Le coût du cinquième élargissement
Eric Rugraff, Université de Strasbourg (BETA)
Le 1er mai 2004 dix nouveaux membres viendront rejoindre la famille communautaire. Ce cinquième élargissement intervient dans un contexte de stabilité des dépenses européennes. Le financement de l’intégration des dix nouveaux entrants s’effectue donc par une réallocation des ressources communautaires. En 2006, les sommes allouées aux nouveaux venus représenteront environ 16 % du budget communautaire. Le coût réel de l’élargissement est réduit, notamment lorsqu’on le ramène à la richesse produite par l’espace européen. À long terme, la charge représentée par les dix nouveaux venus, dépendra fondamentalement de leur capacité à se développer et à se rapprocher du niveau de vie moyen de l’UE.
Mots-clefs : élargissement de l’UE, Fonds de Cohésion , Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) , Fonds social européen (FSE), Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO), Politique agricole commune (PAC).
Citer cet article
Eric Rugraff « Le coût du cinquième élargissement », Bulletin de l’Observatoire des Politiques Économiques en Europe, vol. 8, 29 - 31, Été 2003.
Le budget de l’UE fait l’objet d’une programmation pluriannuelle. C’est dans le cadre de la programmation 2000-2006, connue sous le nom d’Agenda 2000, qu’ont été évaluées les aides destinées à l’élargissement. La contribution des pays membres de l’UE au budget n’a pas été augmentée entre la programmation précédente (1993-1999) et la période actuelle. L’élargissement se fait donc à moyens constants, ce qui signifie qu’il ne génère pas de coût supplémentaire pour le contribuable européen. Par contre, il engendre une réallocation des moyens des membres actuels de l’UE vers les nouveaux entrants.
Les aides se décomposent en deux groupes : les aides à la pré-adhésion et les aides à l’adhésion. Certaines aides à la pré-adhésion ont été mises en place avant Agenda 2000, et l’aide à la pré-adhésion se poursuivra après 2004 et le cinquième élargissement. En effet, tous les pays candidats n’intégreront pas l’UE. La Bulgarie et la Roumanie, insuffisamment préparées à l’adhésion, continueront à toucher des aides de pré-adhésion dans une perspective d’intégration en 2007. La Turquie est reconnue officiellement comme étant candidate, sans pour autant que les négociations d’adhésion ne soient ouvertes. Enfin, la Croatie a déposé sa candidature en février 2003.
Les aides à la pré-adhésion
Le programme PHARE 1 [1] a été créé en 1989. Il a été complété en 2000 par les programmes ISPA [2] et SAPARD [3]. Ils constituent les trois instruments de pré-adhésion.
PHARE s’articule autour de deux priorités :
- le renforcement du fonctionnement des administrations représente 30 % du montant de l’aide. La Commission identifie les lacunes dans le fonctionnement d’une administration d’un pays candidat. Celui-ci présente un projet de réforme, puis des équipes d’experts d’administrations de pays membres aident les pays candidats. Le fonctionnement repose sur le jumelage d’administrations et d’agences gouvernementales.
- l’investissement lié à la reprise de l’acquis communautaire représente 70 % du financement et repose sur deux activités principales. D’une part, le cofinancement d’investissements nécessaires à la mise en place de l’acquis communautaire, tels que l’achat d’équipements, d’appareils de mesures pour assurer la sécurité des frontières ou la protection sanitaire du consommateur, et d’autre part, depuis 2000, le cofinancement de l’investissement nécessaire à la cohésion économique et sociale qui équivaut aux mesures prises dans l’Union par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) et le Fonds Social Européen (FSE).
ISPA fournit un soutien financier à l’investissement, visant à accélérer la mise en conformité à la législation européenne dans les secteurs de l’environnement (traitement des eaux usées, gestion des déchets, pollution de l’air) et du transport. ISPA peut financer jusqu’à 75 % du coût d’un projet, et exceptionnellement 85 %. Un cofinancement avec la Banque Européenne d’Investissement (BEI), la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) ou d’autres acteurs publics ou privés doit être mis en place.
La BEI, créée en 1958 par le traité de Rome et ayant pour objectif de financer des projets destinés à un développement équilibré de l’Union, est le principal bailleur de fonds des pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Fin 2002, les engagements de la BEI à l’égard des dix entrants s’élevaient à 18 milliards d’euros (pour des projets de transport, environnementaux, de télécommunication, etc...). La BERD, créée en 1991, accorde des prêts, prend des participations et fournit des garanties à 27 pays en transition. Le montant annuel moyen des investissements réalisés par la BERD dans les huit PECO qui vont intégrer l’UE est de l’ordre d’un milliard d’euros.
SAPARD prépare les pays candidats à participer à la Politique Agricole Commune (PAC). Ce programme a trois objectif majeurs : la mise en œuvre de l’acquis communautaire en matière de PAC, l’ajustement structurel du secteur agricole et le développement des zones rurales. L’aide concerne essentiellement le traitement et la distribution des produits agricoles et de la pêche, la constitution de groupements agricoles et l’investissement dans les infrastructures rurales. Mais de nombreux domaines sont concernés, tels que l’amélioration des contrôles de qualité et phytosanitaires, la création et la mise à jour de registres cadastraux ou encore la mise en place de services de gestion et de soutien agricoles. L’allocation est fonction de l’étendue de la zone agricole, de la taille de la population agricole et du niveau de vie. La gestion des fonds est confiée aux agences des pays candidats établies en général au sein du Ministère de l’agriculture.
Sur la période 1990-1999, l’aide accordée dans le cadre du programme PHARE s’est élevée à environ 7 milliards d’euros, soit 700 millions par an. Entre 2000 et 2004, le montant annuel maximum alloué au titre de PHARE est de 1,56 milliard d’euros, 1,04 au titre d’ISPA et 0,52 pour SAPARD, soit un total annuel de 3,12 milliards d’euros (en euros de 1999). Le montant d’aide à la pré-adhésion en 2005 et 2006 représente également environ 3 milliards d’euros par an.
Sur la période 2000-2006, les aides à la pré-adhésion se seront élevées à 3 % du budget annuel de la Communauté de 100 milliards d’euros, qui représente lui-même 1,27 % du produit national brut communautaire.
Les aides à l’adhésion
Lors du sommet de Copenhague de décembre 2002, les aides accordées sur les trois premières années de l’adhésion ont été fixées à environ 41 milliards d’euros [4] (Tableau 1). Environ 4/5 des crédits d’engagement sont destinés aux politiques structurelles (fonds de cohésion et fonds structurels) et à la politique agricole (dépenses de marché, paiements directs et développement rural). Les autres crédits vont à la mise en œuvre de l’espace Schengen, la sûreté nucléaire (pour les politiques internes) ou encore à la participation au Parlement européen. La Pologne, le pays des Dix le plus peuplé et le plus vaste, obtient près de la moitié des crédits, suivie par la Hongrie et la République tchèque qui percevront respectivement 13 % et 11,8 % des sommes allouées [5] .
Les dépenses de l’élargissement vont augmenter progressivement entre 2004 et 2006. Elles représenteront 11 % en 2004, 14 % en 2005 et 16 % en 2006 du budget communautaire. Si l’on prend en compte les aides à la pré-adhésion et à l’adhésion, le budget consacré aux nouveaux membres s’élèvera en 2006 à environ 1/5 du budget de l’UE.
Toutefois le coût réel de l’élargissement pour l’UE est considérablement plus faible sur les trois premières années. Les nouveaux entrants ne sont autorisés effectivement à dépenser dans l’année que des sommes significativement inférieures au montant des crédits d’engagement. En outre, à partir de mai 2004, les nouveaux entrants contribueront également au budget communautaire. Au total le coût net de l’adhésion a été évalué par la Commission européenne à 10,5 milliards d’euros (euros de 1999) pour les trois premières années (Tableau 2), soit moins de 10 euros par an pour un habitant de l’UE-15. Pour la France cela représente, compte tenu de sa participation au budget
européen, l’équivalent de 630 millions d’euros par an.
En millions d’euros | 2004 | 2005 | 2006 | Total 2004-2006 |
Agriculture | 1 897 | 3 747 | 4 147 | 9 791 |
Actions structurelles | 6 095 | 6 940 | 8 812 | 21 847 |
Politiques internes | 1 421 | 1 376 | 1 341 | 4 138 |
Administration | 503 | 558 | 612 | 1 673 |
Trésorerie | 1 260 | 1 129 | 896 | 3 285 |
Total | 11 176 | 13 750 | 15 808 | 40 734 |
Source : Conclusions de la Présidence - Copenhague, 12-13 décembre 2002.
En millions d’euros | 2004 [7] | 2005 | 2006 | Total 2004-2006 |
Crédits de paiements [8] | 4 982 | 9 319 | 10 842 | 25 143 |
Contribution au budget européen | 3 559 | 5 465 | 5 607 | 14 631 |
Coût net de l’adhésion | 1 423 | 3 854 | 5 325 | 10 512 |
Source : MINEFI-DREE/TRESOR, Revue Elargissement, n° 36, 6 janvier 2003.
[1] Programme Pologne-Hongrie d’Actions pour la Reconversion Economique.
[2] Instrument for Structural Policies for pre-Accession ou Instrument de pré-adhésion pour les politiques structurelles.
[3] Special Accession Program for Agricultural and Rural Development ou Programme spécial pour l’adhésion pour l’agriculture et le développement rural.
[4] Les plafonds de dépenses avaient été fixés pour la période 2004-2006 par le Conseil européen de Berlin en 1999. D’ultimes concessions ont été accordées aux nouveaux entrants (1 milliard pour la Pologne et 408 millions d’euros pour les autres), pour les trois premières années de l’adhésion.
[5] La répartition des crédits entre les entrants dépend essentiellement de la taille des pays, du nombre d’habitants et du niveau de vie, mais également de particularités nationales comme le poids de l’agriculture pour les fonds liés à la politique agricole ou encore du parc nucléaire.
[6] Sommes pouvant être engagées, éventuellement sur plusieurs années.
[7] Adhésion au 1er mai 2004, les données portent sur 2/3 d’une année.
[8] Les crédits de paiement correspondent au maximum pouvant effectivement être dépensé dans l’année.
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