un indice fort de la peur de cette inconnue. Il n’est pas aisé de s’opposer à ce qui semble être le cours de l’histoire européenne.
3. Vers un euro flexible
Stiglitz est très rapide sur ce thème. Pour aller à l’essentiel, son projet ressemble beaucoup à un retour au SME. La nouveauté est ici de reprendre l’idée des coupons (Trade chits) afin d’empêcher la formation des déséquilibres extérieurs structurels entre les États de la nouvelle zone euro.
Conclusion
« Bien que peu l’admettent, le débat -le différent- sur l’euro concerne tout autant, et même plus, le pouvoir et la démocratie, des idéologies concurrentes, une vision du monde et de la nature de la société qu’il ne concerne la monnaie et l’économie. » (p.315) Cette citation peut servir de conclusion à l’ouvrage dans lequel Stiglitz a analysé avec profondeur et brio les limites de la construction économique et monétaire européenne. En effet, l’euro est tout autant une question politique qu’économique. Les porteurs de cet immense projet ont cru, ou peut être feint de croire, qu’une monnaie unique servirait de baguette magique pour entraîner la convergence des économies et l’intégration politique. En fait, l’euro pose trois questions. D’abord, pourquoi la zone euro est-elle si peu performante, surtout en période de crise ? Les réponses sont dans ce livre. Ensuite, pourquoi avoir voulu créer l’euro ? Et, enfin, que faire ? Ces deux dernières questions sont intimement liées à la dynamique de l’intégration européenne. Stiglitz s’est surtout concentré sur la monnaie et l’économie, où il excelle. Mais c’est probablement en repartant des raisons profondes, complexes et ambiguës de la création de l’euro, puis en démêlant la dynamique politico-économique de la construction européenne qu’on pourra le mieux envisager le destin de la monnaie unique.
[1] Le lecteur familier de ce Bulletin sait que de nombreux articles ont été consacrés sur ce thème depuis le lancement du n° 1 en 1999, l’année de la création de l’euro.
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